Sorti aux Etats-Unis le 12 février, le long métrage « Music » de la chanteuse Sia relance le débat sur la représentation des personnes autistes dans les films et séries.
Nommé à deux reprises aux Golden Globes 2021, Music, le premier film de la chanteuse Sia, raconte l'histoire d'une jeune femme qui apprend à sa sortie de désintox qu'elle est la nouvelle tutrice de sa demi-soeur autiste, Music. Problème : de nombreux internautes ont mal réagi au film, sorti le 12 février aux Etats-Unis sur la plateforme Apple et qui sera disponible en France le 29 mars, au point que sa réalisatrice a quitté Twitter.
Une partie de la communauté autistique s'est en effet indignée de voir le rôle d'une jeune fille autiste non-verbale tenu par Maddie Ziegler, une actrice non autiste découverte en 2014 dans le clip de Chandelier de Sia. Une pétition lancée pour mettre fin à la diffusion du film a récolté quelque 21 000 signatures en dénonçant un long métrage "extrêmement offensant" pour les personnes autistes. Sur YouTube, Paige Layle, jeune femme autiste suivie par 43 000 abonnés, a elle aussi dénoncé le choix d'une actrice non autiste. Un choix qui ne permettrait pas, selon elle, de "représenter l'autisme sans que cela ressemble à une moquerie".
A l'inverse, outre-Atlantique, l'association française Vaincre l'Autisme a réagi à la polémique dès le 11 février. Dans son communiqué de presse, elle condamne les tentatives de censure contre le long métrage de Sia. Et "salue son initiative de ne pas généraliser les personnes autistes mais d'illustrer l'une de ces principales formes" ainsi que "les trois années de recherches qu'elle a effectuées en collaboration avec un institut spécialisé et deux consultants autistes". "Toute personne s'intéressant à l'autisme participe à la mise en lumière de cette grande cause", conclut l'association.
"On ne peut pas représenter tout le monde"
Pour Julien Richard-Thomson, président du Syndicat des professionnels du cinéma en situation de handicap (SPCH), qui n'a pas encore vu le film, la situation est plus complexe que les plaintes des internautes laissent à croire. "Le milieu militant est assez divisé sur ce qu'il faut faire, avoue-t-il. C'est encore plus compliqué dans l'autisme, où on a des non-verbaux et des Asperger. On ne peut pas représenter tout le monde, on parle forcément d'un personnage, d'un degré de handicap. Déjà à la sortie de Rain Man, avec l'acteur Dustin Hoffman, des gens ont dit que c'était super d'avoir un personnage autiste mais forcément d'autres ne se reconnaissaient pas." Le président du SPCH évoque un autre problème, d'ordre financier : faire jouer une personne handicapée prend plus de temps, et coûte donc plus cher, d'autant plus si les personnes ont des besoins en formation ou en accompagnants.
Si le but de son association est d'encourager la présence de personnes handicapées dans l'audiovisuel, estimée à 0,7% par le CSA en 2019, Julien Richard-Thomson n'a rien contre les acteurs non handicapés. "Quand on est un bon acteur on peut jouer plein de rôles, admet-il. Il n'y a pas de problème si la personne valide respecte le personnage". De son côté, il travaille à obtenir du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et des régions la création d'une subvention supplémentaire pour les films faisant appel à des acteurs ou techniciens handicapés. "En matière artistique on ne peut pas interdire mais on veut encourager, conclut-il. Pour l'instant il faut amorcer le truc".
Marion Henriet