Joué lundi 9 septembre lors du festival des Bibliothèques idéales, le spectacle de danse et de théâtre ClaudelKahloWoolf revient sur la vie et l’art des trois féministes, entre fiction et réalité.
Le spectacle ClaudelKahloWoolf était présenté dans le cadres des Bibliothèques idéales./ Photo Compagnie Horizontal - Vertical.
Des murmures s’élèvent des hauts parleurs : « C’est un monstre », « c’est un monstre », « c’est un monstre ». Trois phrases pour trois artistes du début du XXe siècle, mises en scène dans le spectacle de théâtre et de danse ClaudelKahloWoolf, joué à la Cité de la Musique et de la Danse de Strasbourg, ce lundi 9 septembre à 19h.
On y narre une rencontre fictive entre la sculptrice Camille Claudel, la peintre Frida Kahlo et l’autrice Virginia Woolf sur scène, dans ce qui ressemble à un atelier d’artiste. Entre quelques anecdotes biographiques sur l’enfance britannique de Virginia Woolf, les tourments artistiques de la Française Camille Claudel et les lettres d’amour de la Mexicaine Frida Kahlo, ce sont ici des icônes féministes qui sont racontées. Chacune dans leur langue d’origine, le tout surtitré en français.
Face aux figures masculines
Elles sont assises sur des chaises blanches. Toutes les trois, elles portent des robes bleues et blanches trop larges, nouées à la taille. Uniformes, loin de l’image lumineuse et colorée des tenues de Frida Kahlo, des robes victoriennes de Virginia Woolf et des chemises de sculptrice portées par Camille Claudel. Pour les reconnaître, il faut s’attarder sur les coiffures ou la couleur du rouge à lèvres. Elles enfilent plus tard quelques tenues plus identifiables même si quelconques.
Dès les premières scènes, les trois artistes jouent des poings face au public. Toutes chutent sur scène, battues par la folie, la dépression mais surtout l’étouffante présence des hommes dans leur vie. Elles sont vaincues par les figures masculines qui les ont entourées toute leur vie, des pères distants aux compagnons infidèles.
Virginia Woolf s’effondre la première à cause d’un mari effrayé par son désir sexuel sur lequel il n’a aucun contrôle. Frida Kahlo la suit, trompée par son célèbre époux Diego Rivera alors même qu’elle se fait amputer d’une jambe. Camille Claudel tombe la dernière, internée par son frère et délaissée par son amant Auguste Rodin.
De la réalité à la fiction
Les discussions entre les personnages sont parfois lunaires, un peu éloignées des icônes. C’est la part de fiction choisie par la metteuse en scène Monica Mojica. Ainsi, Camille Claudel verse du lait d’un récipient à un autre, action retransmise sur l’écran monté derrière la scène. On fait de la machine à fumer un usage abusif. Des cornes de cerfs sont déplacées d’un endroit à l’autre de la scène, sans qu’on y voit une quelconque signification.
Pendant une heure et demie, les trois femmes jouent, se disputent, écoutent à la radio d’autres parler d’elles. Elles dansent, crient et s’amusent dans un univers pensé pour elles. Elles révèlent une intimité au décor épuré imaginée par Monica Mojica, qui est également l’interprète de la célèbre Mexicaine. Face à elle, Jessica Hinds se glisse dans la peau de la Britannique, Clara Rousselin dans celle de la sculptrice. Les actrices de la compagnie Horizontal - Veritcal, malgré leur alchimie, s’effacent derrière leur personnage, quitte à être happé dans des enjeux qui paraissent trop lourds pour elles.
Dans la scène finale, la fiction l’emporte sur une réalité beaucoup plus dure. C’est un parti pris de Monica Mojica qui veut questionner le mythe autour de la mort d’un artiste. Alors que Camille Claudel meurt après trente ans passé dans un hôpital psychiatrique, que Frida Kahlo pense à se suicider et que Virginia Woolf passe à l’acte, la fin du spectacle libère ses protagonistes. Sur l’écran, de petites araignées multicolores commencent leur parade nuptiale. Le mâle ose une chorégraphie précise, tout en s’approchant doucement de la femelle. Avant ou après la fécondation, cette dernière peut décider de dévorer son partenaire. Un parallèle qui apparaît comme une émancipation de ces icônes solaires, souvent éclipsées par les hommes.
Judith Barbe
ClaudelKahloWoolf, mis en scène par Monica Mojica, avec Monica Mojica, Jessica Hinds et Camille Rousselin, de la Cie Horizontal - Vertical.