En 1940, le Racing Club de Strasbourg a remporté le titre le plus insolite de son histoire : un championnat de Dordogne, acquis après l’évacuation de la ville au début de la Seconde Guerre Mondiale.
Face à Guingamp le 30 mars, le Racing tentera de remporter la troisième Coupe de la Ligue de son histoire. En cas de victoire, le club strasbourgeois ajouterait une nouvelle ligne à son palmarès déjà bien fourni : un championnat de France, trois Coupe de France et… un titre de champion de Dordogne, en 1940. Un trophée étonnant mais hautement symbolique, acquis au début de la Seconde Guerre mondiale après une éphémère union avec un club périgourdin.
Le 1er septembre 1939, alors que la guerre vient d’éclater et que les militaires s’installent le long de la ligne Maginot, Strasbourg est évacuée. Sur ordre du gouvernement, pour préserver les civils en cas de combats, les habitants d’Alsace-Moselle sont envoyés plus au sud, le temps que le conflit se passe. Les communes bas-rhinoises trouvent alors refuge dans l’Indre, en Haute-Vienne et en Dordogne, qui devient la terre d’accueil de 60 000 Strasbourgeois. Périgueux en particulier est choisie pour accueillir les administrations de la capitale alsacienne, parmi lesquelles la mairie, mais aussi le club de la ville : le Racing Club de Strasbourg.
Vice-champion de Division 1 en 1935, finaliste de la Coupe de France en 1937, le Racing est alors un des tous meilleurs clubs du pays. Seulement, la mobilisation générale l’a privé de ses cadres et meilleurs joueurs et l’évacuation, de son stade et de ses maillots. Cela n’empêche pas le RCS de se relancer, à l’initiative d’un jeune étudiant, Paul Wolff. Il sollicite le Club Athlétique Périgourdin (CAP), avec lequel le Racing s’allie pour former l’Entente sportive Périgueux-Strasbourg.
« L’Entente Périgueux-Strasbourg a été mise en place pour permettre à ceux qui le voulaient de continuer à jouer mais aussi pour relever des fonds pour envoyer des colis aux soldats », rappelle Catherine Schunck, auteure du livre Périgueux – Strasbourg, villes sœurs, qui sort prochainement. L’entraîneur autrichien Charles Rumbold reprend l’équipe en main et, sous l’impulsion des jeunes strasbourgeois, le club remporte le championnat de Dordogne, sans trop d’adversité.
Un exploit en Coupe de France
Mais plus que sur les terrains régionaux, c’est au niveau national que l’Entente marque les esprits. Arrivée en seizièmes de finale de la Coupe de France, elle est opposée à Bordeaux. Au contraire de Strasbourg, les Bordelais ont réussi à conserver leurs sportifs professionnels en les faisant s’enrôler dans le corps des pompiers du port local. « C’était un club très fort avec tous ses joueurs professionnels, alors que Strasbourg comptait sur des troupes hétéroclites, avec essentiellement des jeunes et des périgourdins », confirme Catherine Schunck. Devant 5 000 spectateurs bordelais, le Racing crée pourtant la surprise (2-3). Un exploit sans lendemain, puisque le Racing s’incline au tour suivant contre Sète (8-1).
Le printemps 1940, celui du titre périgourdin, est aussi celui de l’invasion de la France par l’Allemagne. La signature de l’armistice acte définitivement la fin de l’Entente Périgueux-Strasbourg. Durant l’été, le Racing est rapatrié vers un Strasbourg occupé pour retrouver un statut professionnel prendre part au championnat allemand.
Entre Périgueux et Strasbourg, les liens restent très forts, puisqu’elles sont officiellement « villes sœurs » depuis 1984. L’exode alsacien a notamment laissé un impact durable en Dordogne dans la pratique du ballon rond. « A Périgueux dans les années 1940, on ne jouait pas tellement au foot, mais plutôt au rugby, rappelle Catherine Schunck. C’est la venue du Racing qui a permis à la ville de de vraiment découvrir le football. » Après l’armistice, le CAP se hisse à deux reprises en huitièmes de la Coupe de France libérée en 1941 puis 1942. Mais sans pour autant garder de lien avec l’équipe de la Meinau.
Corentin Parbaud