Place d'Haguenau, dès l’aube. Les forces de l’ordre traquent un simulacre de mobilisation. « On était 10 personnes sur le parking et ils nous ont couru après avant même qu’on fasse quoi que ce soit », relate Thorstein, militant sous pseudonyme. « En 35 ans de militantisme, j’ai rarement vu ça », déclare, atterré, Alain, syndicaliste engagé à la CGT. Sur ce nœud de circulation, il y a un fourgon de police par manifestant.
Le pari du Centaure
Deux blindés de nouvelle génération Centaures ont également été aperçus dans la matinée. Construits en Alsace par la société d’armement Soframe, ils avaient été commandés en 2020 par le ministère de l'Intérieur pour mettre à jour le parc automobile blindé de la gendarmerie. Cinq ans plus tard, sur les 90 exemplaires fraîchement perçus, ce sont aujourd’hui 80 qui sont présents dans les rues françaises.
Ces géants d'acier sont conçus pour résister à toute sorte de projectiles comme des cocktails Molotov. Équipé d’un lance-grenades lacrymogène pouvant tirer près de 60 munitions avant de devoir être rechargé. Un tel déploiement de force de l’ordre n’a plus été vu depuis le mouvement des gilets jaunes en 2018.
Omnivoyant
Chargées au sol, les forces de l’ordre strasbourgeoises n’ont pas manqué d'être présentes dans les airs. Devenu une habitude lors des rassemblements à travers la France, un arrêté préfectoral est paru hier afin d'autoriser « la captation d'images par aéronef ». Ce sont deux drones qui quadrillent l’ensemble de la ville de Strasbourg. Cette technologie, utilisée depuis le milieu des années 2010, a fait l’objet d'une bataille juridique pour encadrer son usage et interdire le stockage des données récoltées et la reconnaissance faciale. En cinq ans, cette flotte d’objets volants a triplé. Elle comptabilise 965 unités pour la gendarmerie et 650 pour la police nationale, selon les chiffres communiqués par les autorités à l'AFP.
Choc et effroi. C’est la stratégie choisie par la préfecture de police pour endiguer les blocages et mouvements non déclarés pendant cette journée de mobilisation. Blindés et surveillance aérienne attendent les manifestants au tournant.
Après son enquête sur la présence de nitrites dans la charcuterie, publiée en 2017, le journaliste Guillaume Coudray publie un nouvel ouvrage, ce jeudi 18 septembre. Cette fois, il se penche sur le cas de l’hexane, un hydrocarbure qui entre dans la confection de nombreux aliments.
Quel est le point commun entre votre paquet de biscuits matinal, le filet d’huile sur votre salade, et la mayonnaise dans laquelle vous plongez vos frites croustillantes ? Tous contiennent des résidus d’hexane, une substance chimique issue du pétrole, employée par les industriels de l’agroalimentaire.
Avec De l’essence dans nos assiettes - Enquête sur un secret bien huilé (Éditions La Découverte), Guillaume Coudray, journaliste d’investigation, lève le voile sur la contamination de nombreuses denrées alimentaires à l’hexane. Solvant couramment employé par l’industrie agroalimentaire, cet hydrocarbure permet d’extraire l’huile des graines et oléagineux.
Une contamination massive
Broyés puis pressés, les graines sélectionnées passent par un bain d’hexane chauffé, avant distillation. Cette étape permet aux industriels d’isoler le solvant et l’huile. Enfin, en partie seulement. Car comme le précise Guillaume Coudray, les produits fabriqués par le biais de ce procédé conservent des « traces résiduelles » d’hexane.
Les huiles et les produits en contenant, à l’instar des biscuits industriels, de la mayonnaise ou de la vinaigrette, sont les premiers concernés. Plus surprenant en revanche, « les produits végétariens et végans » et, plus largement, les denrées alimentaires fabriquées à partir de dérivés du soja « sont particulièrement touchés », note le journaliste. Les amateurs de viande ne pourront crier victoire trop vite. Invité sur le plateau de France info mercredi 17 septembre, Guillaume Coudray ajoute en effet qu’« il y a aussi beaucoup d’hexane dans l’alimentation que l’on donne aux animaux d’élevage ». Ainsi, les produits laitiers sont aussi affectés.
Un « neurotoxique avéré » qui reste autorisé
L’ampleur de la contamination est massive. Mais faut-il pour autant s’inquiéter ? Certes, les doses ingérées sont faibles. Mais la nocivité de l’hexane est avérée depuis des années, avec des effets néfastes pour les systèmes reproducteurs et nerveux.
L’agence européenne des produits chimiques (Echa) a classé la substance comme « neurotoxique avéré » et, en France, une proposition de loi visant à interdire la commercialisation des denrées alimentaires contenant de l’hexane a été déposée en mars, par le député MoDem du Loiret, Richard Ramos. Mais pour le moment, l’agroalimentaire n’a pas renoncé à ce solvant.
Son usage se fait d’ailleurs dans le dos des consommateurs, puisque les industriels n’ont en effet pas d’obligation légale d’indiquer sa présence potentielle sur les étiquettes. Guillaume Coudray évoque un « secret de Polichinelle ». Ainsi, pour limiter les risques, l’idéal reste de privilégier, autant que possible, le bio, qui n’autorise pas le recours à l’hexane.
Clémentine Soupart--Lejeune
Edité par Moncef Arbadji