Connu comme le loup blanc à la Plaine des Bouchers, Jean-Marc Kohlmann achète, revend et loue des biens depuis trente ans. Son empire pèserait plusieurs dizaines de millions d’euros.
Jean-Marc Kohlmann domine ses anciennes propriétés depuis son siège Socotim, en plein cœur de la Plaine des Bouchers. © Yanis Drouin
"La Meinau c’est Kohlmann, bientôt on va renommer le quartier !", plaisantent deux travailleurs de la Plaine des Bouchers à la pause déjeuner. Chez toutes les personnes interrogées, le nom de Jean-Marc Kohlmann ne laisse pas indifférent.
Avec un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d’euros et une cinquantaine de sociétés, l’entrepreneur apparaît comme "l’empereur de la Meinau, l’Iznogoud de la Plaine des Bouchers !", selon son ami Patrick Meyer. D’après un ancien associé, 90 % du quartier serait même passé entre ses mains. En trente ans, le millionnaire d’origine lorraine a transformé la zone d’activité.
Depuis le siège de sa holding Socotim, au 76, rue de la Plaine des Bouchers, l’homme d'affaires en jean, basket et doudoune sans manches toise les entrepôts dont il s’est emparé. Sa carrure athlétique et imposante rajeunit le businessman de 71 ans. Montre de luxe au poignet et Journal des entreprises à la main, il annonce la couleur au début de l’entretien : "Le temps, c’est de l’argent."
Dès l’enfance, il se faisait de l’argent de poche en achetant et revendant, comme un Solex, quand il avait 13 ans. "Jean-Marc a de l’instinct dans les affaires, c’est un persévérant et un volontaire", affirme son ami Daniel. Alain Grumbach, ami et ancien associé, va plus loin : "Kohlmann, le travail c’est sa vie. Il n’a pas de passion, il ne voyage pas, ne va pas au cinéma… il ne fait que ça !"
Façonner la Plaine des Bouchers
Après un BTS obtenu à Strasbourg, le jeune Kohlmann travaille dix ans comme représentant de commerce pour l’entreprise familiale de meubles, qu’il reprend avant de faire faillite. Il rebondit, devient courtier en immobilier puis se met à son compte et investit lui-même.
Quand l’entrepreneur arrive à la Plaine des Bouchers au début des années 1990, "c’était un no-man’s land, personne ne voulait y aller", se souvient Alain Grumbach, son associé de l’époque. Progressivement, les deux hommes remodèlent tout un pan de la ville. Ils rachètent de grandes friches industrielles à bas prix, les aménagent pour les petites entreprises et les revendent. "Il fallait sortir du mécanisme immobilier classique et faire des friches notre hyper spécialité", retrace Jean-Marc Kohlmann, qui se décrit lui-même comme "autodidacte du système". Au fil des ans, il cesse de vendre pour se constituer un patrimoine dédié à la location, riche aujourd’hui d’environ 35 000 m² dans la zone.
Possessif sur tous les plans
"Moi je vois tout, j’entends tout, je sais tout", prétend Jean-Marc Kohlmann. À bord de son Porsche Cayenne, il fait souvent le tour de ses locataires pour régler des différends de voisinage ou prendre le café. L’occupant d’un garage assure : "C’est une personne accessible. Si on a un problème, il vient tout de suite et il est flexible sur le paiement." Le carrossier voisin conteste : "Sa stratégie, c’est diviser pour mieux régner." Alain Grumbach admet que "Monsieur Kohlmann est quelqu’un de clivant".
L’homme d'affaires se reconnaît un défaut : son côté possessif. "Mes deux fils disent que je les étouffais et que j’étais trop présent." Anthony, le cadet de 31 ans, a travaillé avec son père pendant quatre ans sans réussir à trouver sa place face à "l’aura imposante" de ce dernier. Enfant, il a souffert d’une figure paternelle absorbée par le travail : "Vu qu’il a manqué d’argent dans sa vie, il voulait être sûr que ça ne nous arrive pas." Estimant avoir fait peu d’études, Jean-Marc Kohlmann se voyait comme le "mouton noir de sa famille". Pour l'empereur de la Meinau, sa réussite est "une revanche sur la vie".
Léa Bouquet et Yanis Drouin
Répartition des biens de Jean-Marc Kohlmann à la Plaine des Bouchers © Léa Bouquet et Yanis Drouin