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« La population a évolué, les commerces se sont adaptés, remarque Nasir Demir, propriétaire du restaurant Mésopotamie. Quand je suis arrivé, en 2002, nous n’étions que trois restaurateurs. » Sous les arcades, une petite dizaine de restaurants présentent aux consommateurs une offre homogène où cuisines syrienne, libanaise et méditerranéenne se déclinent sur le principe du fast-food. « Les lycéens et les étudiants sont nos principaux clients le midi ; le soir on retrouve des habitués du quartier », détaille Ahmir, un autre restaurateur.
« Si l’offre s’est transformée en moins de vingt ans, c’est notamment à cause de la destruction du pont Churchill, qui reliait le quartier de Neudorf à l’Esplanade et constituait un axe de passage conséquent », analyse Simone. En 2004, la démolition est engagée et l’accès reste fermé pendant près de trois ans. « Les gens ont pris d’autres habitudes, sont partis faire leurs courses ailleurs, et à ce moment-là, les commerces ont changé », reprend l’aînée.
Les rideaux métalliques tirés et les peintures grisâtres, défraîchies par le temps et l’humidité, n’empêchent pas le centre commercial, l’Espla, de conserver son public. « Je suis arrivé il y a vingt ans et déjà, j’entendais parler de la fin du centre commercial », s’exclame Marc Philibert, directeur de l’Association des résidents de l’Esplanade (Ares). D’après lui, cette galerie marchande, qui a poussé entre les barres d’immeubles dans les années 1970, a toujours eu du mal à s’imposer comme réel point d’attractivité au sein du quartier résidentiel composé à l’origine d’enseignants.
« Bien sûr, ce n’est pas comparable aux grosses structures comme Rivétoile et les Halles mais on avait de vrais commerces de proximité : un cordonnier, une couturière, une pédicure, un photographe et surtout une mairie de quartier… qui nous manque beaucoup », regrette Simone, qui a emménagé avenue du Général de Gaulle, épicentre du quartier de l’Esplanade, il y a quarante ans. Au fil des années, les primo-accédants à la propriété ont vieilli, les professeurs ont laissé place aux étudiants et les grandes enseignes ont déserté la galerie, remplacées, en majeure partie, par des services de restauration rapide.
Il faut être attentif pour repérer la Scène de Strasbourg au milieu de la Plaine des Bouchers. L’extérieur du bâtiment, une ancienne usine à pâtes, peint de longues bandes blanches et rouges, ne ressemble pas à un théâtre classique.
Après 1,5 million d’euros de travaux, l’ancien entrepôt a presque été entièrement rénové : « On a gardé l’esprit dépôt industriel en laissant le gros bloc de béton comme tel, et l’ancienne aération, explique Musah Recepovic, le directeur du théâtre, qui ajoute en rigolant : « Bon, on a quand même les sièges en velours rouge, là on ne peut pas faire plus classique », rigole-t-il. 500 places entourées d’immenses murs de briques repeints en rouge.
Des premiers mois positifs
Le directeur, âgé de 36 ans, a pris ses fonctions le 30 mars 2019, date de l’ouverture officielle de la salle. Auparavant, il gérait la billetterie des quatre théâtres parisiens de son oncle Alil Vardar, auteur de pièces à succès. C’est d’ailleurs avec Le clan des divorcés, écrit par son oncle, que la salle a été testée : une dizaine de dates et une affluence autour des 60 % de la jauge, qui convient à la direction qui n’en espérait pas tant. «A partir de ce taux de remplissage sur le long terme, le théâtre est viable.»
Un chiffre pas forcément facile à atteindre étant donné l’emplacement du lieu. « Il faut que les gens apprennent qu’il y a un théâtre à la Plaine des Bouchers.» La volonté est aussi de créer un théâtre populaire : «Je veux que tout le monde puisse venir ici. Notre public ce n’est pas seulement celui du centre de Strasbourg, c’est aussi celui de la Meinau et du Neuhof. »
« Un théâtre, ça crée de la vie »
Mais, pour l’instant, être à la Meinau est un frein. « C’est un quartier qui, aujourd’hui, ne fait pas rêver les gens.» Musah Recepovic espère voir le quartier se développer en même temps que son établissement. « J’ai envie de voir des restaurants, des commerces. Là, c’est un peu laissé pour compte. Un théâtre, ça crée de la vie », lance-t-il. Pour le moment il se trouve encore coincé entre l’autoroute et les entrepôts, loin des habitations.
Mais Musah Recepovic se veut confiant : « On a 600 places de parking juste à côté, le tram à moins de dix minutes. On est accessible. Ce qui nous manque, c’est la notoriété, mais ça va venir. On se donne trois ans pour ça.»
La saison démarrera vraiment fin octobre et se prolongera jusqu’à mai. Des spectacles, de la musique, mais surtout des one-man show : Chris Esquerre, le 26 octobre, ou Christophe Alévêque, en décembre. « Mais on n’a pas vocation à ne recevoir que des têtes d’affiche, indique Musah Recepovic. On fait venir, par exemple, la troupe Mohamed le Suédois en décembre. » L’objectif du théâtre est d’ouvrir les vendredis, samedis et dimanches car il n’a pas encore la capacité de jouer tous les soirs.
Victor Boutonnat
Dans le quartier de l’Esplanade, des habitants racontent le centre commercial et son évolution. Partagés entre regrets et craintes de voir disparaître les dernières boutiques.
Lancée en mars dernier, la Scène de Strasbourg entame cet automne sa première vraie saison. Premier défis de ce nouveau théâtre : se faire connaître du public à la Meinau, un quartier éloigné du centre-ville.
Il est 14h ce mercredi 2 octobre. Alors que la pluie s’abat sur la cité des Brasseurs, Christian Ball est en pleine discussion avec son « bras-droit », Dera Ratsiajetsinimaro, dans l’arrière salle de La Houblonnière, une bierstub typique située dans le cœur historique de Schiltigheim.
Récemment investi par Les Républicains pour les municipales de 2020, l’homme de 49 ans présente bien : rasé de près, cheveux impeccables, chevalière à l’annulaire gauche et veste de costume, sous laquelle un pull en cachemire fin cache une chemise rouge.
Né à Strasbourg, Christian Ball vit une enfance heureuse dans le quartier de la Montagne-Verte. Son père, tailleur de pierre originaire d’Edimbourg, et sa mère, vendeuse aux Galeries Lafayette, travaillent beaucoup. Le jeune garçon passe son temps chez ses grands-parents. « Avec un parrain communiste et un grand-père gaulliste, je suivais les débats politiques. A 11 ans, je découpais les articles de campagne dans la presse », raconte-t-il.
A cette époque, le jeune homme se rêve footballeur professionnel. Il joue milieu de terrain avec les moins de 17 ans du Football Club Strasbourg Koenigshoffen 06, à l’échelon national, et compte plusieurs sélections en équipe d’Alsace mais une déchirure des ligaments du genou brise ses espoirs. Le numéro 8 mettra deux ans à réapprendre à marcher. A 18 ans, son diplôme d'entraîneur en poche, Christian Ball se lance dans un BTS en Comptabilité et gestion puis débute une carrière dans les assurances.
Un homme de terrain
Entre temps, ce gaulliste et pro-européen convaincu s’est engagé avec le RPR et commence à prendre des responsabilités. La politique, Christian Ball l’aime au niveau local. En 2000, une Schilikoise entre dans sa vie. « Je suis tombé amoureux de ma femme et de sa ville .» Il ne quittera ni l’une ni l’autre.
Schilick, c’est son cheval de bataille. Lors des élections municipales 2008, il apparaît pour la première fois sur une liste divers droite, en huitième position, comme le numéro floqué dans son dos du temps où il foulait encore les pelouses d’Alsace. En 2014, Christian Ball, qui se définit lui-même comme têtu et obstiné, prend la tête de la liste UMP. Son ralliement au second tour à Jean-Marie Kutner (UDI), finalement élu, le propulse premier adjoint.
Mais en 2017, un désaccord avec le maire le pousse à quitter son poste. Le démissionnaire est suivi par 14 autres élus. Le conseil municipal perd alors plus d’un tiers de ses membres. Le candidat veut aujourd’hui s’affranchir de cette image écorchée. Il n’y a pas eu de « putsch », comme l’ont écrit les médias locaux, se défend Christian Ball.
Lui martèle son « amour viscéral » pour les autres : « Je suis quelqu’un d’extrêmement empathique.» Une proximité avec les gens qu’il dit ne retrouver que sur le terrain. Là encore, le sport n’est jamais loin.
Son fidèle compagnon de l’arène politique, Dera Ratsiajetsinimaro, va même jusqu’à le comparer à Jacques Chirac. Lorsqu’il le rencontre en 2011, il est immédiatement séduit par le personnage. Ce qui le frappe le plus, encore aujourd’hui, ce sont ses qualités d’anticipation : « Gouverner, c’est prévoir ! », glisse-t-il, faisant référence à Emile de Girardin.
« Il est très organisé », poursuit celui qui au fil des années est devenu plus qu’un simple collaborateur : « Il y a une vraie amitié et une vraie complicité entre nous. On passe plus de temps ensemble qu’avec nos femmes, et elles ne manquent pas de nous le reprocher », s’amuse Dera Ratsiajetsinimaro. « J’essaie de garder des moments pour la famille. Ca vous rend plus fort », répond Christian Ball qui accompagnait sa fille de 19 ans au concert du chanteur Gims au Stade de France le 28 septembre dernier.
Ce féru d’histoire évoque la maxime de Pierre Mendès France « Gouverner, c’est choisir ! », sa ligne directrice. Le choix, ce sont les électeurs qui l’auront en mars prochain, mais le séguiniste « plus déterminé que jamais» l’assure : « La politique c’est comme le foot, aucun match n’est joué d’avance ».
Robin Magnier
A six mois des élections municipales de Schiltigheim, Christian Ball a été investi par son parti, les Républicains, le 24 septembre dernier. Portrait d’un homme déterminé.