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Les appuis aux jeunes pousses sont relativement nombreux et généreux : Réseau Entreprendre ou Sémia – financés en partie par les pouvoirs publics – dispensent des conseils en marketing et en communication, la Région Grand-Est accorde des subventions de 100 000 euros pour la recherche et le développement, la Banque publique d’investissement se porte garante pour assurer un prêt aux start-up, le label French Tech distribue jusqu’à 45 000 euros de bourses. « Cela ne permet pas de durer, tempère Luca Fancello. Le meilleur financement, c’est le client. »

Encore faut-il le trouver. « Beaucoup d’entrepreneurs ont une bonne idée, mais ne savent pas comment la vendre, analyse Sébastien Dérivaux, membre d’Alsace Business Angel, un réseau d’investisseurs alsaciens. Cette acculturation au marketing est un obstacle. » Il salue les soutiens publics aux start-ups, mais en pointe les limites : « Faire des  dossiers de candidature prend du temps, que l’on ne passe pas à vendre son produit et trouver des clients. Or, c’est ça qui assure la pérennité d’une entreprise. En cela, c’est un peu pervers. » Selon lui, l’écosystème alsacien manquerait encore de maturité. « Il faudrait des chefs d’entreprises qui ont vendu leur boîte et réinvestissent pour que le système s’autoalimente. » Seules trois ou quatre start-ups alsaciennes font plus d’un million de chiffre d’affaires par an. Chez Sémia, la plupart font quelques dizaines de milliers d’euros, quand une simple boucherie crée 328 000 euros en moyenne (source : Insee). Et attirer des investisseurs parisiens quand on est à Strasbourg est une gageure. « Pour lever plus de 100 000 euros, c’est mieux d’être connu dans le milieu des investisseurs, ajoute Luca Fancello. Ce n’est pas le genre de contacts qu’on trouve sur Internet. »

« 10 000 euros au départ, c’est que dalle »

En réalité, monter une start-up relève du parcours du combattant. Des mois de labeur, pendant les études ou après le travail, à vivre sur le dos de ses parents ou de son conjoint, sans se verser de salaire. Avec comme horizon, souvent, l’échec. Selon le site 1001 start-ups, seules 10% d’entre elles survivent après quelques années. Le plus gros défi consiste à trouver des financements : près d’un tiers des échecs sont dus à un manque de liquidité.

Luca Fancello est cofondateur de Brewnation, une plateforme en ligne de distribution de bière artisanale basée à Mulhouse. « Tout l’investissement qu’on a pu mettre au départ, c’est 10 000 euros, raconte-t-il. Pour l’e-commerce, c’est que dalle, ça sert à peine à faire un test. » Il a cravaché pour obtenir des subventions, des aides et gagner des prix.

Si la « start-up nation » chère à Emmanuel Macron était une marque de parfum, Sémia en serait le laboratoire et Clément Sornin l’égérie. À 26 ans, il codirige Teewii, une plateforme numérique en pleine ascension qui propose aux étudiants de faire du « tee-shirting » et du « flyering » pour les entreprises. Cheveux en bataille, barbe de trois jours, tenue décontractée, le jeune homme a réussi le parcours parfait. En 2016, son projet remporte le Start-up week-end de Mulhouse. Sémia accepte de l’incuber dans la foulée. Aujourd’hui, Teewii collabore avec des gros calibres comme Orange ou la Banque Populaire et rêve d’international. Avec 100 000 euros de chiffre d’affaires en 2017, la jeune pousse tourne avec six salariés et trois stagiaires. « Une start-up doit toujours se remettre en question pour croître », philosophe Clément Sornin, avec un sourire qui donne à croire que tout est facile.

Trouver de l’argent est une question de survie pour une start-up, au-delà des success stories, des applications pratiques et du discours flatteur sur l’innovation. Les aides sont nombreuses, mais elles n’assurent pas la viabilité des entreprises.

Sémia est un pavé quelconque posé au milieu de la Krutenau, ceinturé de grilles et d’un muret émaillé de mots griffonnés à la craie : « innover », « créer », « progrès », « avenir ». Des escaliers bleu électrique, des murs chamarrés, une galerie de photographies d’entrepreneurs souriants. A l’entrée, un baby-foot comme figure de proue, incarnation suprême de l’esprit start-up. Des jeunes, plutôt masculins, en jean-baskets défilent dans les couloirs, à la recherche d’un café. Peu ont dépassé la trentaine. Sémia est un incubateur de start-up. Elle « couve » les jeunes entreprises en leur prodiguant de précieux conseils et des bureaux tout frais à moindre prix.

Au Parlement européen, la percée des forces antisystèmes aux élections législatives italiennes suscite l'inquiétude.

Endiguer la montée des populismes

« Le vote des italiens est un signal d’alarme pour les institutions européennes, commente la députée italienne Eleonora Forenza (GUE/gauche radicale), et notamment pour la Commission, avec la défaite de la social démocratie en Italie, entraînant la chute de Matteo Renzi, et le rejet net des politiques d’austérité. »

Pour l’Union européenne, il s’agit désormais de contenir cette montée des partis anti-systèmes, déjà au pouvoir en Autriche, en Hongrie et en Pologne, en s’attaquant à leurs causes. « L’impuissance du budget européen a des conséquences sur la montée des nationalismes. Si l’on n'arrive pas à financer l’Europe, bien sûr que cela nourrit les populismes, c’est cela que les gens nous reprochent », explique Isabelle Thomas, députée française (S&D/sociaux-démocrates).

Même diagnostic pour Pierre Moscovici, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires : « Une des choses dont nos peuples souffrent aujourd’hui, c’est un sentiment d'iniquité forte. Par exemple quand les firmes multinationales ne paient pas d’impôt, c’est une source des montées du populisme.»

Malgré le flou, une certitude se dégage toutefois : un Brexit à l’italienne est très peu probable. Il faudrait pour cela réviser la Constitution, qui interdit les référendums sur les traités internationaux. « L’Italie ne sortira pas de l’UE, assure Eleonora Forenza. Matteo Salvini était très agressif envers les institutions européennes pendant la campagne, mais il a déjà annoncé qu’il ne souhaitait pas sortir de l’UE, ni de l’Otan.»

Sophie Bardin et Marie Dédéban

« J’espère avoir l’honneur de diriger mon pays.» Matteo Salvini, eurodéputé italien, fait une entrée triomphale au Parlement européen, mardi 13 mars. Les membres de son groupe, venus le soutenir, applaudissent avec ferveur chacune de ses déclarations. La conférence de presse prend soudain des airs de meeting politique. L'Europe des Nations et des Libertés (extrême droite) salue la victoire de son leader.

Lors des élections législatives du dimanche 4 mars, les partis anti-systèmes et d'extrême-droite ont fait une percée spectaculaire en Italie, membre fondateur de l'Union européenne et troisième économie de la zone euro. Le Mouvement 5 étoiles est arrivé en tête de ces élections, avec 32 % des voix. Mais la véritable surprise du scrutin est le résultat du parti de Matteo Salvini, La Ligue. Contre toute attente, il a obtenu 17% des votes et a devancé la formation Forza Italia de Silvio Berlusconi au sein de la coalition de droite. Cependant, aucune majorité ne se dégage, et les prétendants au poste de Président du Conseil devront former une alliance dont les contours restent très incertains.

« Les conséquences sont encore imprévisibles puisque l’on ne sait pas encore quelle coalition va gouverner », commente Charles de Marcilly, responsable à Bruxelles de la Fondation Robert Schuman. Ce qui est certain c'est que si Le Mouvement 5 étoiles ou la Ligue accèdent au pouvoir, certaines politiques de l’UE pourraient en pâtir : l’espace Schengen, la réforme de la zone euro, et surtout, l’immigration. « Les Italiens ont eu un sentiment très fort d’abandon sur la politique migratoire, de la part des autres pays européens », explique Charles de Marcilly.

Une campagne anti-migrants

Matteo Salvini, leader de la Ligue, a fait de la lutte contre les migrants le coeur de sa campagne électorale. Depuis 2013, l’Italie en a accueilli 700 000. « Les commissaires européens associent l’Italie à un camp de réfugiés, affirme Matteo Salvini, devant les journalistes. Bien sûr il faut accepter d’aider ceux qui fuient la guerre, mais ils nous faut refuser les migrants économiques. » Le député français Alain Lamassoure (PPE/droite) estime que l’UE ne doit pas porter toute la responsabilité de la crise migratoire : « Ce n’est pas Bruxelles ou le Parlement européen qui doivent être mis en cause, mais l’égoïsme des pays voisins qui ont refusé d’appliquer les décisions européennes. »

Pour l’instant, les autorités slovaques bénéficient d’une assistance étrangère pour mener l’enquête sur le double meurtre: le FBI, Scotland Yard et la police italienne sont mobilisées. « Mais l’enquête reste quand même essentiellement gérée par les autorités slovaques », explique Claude Moraes, co-président de la délégation et eurodéputé socio-démocrate (S&D) du Royaume-Uni. Ce dernier recommande que l’office de police criminelle de l’UE, appelé Europol, participe activement à l’enquête.

Détournement de fonds européens

Les découvertes de Ján  Kuciak renforcent les doutes des eurodéputés envers les institutions slovaques. Dans sa dernière enquête pour le média Aktuality.sk, le journaliste dénonce: « [La famille italienne Cinnante, liée à la mafia N’drangheta] s’est lancée dans l’agriculture, a reçu des subventions, touché des fonds de l’UE et construit des relations avec des hommes politiques influents ». Alertée par ces allégations, la délégation du Parlement a tenté de faire la lumière sur ces possibles détournements de fonds.

Selon le rapport publié après la mission, la délégation a questionné Juraj Kozuch, le directeur de l’Agence de paiement agricole, chargée de distribuer l’argent des fonds européen aux agriculteurs. Le directeur a admis qu’il n’existait pas de contrôle permettant de savoir exactement qui sont les propriétaires agricoles bénéficiaires de subventions.

« Nous ne devons pas faire semblant d’être des policiers ou des juges, affirme Claude Moraes. Mais nous devons enquêter sur les fonds agricoles, c’est ce qu’on peut faire de mieux pour honorer la mémoire de ce journaliste ».

Les journalistes en danger en Slovaquie ?

Michal Katuska, journaliste dans l'audiovisuel public, doute de la capacité de l’UE à assurer la protection des journalistes:  « Je pense que tous les journalistes étaient sûrs que la Slovaquie, en tant que pays membre de l’UE, disposait d’une société suffisamment démocratique pour qu’on y soit en sécurité. Mais après ce qui est arrivé à Jan Kuciak et à la journaliste maltaise, nous n’en sommes plus si sûrs. »

Ján Kuciak est le premier journaliste slovaque officiellement assassiné en raison de sa profession depuis la chute du communisme. Mais il n’est probablement pas le seul. L’association des journalistes européens rappellent que deux autres journalistes, Palo Rypal et Miroslav Pejko, ont disparu sans explication en 2008 et 2015.

Ayla Passadori
Coralie Haenel

Mener une enquête impartiale

Certains eurodéputés ont aussi exprimé leurs doutes sur la capacité des institutions slovaques à mener une enquête objective sur le meurtre, alors même que le gouvernement était visé par les révélations du défunt journaliste.

Co-présidente allemande de la mission en Slovaquie, Ingeborg Grässle (PPE, droite) appelle cependant ses collègues à ne pas tirer de conclusions hâtives: « La Slovaquie ne semble pas être le pays qui pose le plus de problèmes, c’est un membre de notre famille européenne qui mérite toute notre solidarité ».

Les doutes exprimés à l’égard de l’intégrité du gouvernement slovaque ont également fait réagir les eurodéputés slovaques de gauche. Pour eux, l’UE doit faire confiance aux tribunaux slovaques pour juger l’affaire au lieu de vouloir interférer dans la situation. Pourtant, Eduard Kukan n’est pas de cet avis. « Le meurtre d’un journaliste n’est pas un problème interne, c'est le problème de l’UE dans son ensemble. Comme dans le cas du meurtre de la journaliste maltaise, les gens en slovaquie n’ont pas du tout confiance dans leur gouvernement ».

[ Plein écran ]

Lors du débat parlementaire du 14 mars, Ingeborg Grässle, co-présidente de la délégation envoyée en Slovaquie, appelle les eurodéputés à ne pas tirer de conclusions hâtives sur le meurtre de Ján Kuciak. © Phoebé Humbertjean

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