Outre-Rhin, la campagne #metoo a moins d'impact qu'en France. L'Allemagne, touchée par des scandales similaires ces dernières années, a déjà fait d'importants progrès dans la lutte contre les violences sexuelles infligées aux femmes.
« Non c'est non » - Les débats sur le sexisme ont influencé le renforcement du droit pénal allemand. Crédit photo : Wikimedia Commons.
« La campagne #metoo ne change guère les choses en Allemagne. » Ce commentaire, qui est paru en décembre dans le journal Frankfurter Rundschau, résume l’état d’esprit qui domine dans le pays. Alors qu’en France, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour dénoncer les violences sexuelles, le mouvement #metoo reste discret outre-Rhin. Non pas que les Allemands ne se sentent pas concernés ; c’est juste que #metoo ne semble plus trop les surprendre.
Car l’Allemagne a déjà eu son #metoo. C’était il y a 5 ans exactement. À l’époque, le mouvement s’appelait #aufschrei (cri d’alerte). Pendant cinq jours, fin janvier 2013, environ 15.000 personnes témoignèrent sur Twitter de cas de harcèlement sexuel. La campagne avait été lancée par la militante féministe Anne Wizorek. Le déclic ? Un article de la journaliste Laura Himmelreich, racontant son entretien avec Rainer Brüderle, chef de file du parti libéral FDP. La jeune femme décrit le manque de distance du leader politique et ses compliments mal placés : « Il regarde mes seins et dit : ‘Vous rempliriez bien un dirndl’ (la robe traditionnelle bavaroise).»
Pour la professeure Ricarda Drüecker, spécialiste des médias à l’université de Salzburg, les mouvements #metoo et #aufschrei sont comparables : « Ce sont des célébrités qui sont concernées, en tant que coupables ou victimes. Du coup, les médias se sont précipités et cet intérêt médiatique a provoqué de nombreux témoignages. » #Aufschrei fut le mot-dièse clé de l’année 2013 dans les pays germanophones. Il a même reçu le prix média Grimme Online Award, « pour avoir déclenché un débat national sur le sexisme et la violence sexuelle dans la vie quotidienne », rappelle Ricarda Drüecker.
Maintenant, c'est le principe « non c'est non » qui décide
Le débat a ressurgi deux ans plus tard, dans la nuit de la Saint-Sylvestre 2015/16, quand des femmes furent massivement victimes de violences sexuelles à Cologne. Les suspects étaient de jeunes arabes et nord-africains, agissant en groupe, arrivés pour la plupart avec la grande vague migratoire quelques mois avant. La question des migrants, le sujet dominant en Allemagne, prit alors de l’ampleur. Des populistes instrumentalisèrent les actes de Cologne afin d’attiser la peur des étrangers. En réaction, c’est encore la féministe Anne Wizorek et ses consœurs qui s’opposèrent avec un nouvel hashtag : #ausnahmslos (sans exception). « La violence sexuelle ne peut pas être médiatisée seulement quand il s’agit de coupables musulmans, arabes ou africains », déclaraient-elles. Le débat sur le harcèlement sexuel devint alors général et interrogea l’ensemble de la société allemande. Et le débat a porté ses fruits. Depuis novembre 2016, une nouvelle loi renforce le droit pénal en matière sexuelle: avant, pour qu’il y ait une agression sexuelle, il fallait qu’il y ait usage de violence et que la victime se soit défendue physiquement. Maintenant, c’est le principe « non c’est non » qui décide : dès qu’il est visible que la victime n’est pas consentante, même avec des larmes, l’agression est qualifiée.
Clara Surges