En France, un accord a mis fin vendredi dernier à la querelle entre Google et les éditeurs. Dans d'autres pays, le débat perdure. Pour les éditeurs allemands, la solution française n'est pourtant pas un exemple à suivre.
Soixante millions d'euros. C'est la somme que Google s'engage à verser aux éditeurs français pour leur faciliter la transition vers le numérique. L'accord signé vendredi dernier par François Hollande et Eric Schmidt, président du conseil d'administration de Google, met fin à des négociations de plusieurs mois. A l'origine du débat : le mécontentement des éditeurs qui pointaient du doigt les importants bénéfices publicitaires réalisés par le moteur de recherche en référençant leurs titres.
Pourtant, ce n'est pas qu'en France que les éditeurs réclament leur part du gâteau publicitaire et demandent d'être remboursés par Google. L'Allemagne a vu une querelle similaire à celle qui vient de s'achever en France. Bien entendu, les Allemands ont suivi les négociations en France et n'ont pas hésité à se prononcer sur leur issue. Depuis vendredi, la question circule dans les journaux allemands : l'accord français serait-il un exemple à imiter en Allemagne ?
Un pari sur le monopole de Google
Pour Christoph Keese, lobbyiste du géant des médias allemands Springer, ce n'est pas le cas. Pendant que François Hollande parle d'un "événement mondial" et qu'Eric Schmidt qualifie d' "accord historique" le papier signé vendredi dernier, Keese dénonce une tentative de distraction de la part de Google. De plus, la solution française serait "un pari sur le monopole" du moteur de recherche : si un jour Google perd son monopole, les éditeurs devraient recommencer leurs négociations avec les entreprises qui remplaceraient désormais l'actuel numéro un. Il vaudrait donc mieux adopter une véritable loi, valable une fois pour toutes, estime Keese. La fédération allemande des éditeurs de presse est d'accord avec l'homme de Springer. Une loi correspondrait mieux à la tradition libérale de l'Allemagne que l'interventionnisme de l'Etat pratiqué en France, rajoute un porte-parole.
Les éditeurs allemands défendent donc l'idée d'une « lex Google ». Une idée qui avait également été évoquée par François Hollande en octobre dernier pour mettre l'entreprise américaine sous pression. En France, on en est resté à la menace, car Google a cédé en proposant de l'argent et une coopération renforcée avec les éditeurs. En Allemagne, par contre, le projet d'une telle loi a déjà été mis en route. Elle obligerait des entreprises telles que Google à acquérir des licences pour faire apparaître des extraits d'articles dans leurs moteurs de recherche. Le projet de loi est actuellement examiné au Parlement allemand.
Une concentration de pouvoir inquiétante
Contrairement à l'accord trouvé en France, une loi permettrait aux éditeurs de garder leur indépendance vis-à-vis des géants d'Internet. C'est justement le fait de faire cause commune avec Google que dénonce Gero von Randow, journaliste de l'hebdomadaire "Die Zeit" : "C'est quoi comme accord ? Google verse 60 millions et crée un fonds pour faciliter la transition de l'édition imprimée vers le numérique. (…) Mais ce sera Google qui décidera à quel usage l'argent est destiné. Il s'agit là d'une augmentation inquiétante du pouvoir de l'entreprise."
"Les médias français se font « acheter » par Google - pour 60 millions d'euros seulement." Tweet du journaliste Martin Giesler.
Pourtant, le rejet de l'accord français n'est pas absolu de l'autre côté du Rhin. Selon les fédérations des éditeurs, le pacte montre que Google aurait au moins compris une chose : il faut payer si on veut agréger les contenus issus de la plume des autres.
Änne Seidel