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A Mulhouse LREM et Debout la France se frottent les mains 

Le basculement d’une partie de l’électorat de la droite classique vers LREM aux européennes est particulièrement visible dans l’agglomération mulhousienne. Le parti d’Emmanuel Macron fait ses meilleurs scores dans les communes où l’UMP arrive en tête en 2014. La liste Renaissance, soutenue par le MoDem et Agir, a certes bénéficié d’un report des votes centristes : alors qu’en 2014, l’alliance UDI-MoDem totalise 13,18% des voix à Brunstatt-Didenheim, en 2019, l’UDI seule (liste Les Européens) y dégringole à 3,08%. Mais LREM a aussi récolté les suffrages des déçus de la droite. Florian Colom, délégué LR de la cinquième circonscription du Haut-Rhin, en convient : « À Mulhouse, comme partout en France, une partie des électeurs LR ont suivi une logique nationale, en votant plutôt pour LREM ». Un exode plus suivi dans le sud de la ville et les communes limitrophes. À Brunstatt-Didenheim, Riedisheim et dans le quartier du Rebberg, autour du parc zoologique, LREM fait le plein de voix. Pourtant, « c’est dans ces quartiers résidentiels, composés de catégories sociales supérieures, que la droite réalise traditionnellement ses meilleurs scores », reconnaît une élue LR de la ville. 

Une forte progression de Debout la France

Mais la bérézina de LR n’a pas profité qu’à la liste de Nathalie Loiseau. Debout la France (DLF) réalise son troisième meilleur score national dans le Haut-Rhin, avec une moyenne de 5,42% - mieux que les 4,03% des européennes de 2014. Le parti de Nicolas Dupont-Aignan gagne des voix dans presque toutes les communes de l’agglomération. À Rixheim, 269 électeurs ont voté pour cette liste, soit un gain de 117 suffrages par rapport à 2014. « C’est surtout dans les petites communes que nous progressons, autour de Colmar, et dans le Sundgau », se réjouit Pascal Tschaen, secrétaire départemental de Debout la France pour le Haut-Rhin. Selon lui, l’électorat gaulliste, déboussolé par « le manque de clarté idéologique de LR », s’est tourné vers son parti. Par ailleurs, Debout la France défend mordicus l’indépendance de l’Alsace par rapport au Grand Est : « Une position que Jean Rottner (LR) a abandonnée en devenant président de la région », remarque Pascal Tschaen. L’occasion, pour DLF, d’empocher des suffrages d’électeurs LR, déçus par la frilosité du parti de droite sur la question. 

Le Nord et le Sud de l'agglomération fracturés

Séparées de douze kilomètres seulement, les communes de Wittenheim et Brunstatt-Didenheim ont exprimé des sensibilités politiques bien différentes pendant les européennes. Les Républicains ont chuté dans ces deux communes comme dans l’ensemble de l’agglomération. Mais Wittenheim fait partie des villes où la chute a été la plus brutale : le parti est passé de 611 à 223 voix entre les Européennes de 2014 et 2019, perdant ainsi 388 voix. Tandis que Brunstatt-Didenheim est l’une des communes les moins "infidèles" aux LR, passant de 666 à 316 voix, soit 350 voix de perdues. 

Le Nord opte pour le RN, le Sud pour LREM 

Située au nord de la banlieue mulhousienne, Wittenheim est la deuxième ville la plus peuplée après Mulhouse avec 14 589 habitants. Elle structure le nord de l’agglomération, dans le bassin potassique. Cette zone historiquement industrielle et minière a longtemps été le fief du PCF, avant que l’extrême-droite ne le supplante dans les années 90. La majorité de la population active est représentée par les ouvriers et plus d’un quart des habitants n’ont pas de diplôme. Aux européennes, depuis 2014, le Rassemblement national explose les scores et ne laisse plus de place aux partis traditionnels. En 2019, il atteint 37, 8%, quand Les Républicains s’effondrent, passant de 16,87 à 5,24% des suffrages entre 2014 et 2019.

Le sud de la banlieue mulhousienne est plus riche et s’est davantage tourné vers LREM au détriment de LR. La commune de Brunstatt-Didenheim fait partie de cette zone résidentielle, proche de la campagne. Ses 7 850 habitants sont rassemblés depuis la fusion des villages de Brunstatt et Didenheim, avec un fort taux de cadres et un revenu médian bien supérieur à l’échelle nationale. Elle héberge un espace d’activités important, notamment des entreprises d’innovation technologique. Ici, LREM arrive en tête aux européennes 2019 avec 25,37% des votes contre 10,15% pour LR. Or, en 2014, c’était l’UMP (ex-LR) qui occupait la première position, avec 26,56% des votes.

La droite battue par la République en marche en Alsace

Avec un score de 9,1% des voix en Alsace, Les Républicains se placent en quatrième position aux dernières élections européennes - et arrivent en tête dans seulement six communes. Un résultat qui tranche avec le score de 2014 : avec 24% des suffrages, l’UMP est alors seulement devancé par le Front national. Fort de son ancrage local, notamment dans le Haut-Rhin, ce dernier totalise alors 27,6% des votes alsaciens. Et met ainsi fin à l’hégémonie historique de la droite traditionnelle sur cette région. 

En 2019, le Rassemblement national continue de grignoter des votes aux Républicains. À Sarre-Union, ville la plus peuplée d'Alsace bossue, pourtant présidée par un élu LR, la liste portée par Jordan Bardella (RN) l’emporte avec 30% des voix. Même constat à Dannemarie, dans le Sundgau, où le parti de Marine Le Pen est arrivé largement en tête avec 32,6% des voix. En 2014, FN et UMP étaient arrivés ex-aequo.

La campagne de Laurent Wauquiez, président des Républicains, s’est pourtant appuyée sur des thèmes chers à l’extrême-droite. Mais cette stratégie n’a pas plu aux électeurs traditionnels de LR, selon Jonas Eshete, responsable des Jeunes Républicains du Bas-Rhin : « Laurent Wauquiez a parlé à un certain électorat, en axant son discours sur l’immigration. Il a sans doute été clivant, alors que le "Travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy pendant sa campagne des présidentielles de 2007 pouvait parler à tout le monde et fédérer les Français. »

Une chute de LR dans la plaine d'Alsace

L’ancrage du FN n’est pas une nouveauté en Alsace. « En 1995, Jean-Marie Le Pen est déjà en tête au premier tour de l'élection présidentielle », rappelle le politologue Richard Kleinschmager, président de l’Université populaire de Strasbourg.
Cependant, le RN perd des communes entre les deux dernières élections européennes. La chute des Républicains n’est donc pas seulement due au report des voix sur le parti de Marine le Pen mais plutôt à la victoire de LREM dans la majorité des communes auparavant acquises à LR. 

Les communes où l’UMP arrive en tête en 2014 se situent principalement dans la plaine centrale d’Alsace, territoire plutôt composé de vignobles, plus riche que les anciennes vallées industrielles. « Aux élections de 2017, le vote LREM se retrouve plutôt dans les villes et les périphéries. Tandis qu’à la dernière élection européenne, il prend souche dans les petites villes, historiquement acquises à la droite et au centre-droit. C’est donc à LR, principalement, que LREM prend des voix », détaille Richard Kleinschmager. La carte montre que le report des voix de l’électorat de la droite traditionnelle a profité au parti d’Emmanuel Macron puisque le RN a gagné très peu de communes.

En 2019, les électeurs de droite se reportent davantage sur la liste de Nathalie Loiseau, que l'on choisit de placer ici au centre droit de l'échiquier politique. De fait, les députés LREM ont rejoint les autres partis centristes au Parlement européen dans le groupe Renew Europe (ex-Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe) et non le Parti populaire européen (PPE), où siègent Les Républicains. Mais le vote centriste est-il nouveau en Alsace ? 

Un éclatement de la droite

« L’Alsace est divisée entre les gaullistes et les centristes jusque dans les années 1990. L’arrivée du FN à la fin des années 1980 vient grignoter la part des deux électorats, surtout gaulliste », analyse Richard Kleinschmager. À l’instar de 1999, un éclatement des partis de droite s’effectue vers le centre en 2019.

Député de la 5e circonscription du Bas-Rhin, à l’extrême-sud du département, Antoine Herth a été élu aux législatives 2017 sous étiquette LR, mais il a quitté le parti en 2018. Il est l’un des fondateurs d’Agir, qui rassemble centristes et dissidents des Républicains, comme Fabienne Keller, l’ancienne maire UMP de Strasbourg.

Ce parti de droite se démarque de LREM mais soutient sa politique : « Emmanuel Macron porte un discours volontariste sur l’Europe et je suis viscéralement attaché à la question européenne, justifie notamment Antoine Herth, qui siège au bureau de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. Le discours de plus en plus eurosceptique de Laurent Wauquiez pendant sa présidence de LR ne correspondait pas à l’idée que je me faisais de la droite. »

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