Avec You VS Wild, le film, sorti le 16 février, le maître de la survie, Bear Grylls, tente d’embarquer les abonnés Netflix dans une aventure interactive riche en sensations. Et échoue lamentablement.
“Que devrais-je faire : manger un ver de coco vivant ou une délicieuse baie?”, demande Bear Grylls, le regard rivé sur la caméra. Le cœur du téléspectateur devrait battre à 100 à l’heure, son front perler de sueur : il a le destin de l’aventurier britannique de l’extrême entre les mains. Mais l’excitation est à zéro. Après la série You VS Wild, lancée en 2019 pour raviver les souvenirs des amateurs de Man VS Wild - programme de survie diffusé entre 2006 et 2011 - Netflix a lancé ce mardi 16 février You VS Wild le film. La plateforme propose à ses abonnés d’influer sur les choix de Bear Grylls, en mission dans une réserve africaine, pendant près d’une heure. Soixante minutes d’ennui général et de superpositions d’images de savane dont la beauté ne parvient pas à faire oublier le jeu d’acteur déplorable de l’aventurier.
La voix des ignorants
L’histoire du film est simple. La clôture qui entoure la réserve n’est plus électrifiée, un lion et un babouin, Thimba, se sont déjà aventurés au-delà de leurs périmètres habituels. Bear Grylls est le seul à pouvoir résoudre tous ces problèmes. Mais il a besoin de l’aide des clients Netflix. Toutes les cinq minutes, il faut choisir : “Comment manger une sangsue ? En la gobant ou en la croquant ?”, “Pour descendre cette falaise en rappel, devrai-je m’attacher à une fine branche d’arbre ou à un roc tranchant ?” Les premières fois, on se prend au jeu, on décide que le rocher semble plus solide. Crac, la corde s’effrite et Bear Grylls tombe de plusieurs mètres. Peut-être que confier sa vie à des incultes de la survie interdits de voyage depuis près d’un an n’est pas la meilleure idée.
Au fil des réponses, Bear Grylls parcourt la réserve de long en large pour résoudre tous ses problèmes, à pied, à cheval et en hélicoptère. Il rétablit le courant dans la clôture, sauve Thimba le babouin en l’amadouant avec des figues et capture le lion - dans un pick-up sorti de nulle part pile au moment où l’aventurier est sur le point de se faire croquer.
Mais quand on croit que toutes les tâches ont été effectuées, qu’un soupir de soulagement s’échappe à l’idée de voir enfin défiler un générique, Bear Grylls surprend encore. Il ne fallait quand même pas oublier de sauver les éléphants des méchants braconniers ! Pour cela, rien de plus simple : l’aventurier déplace à la force de sa voix un troupeau derrière des buissons. Les chasseurs passent miraculeusement leur chemin.
Engagement scripté
A travers You VS Wild, Bear Grylls veut faire passer des messages engagés. L’ex-agent des forces spéciales britanniques se pose contre le braconnage et pour l’écologie. Sur une falaise, face à l’océan, quatre bidons bleus sont comme échoués - ou disposés ainsi par la production : “J’en vois tellement, même au beau milieu de l’Afrique. Voilà pourquoi il faut faire attention à sa consommation de plastique”, lance-t-il, à peine convaincu.
Dans Man VS Wild, la pluie diluvienne s’abattait sur Bear Grylls, il escaladait des montages à mains nues et croquait sans ciller un œil de yack glacé par le froid sibérien. Là aussi, tout était calculé, mais, au moins, Bear Grylls réussissait à époustoufler les téléspectateurs. Dix ans plus tard, le programme s’est indubitablement essoufflé.
“Je suis plutôt fier de ce qu’on a fait et vous devriez l’être aussi. Finalement, tout se résume aux choix que l’on fait pour survivre”, murmure l’aventurier non loin des éléphants. Un nouvelle question s’affiche à l’écran : “Recommencer l’aventure en prenant d’autres décisions?” Faites le bon choix : privilégiez la survie.
Lola Breton