Vous êtes ici
25/09/24
18:10

Guerre au Proche-Orient : “l’idéologie du Hezbollah repose sur la résistance à l’occupation israélienne”

Faut-il craindre un embrasement au Liban, un an après le début de la guerre à Gaza ? Éléments de réponse avec Rym Robin, analyste à l’École de guerre économique de Paris et spécialiste du Moyen-Orient.

[ Plein écran ]

Encore aujourd'hui, des bombardements ont frappé la ville de Burj al-Shamali dans le sud du Liban. Photo : Sadik Gulec

Alors qu'Israël poursuit ses bombardements contre le Hezbollah sur le territoire libanais, l'analyste Rym Robin fait un point sur la situation géopolitique et donne des clés historiques d'analyse. 

L'attaque des appareils de transmission du Hezbollah, les 17 et 18 septembre, a été un tournant dans l'escalade des tensions. Pouvez-vous revenir sur le contexte historique et régional qui l'a précipitée ?

Cette attaque est un symptôme des tensions historiques entre Israël et le Hezbollah, qui remontent à la création même de cette organisation en 1982, en réaction à l’invasion israélienne du Liban. Depuis, le Hezbollah s'est imposé comme un acteur incontournable au Liban, bénéficiant du soutien de l'Iran et de la Syrie. Le conflit s’inscrit dans une lutte plus large pour l’influence régionale, où Israël cherche à contenir ce qu’il considère comme une menace stratégique à ses frontières.

Quels sont ses objectifs stratégiques ?

Israël cible le Hezbollah pour plusieurs raisons. D’abord, affaiblir une organisation qu’il perçoit comme une menace militaire directe. Ensuite, ces actions s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à limiter l’influence de l’Iran dans la région. L’objectif est double : réduire la capacité militaire du Hezbollah et affaiblir son influence politique, tant au Liban qu’au-delà. Le soutien constant de l’Iran au Hezbollah rend la situation encore plus complexe, car elle lie ces deux acteurs dans une confrontation indirecte avec Israël. 

Pourquoi cette escalade s’est-elle déroulée si rapidement après l’attaque des bipeurs du Hezbollah ?

Le Hezbollah a une capacité de riposte quasi immédiate, en raison de son ancrage militaire et de sa structure hiérarchique, qui lui permet de répondre rapidement aux provocations. Mais au-delà de la rapidité des réponses, l’idéologie du Hezbollah, fondée sur la résistance à Israël, impose une réaction forte à chaque fois que son territoire ou ses infrastructures sont attaqués. C’est pour cette raison que cette escalade a pris une telle ampleur en quelques jours seulement.

Le Hezbollah a toujours affiché une solidarité forte avec Gaza. Quelles en sont les raisons historiques et idéologiques ?

Historiquement, cette solidarité est relativement récente : le Hezbollah est chiite et le Hamas est sunnite. Et surtout, le Hamas s’est revendiqué très proche des Frères musulmans jusqu'en 2017, année durant laquelle il est devenu un mouvement de lutte armée contre l'occupation israélienne. Alors, est née l'union de circonstance avec le Hezbollah.

Quels sont les liens entre les acteurs régionaux, comme l'Iran et la Syrie, et la stratégie du Hezbollah ?

L’Iran est le principal soutien du Hezbollah, financièrement et militairement. Cette relation permet à l’Iran de maintenir une pression constante sur Israël via le Liban. La Syrie, bien qu’affaiblie par la guerre civile, reste un allié important. Elle sert souvent de base de transit pour les armes iraniennes destinées au Hezbollah. Ensemble, ces trois acteurs forment un triangle stratégique qui cherche à contenir l'influence israélienne et américaine dans la région.

Selon l’idéologie du Hezbollah, quel est l’objectif de cette résistance à Israël ?

L’idéologie du Hezbollah repose sur la résistance à l’occupation israélienne. Pour eux, Israël est vu comme une force d’occupation qui doit être combattue. L’organisation ne cherche pas seulement à défendre le Liban, mais à être le fer de lance d’une résistance plus large dans tout le monde arabe contre Israël. Cet objectif s’aligne avec celui de l’Iran, qui voit en Israël une extension de l'influence américaine dans la région.

Quelles seraient les répercussions d'une hypothétique élimination du Hezbollah ?

Il est très difficile, voire impossible d’éliminer le Hezbollah, parce que c'est une idéologie. Quand des gens meurent, que toute une famille qui disparaît d'un registre civil, est-ce que vous pensez vraiment que ces gens vont abandonner l'idée d'une lutte armée ? C’est, au contraire, contre-productif. 

Quels sont les intérêts internationaux des États-Unis et de la France ?

Les États-Unis et la France ont des intérêts stratégiques au Liban, tant pour la stabilité régionale que pour leurs relations avec Israël. Les Américains cherchent à contenir l’influence iranienne via le Hezbollah, tandis que la France, de par son lien historique fort avec le Liban, agit plus diplomatiquement pour maintenir la stabilité du pays. Cependant, les deux pays s’inquiètent du risque d’une déstabilisation plus large qui pourrait affecter leurs intérêts au Moyen-Orient. Au-delà même du Liban, la France prend en compte ses investissements dans les régions environnantes, notamment en Irak, et en Syrie.

François Hollande a mentionné ce matin sa peur que le Liban ne devienne un "nouveau Gaza". Partagez-vous cette crainte ?

Il n’est pas le seul à avoir employé cette formule. Emmanuel Macron l'a fait avant lui, tout comme Antony Blinken [le secrétaire d'État des États-Unis ndlr] l'avait dit.  Mais une attaque terrestre n’est guère probable selon moi, vu l'état de l'armée israélienne. Même si l'armée israélienne est supérieure de tous les points de vue (armes de pointe, technologie pointue),  il faut prendre en compte qu’Israël n'est pas habitué aux guerres de longue, de longue haleine. Or, cela fait presque un an maintenant qu'Israël se bat à Gaza. 

Une désescalade est-elle probable dans cette situation ?

L'Iran pourrait jouer un rôle central dans une telle éventualité. Si Téhéran décide de réduire son soutien au Hezbollah ou d’ouvrir des canaux diplomatiques, cela pourrait contribuer à apaiser les tensions. Emmanuel Macron a appelé à des négociations, mais cela dépendra largement des dynamiques régionales et des intérêts iraniens à ce moment-là. La situation reste volatile.

Clara Lainé
Édité par Gustave Pinard

Imprimer la page

Fil info

17:02
Monde

Le Hongrois Orban se propose comme médiateur entre Macédoine du Nord et Bulgarie

16:57
Monde

Londres : nouveaux jets de soupe de militants écologistes sur deux tableaux de Van Gogh

16:54
Monde

L'armée israélienne annonce de nouvelles frappes sur des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban

16:45
Monde

Sénégal : Un ancien ministre écroué pour malversations présumées

16:20
Monde

Netanyahu s'en prend à l'ONU, devenue une "farce méprisante"

16:10
Monde

New York : Début d'une rencontre périlleuse entre Trump et Zelensky

16:08
Monde

Namibie : 5 hippopotames piégés meurent alors que le pays est aux prises avec la sécheresse

16:04
Monde

Israël se battra à Gaza jusqu'à la "victoire totale", promet Netanyahu

16:02
Monde

Etats-Unis : Les actions augmentent après des données bénignes sur l'inflation

15:57
Monde

Le maire de New York, Eric Adams, inculpé pour financement illégal de campagne, risque 45 ans de prison

15:51
Monde

ONU : 'Il n'y a pas d'endroit en Iran' qu'Israël ne puisse atteindre, selon Netanyahu

15:50
Monde

Liban : le nombre d'enfants tués et blessés atteint un "rythme effrayant", selon l'Unicef

15:48
Monde

Etats-Unis : rappel de plus de 42.000 Toyota pour un problème au freinage

15:47
Monde

Etats-Unis : A l'ONU, Netanyahu dénonce les "calomnies" contre son pays

15:46
Monde

L'Elysée annonce qu'Emmanuel Macron effectuera un voyage au Maroc fin octobre pour sceller la relance de la relation bilatérale