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Entre 2008 et 2014, la taxe d’habitation et la taxe foncière ont augmenté. Droite ou gauche, région, département, municipalité ou intercommunalité. De nombreux acteurs entrent en compte quant à la fixation de ces taxes. Décryptage. 

« La gauche a plus facilement recours à l’impôt que la droite. La gauche croit en l’impôt, la droite n’y croit pas et essaie toujours de le réduire. C’est pareil au niveau de la politique nationale, ça se retrouve en locale. » Pour Raphaël Nisand, maire socialiste de Schiltigheim entre 2008 et 2014, il y aurait un vrai clivage politique en matière de fiscalité locale. Pourtant en comparant les taux d’imposition locaux fixés par les municipalités des 30 plus grandes villes du Grand Est (hormis Verdun qui concentre ses taxes sur l’intercommunalité), on constate que les mairies de droite taxent quasiment autant que les villes de gauche.

Source : data.gouv

Pour bien comprendre l’augmentation des taxes locales, il est nécessaire d’identifier les différents acteurs. Jusqu’en 2010, la taxe d’habitation était prélevée à la fois par le département et les communes. De son côté la taxe foncière sur les propriétés bâties se décomposait en une part régionale, une part départementale et une part communale. Après la réforme fiscale de 2009, appliquée en 2011, la taxe d’habitation ne concerne plus que les municipalités. Pour la taxe foncière, sa part régionale disparait.

Pas ou peu d’augmentation de taxe dans les municipalités

Il faut tout d’abord noter que la commune n’est pas totalement libre dans la fixation des taux de ses taxes. Si elle dispose d’une certaine latitude, elle doit respecter certaines règles. Par exemple elle ne peut pas augmenter fortement la taxe foncière tout en restant stable sur la taxe d’habitation. Cela a pour conséquence une certaine corrélation dans l’évolution des taux de taxe foncière et de taxe d’habitation.

Pour la taxe foncière, si on se concentre sur la part prélevée par les municipalités, on remarque que sur les 30 plus grandes villes du Grand Est, 15 (Illkirch-Graffenstaden, Lingosheim, Strasbourg, Reims, Châlons-en- Champagne, Vandoeuvre-lès-Nancy, Laxou, Thionville, Montigny-lès-Metz, Forbach, Hayanges, Troyes, Verdun, Bar-le-Duc, Saint-Dizier) n’ont pas fait évoluer leur taux de taxe foncière lors du mandat municipal entre 2008 et 2014. Les quinze autres l’augmentent principalement en début ou au milieu de mandat. 

Source : data.gouv

« Politiquement ce n’est jamais bon d’augmenter les impôts. Les équipes municipales préfèrent toujours le faire en début de mandat plutôt qu’un ou deux ans avant les élections. », explique Raphaël Nisand. 

Pour la taxe d’habitation, le taux communal est également à peu près stable dans les trente plus grandes villes à l'exception de celles qui ont récupéré le taux départemental supprimé en 2011.

Une augmentation des taxes locales par la municipalité peut avoir différents rôles. Nathalie Pay, directrice des finances de Saint-Dizier déclare qu’un taux « peut être un levier pour donner des capacités d’endettement ou d’investissement ».

Des départements privés de taxe d’habitation mais qui augmentent la taxe foncière

Contrairement à la commune, le département peut librement fixer son taux de taxe foncière depuis la réforme de 2009. Il fixe ce taux en fonction du produit fiscal nécessaire à l’équilibre de son budget, ce qui explique pourquoi certains proposent un taux beaucoup plus important que d’autres.

On note toutefois une augmentation générale de la part départementale en 2011. Une hausse que Ludovic Sauvage, responsable du service Finances de la Haute- Marne, justifie: « La part régionale de la taxe foncière sur les propriétés bâties a été intégralement affectée au bloc départemental. Pour le contribuable, il s’agit donc d’une opération neutre. »

Une opération pas si neutre que ça si on regarde les chiffres de plus près. Le taux départemental n'a pas fait qu'absorber le taux régional. Pour exemple, en Haute-Marne celui-ci a augmenté de 5,89 points alors que le taux régional était de 3,63%. Selon Ludovic Sauvage cette différence de 2,26 points correspond « au transfert de recettes de l’Etat au titre des frais de gestions vers le département ».

Cette augmentation s’observe également dans tous les départements de la région. 

Source : data.gouv

Les départements ont opéré une légère hausse de la taxe d’habitation jusqu’en 2010 avant que leur part soit affectée aux municipalités mais surtout aux intercommunalités dont le poids augmente sensiblement. 

Source : data.gouv

La percée des intercommunalités

Les intercommunalités ont pris de plus en plus de place dans le paysage fiscal des collectivités locales depuis 2010. Si leur part dans la taxe d’habitation progresse lentement, celle dans la taxe foncière a pris une nouvelle dimension. Une nouvelle couche de collectivités locales qui favorise l’augmentation des taxes selon l’avocat fiscaliste Maître Droulez : « Il y a un partage et une lutte sur la répartition des taxes, ce qui explique une hausse de celles-ci. » Une situation que le gouvernement espérait régler lors de la réforme régionale en 2014 en rapprochant département et intercommunalités. « En matière de structure d’entité territoriale, j’estime qu’en ce moment on ne remplace pas mais on ajoute », continue-t-il d’analyser. Certaines municipalités comme Verdun ont par exemple un taux communal très bas (3,84% en 2014) mais un taux intercommunal élevé (22,42%). Tout dépend de la répartition des charges entre les deux entités.

Si aujourd’hui les collectivités locales se plaignent de la baisse des dotations de l'Etat, celle-ci n'était pas encore entrée en vigueur lors de cette période. Entre 2008 et 2014 la dotation générale de fonctionnement que l’Etat versait aux collectivités locales est passée de 40 milliards à 40,1 milliards.

Alexis Boisselier, Alexis De Azevedo, Maxime Maréchal, Donovan Thiébaud

Crédit Photo : TheDigitalWay / Pixabay

 

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