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Les zones urbaines du Grand Est concentrent les revenus, tandis que les zones rurales comptent en priorité sur l’imposition. Le risque pour ces communes : tomber dans un cercle vicieux qui ne ferait que diminuer leur attractivité.

Les revenus médians disponibles par unité de consommation en 2012 (source insee 2015). Infographie : Peter Eßer

Au sein du Grand Est, la séparation économique entre les communes les plus riches et les plus pauvres est nette. Les plus hauts revenus se concentrent en Alsace, au niveau du sillon mosellan et autour de Reims. Les populations aux revenus les plus bas, elles, se trouvent dans le « fer à cheval du vide » qui va des Ardennes à la Haute Marne, en passant par les Vosges et la Moselle-Est. La métropolisation des richesses est visible sur la carte.

Pour autant, les zones les moins riches ne sont pas les moins imposées, pas plus que les poches de richesse ne sont les plus taxées. Dans les Vosges, les Ardennes, et la Haute-Marne, où la pauvreté en milieu rural est plus élevée que la moyenne régionale (14%), les taux d'imposition sont plus importants que dans les départements les plus riches, comme le Bas-Rhin ou la Meurthe-et-Moselle. Les zones urbaines ont globalement des taux d'imposition plus faibles que les zones rurales. Néanmoins cela ne veut pas dire qu'en absolu les plus riches paient moins que les plus pauvres. Les taux d'imposition n'offrent qu'une vision relative de ce que rapportent les impôts en réalité.

Des départements forcés de compenser par l'impôt

Les départements du Grand Est les moins pourvus économiquement (Ardennes, Aube, Vosges, Meuse et Haute-Marne) ont des taux d'imposition locaux plus élevés que les zones attractives de la grande région. Ces communes ont besoin de compenser un défaut de richesse par l'imposition. C'est le cas à Revin (Ardennes), près de la frontière belge. Dans cette ville de 6 000 habitants, « le fort taux de taxe d'habitation (29,62%) est lié à la structure des logements, explique Alain Comandini, le directeur général des services. La valeur locative est faible donc nous compensons par un taux élevé. Avant, la ville était industrielle et la taxe professionnelle représentait 60 % du budget de la commune. Aujourd'hui, nous n'avons plus que les impôts locaux pour équilibrer les comptes. » C'est la seule variable d'ajustement des budgets, par ailleurs complétée par les dotations de l’État.

Mais de forts taux de taxe d'habitation ne sont pas forcément synonymes d'une hausse des rentrées fiscales pour les communes. A Revin, qui a perdu la moitié de ses habitants du fait du déclin industriel ces deux dernières décennies, la faible valeur locative s'ajoute à un faible niveau de revenu. « L'année dernière nous avons augmenté les impôts de 10 % et ça ne nous a rapporté que 15 000 euros », constate amèrement la mairie.

Moins les communes comptent d'entreprises, d'emplois et d'habitants, plus elles doivent compenser ce manque à gagner par la fiscalité sur les ménages. Les zones les plus sombres sur la carte représentent les hausses de taux les plus conséquentes entre 2003 et 2012.

 

L’évolution des taux d’imposition de la taxe d’habitation entre 2003 et 2012 (source insee 2015). Infographie : Peter Eßer

On peut clairement voir que les augmentations les plus importantes de la taxe d’habitation ont eu lieu dans les espaces les moins dynamiques. Pour Ludovic Sauvage, responsable du service finances du département de la Haute-Marne, ces disparités entre les départements dans les taux de taxe d'habitation s'expliquent par « l’inégale répartition des richesses entre territoires ». 

Et le fonctionnaire de préciser « la Haute-Marne dispose de base d’imposition parmi les plus faibles de France (NDLR : territoire rural peu dynamique perdant des habitants) contrairement au Bas-Rhin. Cela ne veut pas dire pour autant que le contribuable haut-marnais est plus imposé que celui du Bas-Rhin puisque un taux plus élevé s’applique sur une base locative beaucoup plus faible, ce qui au final égalise la situation . » Le contribuable haut-marnais est même plutôt moins imposé que la moyenne nationale.

Dans les zones moins attractives, le risque pour les municipalités est d'entrer dans un cercle vicieux en augmentant les taux d'imposition pour compenser le manque de revenus. Cette augmentation peut limiter l'arrivée de nouveaux habitants, refroidis par l'imposition, voire même faire partir les habitants déjà installés et ainsi perdre des recettes. La carte ci-dessous montre les cotisations moyennes de taxe d'habitation des ménages dans les communes du Grand Est. Les zones les plus foncées représentent les communes avec le plus de recettes.

La participation aux recettes des communes issues de la taxe d’habitation par ménage en 2012 (source insee 2015). Infographie : Peter Eßer

On peut distinguer deux types de zones où les perceptions par ménage sont très élevées : d'un côté les territoires à forts revenus (zones frontalières, aire urbaines etc.). De l'autre, les zones plutôt rurales et économiquement moins développées (surtout les Vosges et l'Aube). Les communes riches peuvent se permettre de prélever de fortes taxes, tandis qu'un élu dans les Vosges n'a pas d'autres choix pour alimenter le budget municipal.

Dans le Sundgau, Neuwiller est une commune où le revenu médian des habitants est élevé (36 541 euros par personne et par an) alors que l'économie locale est peu dynamique. Ceci est dû à la proximité de la ville suisse de Bâle, pôle important d'attractivité. « Nous avons 589 habitants à Neuwiller, donc peu de création de richesse à part celle des foyers, précise Déborah Goetschy, du service comptabilité. L'indice des revenus médians n'est pas l’élément central dans l'élaboration du budget, même s’il est pris en compte. Le maire sera moins gêné pour augmenter les taxes car la capacité de paiement existe. » Les taux des impôts locaux sont donc plus en lien avec la « pauvreté » de la commune que celle de ses habitants.

Anna Manceron, Benoit Collet, Guillaume Reuge, Joris Bolomey, Peter Eßer

Crédit photo : EllaBaras/Pixabay

 

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