Une action en faveur de l’autorisation du hijab dans les évènements sportifs a été interdite le 8 février. Entre un collectif de joueuses réclamant le droit au foulard islamique lors des tournois de foot, et des parlementaires désireux de réglementer un flou juridique, le sujet fait l’objet de vives controverses.
Le collectif des hijabeuses a reçu le soutien de certaines associations féministes comme Nous Toutes. © @leshijabeuses
Pas de match retour pour les Hijabeuses. Une manifestation pour le droit au port du foulard islamique lors des compétitions sportives a été interdite mardi 8 février par la Préfecture de police de Paris. Le rassemblement devait avoir lieu ce mercredi. Via son compte Twitter, le collectif à l’origine de l’initiative a annoncé avoir saisi le tribunal afin de faire annuler la décision. Ses membres dénoncent une interdiction estimée « arbitraire et injuste ». L’interdiction coïncide avec le débat à l’Assemblée nationale d’un amendement portant sur l'interdiction du port de signes religieux ostensibles lors de tournois et compétitions sportives. À quelques mois de l’élection présidentielle, le sujet crispe le débat.
Pourquoi une manifestation était-elle organisée?
Le collectif des Hijabeuses, créé en mai 2020, réclame le droit de porter le hijab lors des compétitions de foot. L’organisation issue de l’association Alliance Citoyenne a déjà fait parler d’elle auparavant. Le 26 janvier, plusieurs joueuses ont organisé un match au Jardin du Luxembourg afin de sensibiliser le public à leur cause. Ces sportives contestent le règlement de la Fédération française de football (FFF), qui interdit dans son règlement « le port de tout signe religieux ou politique ostensible » lors des compétitions. À la suite du refus de l’organisation de modifier son règlement, le collectif a saisi en novembre 2021 le Conseil d'État. Les hijabeuses s'appuient notamment sur une décision de la Fédération internationale de football association (Fifa) qui autorise le port du voile lors des compétitions internationales depuis 2014.
Pourquoi son interdiction est-elle contestée ?
Dans un communiqué, la Préfecture de police de Paris justifie sa décision par des risques d'affrontements entre les manifestants et des personnes « hostiles et susceptibles d’en découdre » sur un sujet qu’elle considère comme « clivant » et « faisant l’objet d’un vif débat ». De manière confuse, des références à la situation des femmes en Iran et aux controverses sur le reportage de zone interdite s'enchaînent dans la suite du paragraphe.
Le communiqué de la préfecture de police de Paris interdisant l'action des hijabeuses. © @leshijabeuses
Des arguments que le collectif, juge « scandaleux » et reposant sur « une confusion politique délibérément entretenue ».
La décision intervient dans une ambiance agitée. L’Assemblée nationale doit examiner ce mercredi une proposition de loi portant sur le sport. Le débat se concentre particulièrement sur un amendement interdisant les signes religieux apparents en compétition. Le sujet fait depuis plusieurs semaines l’objet d’une passe d’armes entre députés et sénateurs, qui s’opposent sur la question.
Originellement voté en chambre haute le 19 janvier, l’amendement a été rejeté lors du vote à l’Assemblée. En l’absence de consensus, une nouvelle lecture est prévue dans l’hémicycle parlementaire. Les sénateurs devront à leur tour réexaminer le projet de loi le 16 février.
La question avait déjà surgi lors des débats autour du projet de loi sur le séparatisme, en mai 2021. Les sénateurs souhaitaient étendre au sport les dispositions de la loi de 2004, qui interdit le port de signes religieux ostensibles à l’école. Une disposition à laquelle la ministre des sports Roxana Maracineanu s’était opposée, préférant laisser aux fédérations le soin de trancher.
Que dit la loi sur le port du hijab ?
Selon les textes, l’obligation de laïcité s'applique principalement aux agents des services publics. Considérés comme des représentants de l'État, ces derniers s’engagent à respecter une neutralité religieuse pendant leurs horaires de service. Le port de signes religieux ostensibles par les usagers est autorisé. Seules deux limitations sont prévues par la loi : les signes discrets sont autorisés dans les établissements scolaires (de la maternelle au lycée), et la dissimulation du visage est prohibée dans l’espace public.
Pour le moment, les clubs sportifs sont libres d’encadrer ou non le port de signes visibles dans le cadre d’une pratique sportive. Les opposants à l’interdiction du hijab lors des compétitions craignent une mise à l’écart des musulmanes voilées, qui seraient limitées dans leur accès au sport.
Leïna Magne