Au niveau national, les populations les plus touchées sont des couples avec plus de trois enfants, des familles monoparentales – plus particulièrement les mères avec enfants – et des personnes seules. Dans les Vosges, on retrouve ces trois dernières catégories, ainsi que les jeunes de moins de 19 ans.
Fait notable : les actifs vosgiens sont en général plus pauvres monétairement que ceux des autres départements. En revanche, les personnes de plus de 65 ans sont moins concernées que dans le reste de la France. Cela peut s’expliquer par la permanence de modes de vie ruraux : les solidarités de voisinage, les échanges locaux, la culture d’un jardin répondent à une part de leurs besoins (alimentation, bois de chauffage...) en même temps qu’ils les préservent du sentiment de pauvreté : ces personnes ne sont pas forcément attirées ou tentées par les mêmes besoins qu’en ville.
Néanmoins, les acteurs de terrain constatent une hausse de la pauvreté d’une population qui n’a pas l’habitude de demander de l’aide : les retraités, de plus en plus nombreux à remplir les files d’attente des centres caritatifs.
Particulièrement touchée par la pauvreté, la catégorie des moins de 19 ans souffre de la pauvreté à hauteur de 20%. Cela s’explique par plusieurs facteurs, qui découlent souvent de la question récurrente de la mobilité : la faible fréquence des transports en commun et l’absence de véhicule individuel restreignent la recherche d’emploi et l’embauche. Dans les Vosges, comme dans d’autres départements ruraux, les populations sont peu mobiles. Certains villages ne sont desservis par les transports en commun que par un aller-retour quotidien, ce qui handicape les perspectives de formation, de recherche d’emploi et d’évolution professionnelle.
Les jeunes ruraux habitent des zones sans dynamisme, ce qui n’aide pas à se projeter dans un avenir. Pour eux, les débouchés sont ailleurs, en dehors des territoires désertés par l’industrie par exemple – comme la vallée du Rabodeau, au nord de Saint-Dié-les-Vosges. Il y a quelques décennies encore, l’industrie ouvrait ses portes à des emplois non qualifiés pour les jeunes, ce n’est plus le cas dans le monde de l’emploi aujourd’hui. Les quelques dizaines de kilomètres à parcourir pour un entretien d’embauche sont parfois une barrière infranchissable : ce comportement a été relevé par de nombreux acteurs de terrain.
Face aux difficultés qu’ils rencontrent – isolement, immobilité –, les jeunes ruraux réagissent parfois par un repli sur soi, favorisé par un environnement familial propice aux situations de précarité, ou encore un faible niveau de qualification.
Facteur d’autant plus aggravant qu’il entraîne des situations de pauvreté cachée, les personnes seules souffrent souvent d’isolement. Les premiers concernés sont les jeunes, mais aussi les veuves âgées. Les hommes seuls sont légèrement plus touchés que les femmes seules.
En 2009, 19% des Vosgiens résidant seuls étaient considérés comme pauvres. Le taux de pauvreté tombe à 9,8% pour les ménages de deux personnes, et augmente avec la taille du ménage : 12,6% pour les ménages de trois personnes et 17,7% pour ceux de quatre et plus. Des chiffres supérieurs à la moyenne nationale. Quant aux couples avec enfants, ils sont presque deux fois plus touchés (13% en 2009) que les couples sans enfant (6,9%).
Comme au niveau national, les familles monoparentales sont les principales victimes de la pauvreté. Aujourd’hui dans les Vosges, une famille monoparentale sur trois est en situation de pauvreté, et les femmes sont trois fois plus concernées que les hommes. Cela s’explique par un cumul des charges : logement, alimentation, habillement, équipement, transports, garde d’enfants – et les frais qui en découlent –, distances...
Une famille monoparentale est confrontée à une contrainte principale, l’emploi du temps. Il est difficile dans certains cas de concilier activité professionnelle, transports et enfants. Mère ou père seul par choix, après un divorce ou une séparation, ou encore après un décès : il existe autant de familles monoparentales que de parcours de vie. Leur situation est d’autant plus difficile à résoudre que leurs carences sont multiples.
Clément Lacaton