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L'intelligence artificielle (IA) est de plus en plus présente dans notre environnement de smartphones et d'ordinateurs. Le géant Apple vient de lancer une campagne de recrutement de 86 postes pour des spécialistes du domaine. Le but : enrichir les fonctionnalités de ses iPhones et les rendre encore plus intelligents. Comme toutes les autres multinationales technologiques.

Malgré Siri, Cortana et M (l'IA en phase bêta de Facebook), le logiciel parfaitement intelligent n'existe pas encore. Et un scénario comme celui de Her, le film de Spike Jonze sorti en 2014 où un homme tombait amoureux d'une IA, est loin d'être réalisable. De nouvelles IA voient toutefois le jour sans arrêt, avec parfois des utilisations ou des effets étonnants… voire très bizarres. Petit panorama.

L'IA qui crée des histoires « dont vous êtes le héros »

« Tu es face à un croisement dans la forêt. A droite, un chemin lumineux et large, à gauche un sentier sombre et barré de ronces. Tu pars à droite : avance à la page 15. Tu te décides pour la gauche : continue page 24. » Ce type de choix, tout amateur de livres-jeux y a déjà fait face. Et si une intelligence artificielle proposait le même genre d'histoires interactives ?

Des chercheurs de l'Institut de technologie de Géorgie viennent de créer un auteur 2.0, Shéhérazade-IF, pour « Interactive fiction ». Si le nom de cette IA évoque les Milles et une nuits, ce n'est pas un hasard. Shéhérazade a pour vocation de proposer « mille et une alternatives d'histoire ». Ses histoires évoluent en fonction des choix du lecteur, qui devient maître du récit.

Ce n'est pas la première IA de narration interactive. Mais les précédentes reposaient sur un univers (lieux, personnages, actions possibles, objets…) connu a priori, puis créaient des histoires aléatoires. Cette nouvelle IA n'utilise pas que des connaissances pré-programmées : « Si le système ne dispose pas d'un modèle pour le domaine [d'action], il utilise le crowdsourcing pour acquérir rapidement un certain nombre d'exemples de narration », expliquent les chercheurs, Boyang Li et Mark Riedl, dans un document qui rend compte de leur travail.

Les trames sont donc proposées par les internautes, puis l'IA produit elle-même les bifurcations. Mieux : si elle ne comprend pas les histoires, elle est capable de découvrir toute seule les cheminements possibles.Par exemple, Mark Riedl a expliqué à Motherboard que, pour une histoire de rendez-vous au cinéma, « le système a appris que les gens peuvent se prendre la main ou s'embrasser. »

L'IA qui passera des examens à notre place

Une intelligence artificielle nommée Aristo est actuellement en pleine révisions pour passer l'examen de science dans l’État de New York, niveau CM 1. Elle a été développée par des chercheurs de l'Institut Allen pour l'intelligence artificielle, à Seattle.

Le PDG de l'institut, Oren Etzioni, est persuadé que l'avenir de l'IA se trouve dans l'apprentissage du sens commun. Aristo fonctionne avec des algorithmes de raisonnement. Ainsi, dans la démo présentée par l'institut, le programme est capable de nous dire que le renard trouve sa nourriture à l'odorat. Son raisonnement : le loup chasse à l'odeur, le renard et le loup sont semblables, donc le renard fait comme le loup et cherche sa nourriture à l'odeur. On se croirait presque avec Socrate.

En leur insufflant du sens commun, affirme l'institut Allen, on pourrait aller plus loin et créer des IA capables de nous aider vraiment. Ils organisent d'ailleurs un concours en octobre, pour trouver le programme le plus capable de répondre aux questions qu'il ne connaît pas. Aristo n'est pas encore un concurrent dangereux : il ne peut répondre qu'aux QCM, et ne réussit que 63 % de l'examen. Le chemin est long avant d'obtenir le logiciel de triche parfait. Mais la phase de développement dure deux ans, et les chercheurs espèrent bien augmenter les performances de cette IA.

L'IA pour être meilleur à Mario Bros.

Imaginez le plus célèbre des plombiers capable de comprendre seul qu'il faut récupérer des pièces jaunes, ou que sauter sur ses ennemis les tue. C'est le pari de chercheurs de Tubingen, en Allemagne. « Comme vous le voyez, voici Mario. Mais ce que vous ne savez pas, c'est que ce Mario est conscient de lui-même et de son environnement, dans une certaine mesure », explique l'équipe dans cette vidéo.

Les chercheurs, spécialisés dans les sciences cognitives, a nommé son étude « Mario Lives ! », Mario est vivant. Car le petit plombier ressent même des émotions, comme la faim ou la curiosité, qui lui sont dictées à la fois par son environnement et par des commandes faites par les programmeurs. Selon son état, il agit différemment : s'il a « faim », il cherche à collecter plus de pièces ; s'il est « curieux » il découvre son environnement en autonomie. Il essaye les objets présents dans son monde, et enregistre les interactions et leurs effets.

Mario a aussi appris à parler. Il comprends quelques mots et fonctions grammaticales simples en anglais et en allemand, et sait y répondre. Les chercheurs sont donc capable de dialoguer avec lui. C'est ainsi que Mario, qui ne savait « rien du tout » sur le Goomba, un de ses ennemis, annonce aux chercheurs que s'il saute sur un Gomba celui-ci meurt, une fois qu'il en a fait l'expérience.

L'équipe tente maintenant d'améliorer ce langage et de multiplier les interactions possibles. Qui sait, peut être Mario sera-t-il un jour capable de battre Bowser sans l'aide d'un joueur.

L'IA qui crée des rêves psychédéliques

Deep Dream est sans doute la plus fabuleuse des IA. Pas pour ses capacités techniques -même si elles sont impressionnantes- mais pour le résultat obtenu. Google a présenté ce programme en juin dernier. Créé dans le cadre d'un programme de recherche sur l'apprentissage des machines, Deep Dream se fonde sur un réseau de neurones artificiels. Il a dû enregistrer des millions d'image, surtout des animaux, pour apprendre à classifier des formes en tout genre, à les reconnaître et à les reproduire. Confrontée à des photos ou des tableaux, l'IA y repère des formes qu'elle connaît et y associe des images : une voiture, un œil, une roue, un poisson, un chien…

Les chercheurs ont mis à disposition du public sur le blog de Google les résultats de cette expérience. Ils y expliquent notamment que le programme fonctionne avec un système de « couches » de neurones. Il dessine ainsi une première forme dans la photo, puis les chercheurs lui demandent d'en « montrer plus ». Si un nuage ressemble à un oiseau, l'IA va le transformer jusqu'à ce qu'il ressemble à un oiseau.

Ceci donne une magnifique série d'images fantasmagoriques, semblables à ce que le cerveau humain voit en rêve. Des maisons apparaissent dans une montagne, des pattes poussent à des nuages, et des poissons mutants nagent dans le ciel d'un Seattle merveilleux.

Ses développeurs ont mis à disposition du public, très curieux de ce programme, le code utilisé. D'autres développeur se sont empressés de créer des interfaces Web permettant aux newbies ou aux novices en code de créer leurs propres images. Une seule condition : si les gens les publient sur les réseaux sociaux, que ce soit avec le hashtag #Deepdream, pour que les chercheurs puissent continuer à étudier les œuvres de l'IA.

Tweets sur #deepdream

L'IA fâchée

Rien de bien compliqué avec cette IA : elle est juste en colère. Radiant est un programme informatique furieux, qui coûtera au moins 500 000 dollars à développer. Difficile d'imaginer que quelqu'un pourrait vouloir d'une machine chère et insultante.

La compagnie néo-zélandaise Touchpoint l'a pourtant commandée. The Australian expliquait en mai le but de ce programme : simuler des centaines de milliers de gens en colère, pour aider les compagnies dans leur service après-vente devant les plaintes des clients fâchés. Le directeur général du groupe Touchpoint, Frank der Velden, souhaite que l'IA puisse aider à comprendre comment les clients ont atteint le point de rupture. Il reste maintenant à créer l'IA diplomate qui pourra répondre aux complaintes.

L'IA qui peut copier Van Gogh

On dit souvent de l'IA qu'elle ne pourra jamais égaler les humains, car il lui manque la créativité. Les spécialistes de l'IA tentent déjà depuis un moment de montrer le contraire, en créant des programmes qui inventent des recettes de cuisine ou composent des musiques. Une équipe de chercheurs allemands explique dans un article publié fin août comment leur machine peut égaler les plus grands peintres.

Comme Deep Dream, la machine fonctionne grâce au deep learning. Elle analyse des tableaux d'artistes prestigieux, apprend leur style en enregistrant des données, et le reproduit sur une photo. En moins d'une heure, elle est capable de créer des images proches des œuvre de Picasso, Munch ou Van Gogh.

La machine serait-elle en mesure de dépasser l'humain ? Sans doute pas : pour l'instant les algorithmes ne sont capables de créer que dans un seul domaine à la fois. Et les IA ne ressentent pas encore d'émotion, essentielle pour nourrir la capacité. Ce domaine avance à toute vitesse ; mais nous ne sommes pas encore au niveau de Her.

L'IA pour devenir immortel

Plus forte que la pierre philosophale, plus forte que la fontaine de jouvence, plus forte même que l'anneau unique, voici l'intelligence artificielle qui nous permet de rester vivant après notre mort… sur les réseaux sociaux. ETER9 est un nouveau réseau social développé par le portugais Henrique Jorge qui utilise l'intelligence artificielle pour créer un alias, un Counterpart de l'utilisateur.

Les créateurs de ce programme très étrange expliquent sur leur site : « Le Counterpart est votre Avatar Virtuel qui restera dans le système et interagira avec le monde comme vous le feriez si vous étiez présent. Votre Counterpart apprendra de chaque nouvelle action que vous réalisez. Plus vous interagirez dans le nouveau réseau social, plus votre Counterpart apprend. »

Le réseau prévoit aussi des espèces de bots déguisés, appelés « Nines » et créés de toute pièce. Les utilisateurs peuvent les « adopter », sinon ils finissent par disparaître. Le site n'en est qu'à sa phase d'essai, mais plus de 5 000 personnes se sont déjà enregistrées dessus.

ETER9 n'est pas la seule IA qui promet l'immortalité. Et ce n'est pas la seule qui conquiert et effraie à la fois. Eterni.me, lancée début 2014, attire les utilisateurs avec cette question « Qui veut vivre pour toujours ? ». Le site accueille une poignée de nouveaux internautes chaque semaine, et en revendique aujourd'hui 30 153. Mais à l'annonce de sa sortie, un fil Reddit était vite apparu : « Devenez virtuellement immortel (dans la plus glauque des manières) ». 

Mathilde Loire