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Le Perroquet, La Drêche et le Lego géant

16 octobre 2017

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Quand on arrive sur l’artère principale de Koenigshoffen vers 23h30, on se demande si on ne s’est pas trompé d’adresse. Aucun son de basse ne se fait entendre route des Romains, étrangement calme ce samedi soir. Nous sommes pourtant à la recherche d’une soirée électro, que nous pensions repérer grâce à la musique. Après plusieurs minutes de pérégrinations hasardeuses, nous finissons pas trouver le lieu des festivités, et pénétrons enfin dans les locaux de la Drêche.

Avant de rejoindre la piste de danse et la centaine de noctambules qui s’y déhanchent, on passe à la caisse improvisée par les membres de l’association, qui nous délestent de trois euros par tête. Cette participation financière fait partie du mode de fonctionnement de l’association, qui se développe grâce l’organisation de soirées et de crowd-funding. Les fonds ainsi récupérés participent à la construction du lieu et permettent d’investir dans différents domaines artistiques. Ils serviront à ouvrir un labo photo argentique, à se procurer des outils de lutherie, ou encore à créer un espace d’enregistrement et de pressage de vinyles.

Perroquets empaillés et DJ Saucisse

On finit quand même par lever la tête,pour découvrir l’ambiance industrielle de la salle. Éclairée par des lumières tamisées type guirlandes et spots de couleurs chaudes, le dancefloor n’en paraît pas moins improvisé, dans un bâtiment d’un ancien complexe industriel. Les murs en béton forment une voûte, et les plafonds six mètres au-dessus de nous permettent à la musique de sonner sans problèmes d'acoustique majeurs. De chaque côté de la pièce, des bancs et des fauteuils matelassés attendent les convives qui auraient déjà trop dansé, et qui voudraient profiter d’un peu de répit pour discuter entre amis.

Knacki Minaj aux platines

 

Sur une piste de danse enfumée par la sueur, le rythme imposé par DJ Knacki Minaj est soutenu. Lui et sa musique, qu’il qualifie lui-même de Trance 98, font facilement grimper les BPM (beats par minute) à 160, et on perd sans s’en rendre compte le contrôle de notre caboche, qui se met à dodeliner en suivant les montées et les breaks proposés par le fan de saucisses au postérieur remarquable.

Derrière lui, la scène est surmontée d’un énorme Lego, tout de rouge vêtu, arborant un sourire menaçant. Des spots de lumières sortent du torse de ce monstre en carton pâte pour éclairer indirectement le DJ aux platines, lui conférant un air divin au coeur de cet environnement confus et sombre. On aperçoit un type qui brandit un perroquet empaillé fixé à une perche au-dessus de la tête des danseurs. Après avoir fait quelques moulinets avec le piaf, il arbore un air extatique et commence à danser avec le volatile, dans une étreinte aussi étrange qu’envoûtante. Sur l’un des murs d’agglos, à gauche de la scène, un écran en tissu est tendu, sur lequel apparaissent différentes vidéos “psychédéliques” pour accompagner la musique.

Le set de DJ Knacki Minaj terminé, place au deuxième set de la soirée. Le duo de Chilly Coco, un homme et une femme, sont des habitués des lieux ; ils ont déjà proposé un set aérien lors d’une précédente soirée, en juin dernier. Leur global bass teintée de différentes cultures musicales ralentit un peu le rythme de la soirée, et permet au public de reposer un peu les cervicales endolories.

 

Chilly Coco

Un ami qui vous veut du bien

On profite alors du calme relatif pour interroger quelques personnes, et comprendre comment elles ont entendu parler du lieu. Car si ces soirées réunissent beaucoup d’initiés, on rencontre aussi des petits nouveaux, qui tout comme nous, découvrent les nuits koenigshoffiennes avec beaucoup de plaisir. C’est le cas de Laurie, la vingtaine, étudiante en cinéma. Comme la majorité des gens présents, c’est par le bouche à oreilles qu’elle a été mise au courant. Un de ses amis, lui aussi présent ce soir, lui avait proposé de le suivre. Elle ne regrette pas d’avoir accepté l’invitation. “Ça change des autres scènes de la ville. On sent bien qu’ils organisent ça avec plaisir, et pas simplement pour se faire de l’argent. Ça fait du bien.” Même chose pour Benjamin, la trentaine, qui n’en est pas à son coup d’essai : “J’étais déjà venu en juin dernier, et j’avais déjà beaucoup aimé la musique et le lieu. Là, ils ont encore mis le paquet, c’est vraiment cool.”

Culture du secret

Nous avions prévu de sortir les appareils photos, histoire d’immortaliser la scène et les artistes qui s’y produisaient. Mais après avoir pris quelques clichés, un membre de l’association est venu nous trouver, en nous demandant de ranger les objectifs et de nous contenter de profiter avec nos yeux du spectacle. On a bien essayé de négocier quelques photos supplémentaires, sans succès. L’idée, d’après l’organisateur, est de rester discret quant à ces soirées. Il nous explique qu’il ne voudrait pas que ce lieu de fête et de camaraderie se retrouve envahi par un certain type de public, qui n’aurait que faire de l’association et de son projet. Il revendique une certaine forme de “culture du secret”, et préfère que la relative discrétion de la Drêche reste inchangée.  Si vous souhaitez assister à une soirée de la Drêche, vous savez donc ce qu'il vous reste à faire : tendez l'oreille, et ne ramenez pas d’appareil photo. Ça fait mauvais genre.

 

Victor Guillaud-Lucet

 

 
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