Xi Jinping a déroulé le tapis rouge à Ebrahim Raïssi mardi 14 février. Cette première visite d’État d’un président iranien à Pékin depuis plus de vingt ans témoigne du rapprochement des deux puissances sur fond de guerre en Ukraine.
Existe-t-il un adage plus adapté que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » pour décrire la relation unissant l’Iran et la Chine ? Honnis par les pays occidentaux, les deux régimes ont scellé leur amitié à l’occasion d’une visite du président iranien à Pékin mardi 14 février.
Ebrahim Raïssi a été accueilli sur le tapis rouge de l'immense Palais du peuple, au bord de la place Tiananmen. La dernière visite d’État – plus haute forme de contact diplomatique entre deux pays – d’un président iranien en Chine, remonte à l’an 2000.
« Face à la situation complexe entraînée par les évolutions du monde, de l'époque et de l'histoire, la Chine et l'Iran se soutiennent mutuellement, affichent leur solidarité et leur coopération », a déclaré Xi Jinping.
Soutiens de la Russie
Cette rencontre intervient au moment où l’Iran et la Chine font face à de fortes pressions occidentales, notamment en raison de leurs positions vis-à-vis de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L'Iran fait partie des derniers grands pays à offrir son soutien à Vladimir Poutine, dont l'isolement diplomatique s’intensifie depuis l'intervention militaire russe fin février 2022. La République islamique est accusée de fournir à la Russie des drones militaires utilisés contre l'Ukraine, ce que Téhéran dément. L’Union européenne pourrait d’ailleurs viser des opérateurs de drone iraniens dans son dixième paquet de sanctions contre Moscou.
Partenaire stratégique de la Russie, la Chine rechigne à prendre position. Pékin exhorte au respect de la souveraineté des États, tout en appelant à prendre en compte les préoccupations russes en matière de sécurité.
Alliés commerciaux
La Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial de l'Iran, selon l’agence de presse nationale iranienne Irna. Entre mars 2022 et janvier 2023, la République islamique a exporté vers la Chine pour 12,6 milliards de dollars (11,7 milliards d’euros) de marchandises, tandis qu'elle a importé pour 12,7 milliards de dollars de produits chinois.
La coopération économique entre la Chine et l’Iran s’est approfondie durant la période des sanctions internationales : le commerce bilatéral est passé de 4 milliards de dollars en 2014 à 51,8 milliards en 2023.
En mars 2021, Pékin a signé un vaste accord stratégique avec l'Iran, bête noire des États-Unis dont les lourdes sanctions asphyxient l'économie de la République islamique. Valable pour 25 ans, ce grand partenariat couvre l'énergie, la sécurité, les infrastructures et les communications.
L’Iran occupe également une place au sein de l’Organisation de coopération de Shanghaï depuis septembre 2021. La première rencontre entre Xi Jinping et Ebrahim Raïssi s’était d’ailleurs tenue à l’occasion du sommet de cette année à Samarcande, en Ouzbékistan.
Une relation de longue date
Depuis la normalisation de leurs relations en 1971, la Chine et l’Iran n’ont cessé d’intensifier leurs liens.
« Surprenante association que celle nouée entre la monarchie impériale de droit divin du shah puis, après 1979, la théocratie des mollahs, et un régime communiste chinois proclamant son attachement à l’athéisme », relève le sinologue Emmanuel Lincot dans son ouvrage Les Proche et Moyen-Orient et la Chine : des fondamentaux historiques aux nouvelles routes de la soie, paru en février 2021.
Si leurs idéologies diffèrent, les deux régimes se rejoignent dans leurs dérives autoritaires. Tandis que la Chine confine et traque sa population sans relâche depuis le début de la pandémie, l’Iran réprime violemment la sienne depuis la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre. Suite au mouvement de contestation déclenché par le décès de cette femme de 22 ans, arrêtée pour une infraction au strict code vestimentaire de la République islamique, l’Iran compte peu d’alliés. Raison de plus pour se tourner vers l’Est et fermer les yeux sur la répression de Pékin à l’égard de la minorité musulmane des Ouïghours au Xinjiang.
Jeudi 16 février, le président chinois Xi Jinping annonçait qu'il se rendrait à son tour en Iran en visite d'État. Si la date n'est pas encore fixée, le symbole est bel et bien ancré.
Audrey Senecal
Édité par Matei Danes