L'école de la Meinau accueille, depuis sa création, des enfants issus des quartiers des Villas et de la Canardière. Alors que de nombreux élèves partent dans le privé, l’ouverture d’un nouveau groupe scolaire à la rentrée 2025 menace un peu plus sa mixité sociale.
A 8h15, les familles attendent l'ouverture de l'école de la Meinau. © Kenza Lalouni
Devant l'école de la Meinau, construite de plain-pied, la température frôle le négatif. Il est 8 h 20 quand des petits groupes emmitouflés dans leurs vêtements d’hiver arrivent à pied depuis la Canardière. Sur le trottoir d’en face, des SUV sont à l’arrêt, moteur tournant, attendant l’ouverture de la grille pour déposer les enfants.
"Toutes les écoles devraient être comme la nôtre", affirme Emmanuel Schmitt, directeur de l’école maternelle de la Meinau. Posté à l’entrée pour accueillir les enfants, il voit dans l’établissement un lieu de rencontre entre différents milieux sociaux. "C’est à l’image de notre société, c’est juste normal. Pour moi, c’est important que mon fils aille à l’école du quartier", estime Aude, maman de Colin, qui vit dans le quartier des Villas.
Le groupe scolaire de la Meinau se distingue depuis sa création en 1948 par sa mixité sociale. L'établissement est le point de jonction entre deux quartiers : au nord, la zone des Villas, majoritairement aisée et pavillonnaire ; au sud, la Canardière, un quartier populaire composé d’immeubles HLM.
Jusqu’au début des années 2010, l’école de la Meinau était une école d’application. Autrement dit, ses enseignants étaient des maîtres formateurs. Même si aujourd’hui elle a perdu cette fonction, elle conserve un certain prestige aux yeux des parents.
La tentation de l’école privée
Mais l’établissement n’échappe pas aux fuites vers le privé, notamment en raison de son statut REP+ (Réseau d’éducation prioritaire renforcé). "Les habitants des pavillons, ils en ont peur", explique Sandrine, habitante des Villas, montrant du doigt la zone pavillonnaire de l’autre côté de la route de la Meinau. Certaines familles font le choix, par culture familiale, d’inscrire leurs enfants à l’école privée dès la petite enfance, notamment au Gymnase ou à Sainte-Anne. D’autres, se plaignant d’un niveau trop bas, tournent aussi le dos à l'école publique.
Le statut prioritaire présente cependant des avantages aux yeux de certains parents : depuis 2019, les classes de grande section, de CP et de CE1 sont dédoublées. "À l’école privée, ils sont 30 dans les classes, nous, on est au maximum à 16", note Stéphanie Maurer, directrice par intérim de l’école élémentaire de la Meinau. Ces effectifs réduits en inciteraient certains à maintenir leurs enfants à l’école de la Meinau, en raison de meilleures conditions d’apprentissage.
La sectorisation scolaire de la Meinau. © Arthur Guillamo et Kenza Lalouni
De nombreux parents amènent leurs enfants à l'école à vélo. © Kenza Lalouni
L’horizon du collège pousse des familles à partir dans le privé dès le CM1 ou le CM2. L’établissement de secteur Lezay-Marnésia étant victime d’une mauvaise réputation, des parents souhaitent y échapper coûte que coûte. Même si "c’est cher", Olivia, qui habite rue de la Canardière, compte mettre ses quatre enfants à l’école privée. C’est aussi le cas de Khalide, domicilié sur l’avenue de Colmar, qui souhaite y inscrire son fils "peut-être une année avant" la fin de l’école élémentaire, afin de lui assurer une place à l’entrée en sixième.
Un projet de nouvelle école qui inquiète
Près du stade, un nouveau groupe scolaire est en construction. Le projet, qui doit ouvrir à la rentrée 2025, est porté par la Ville de Strasbourg pour un coût total de 18 millions d’euros. Dotée de 18 classes, huit en maternelle et dix en élémentaire, la nouvelle école doit désengorger celles du Schluthfeld et du Neufeld situées au Neudorf. Elle accueillera également des enfants issus du quartier des Villas, dont l’établissement de secteur est aujourd'hui le groupe scolaire de la Meinau.
"La Ville nous dit qu’elle va essayer de réfléchir à conserver la mixité sociale dans notre école. On est forcément un peu inquiet, mais on attend de voir le résultat", confie Emmanuel Schmitt.
Arthur Guillamo et Kenza Lalouni