Pistes cyclables manquantes, piétons, voitures, camions... Les obstacles sont nombreux pour les cyclistes sur la route de Bischwiller. La preuve en images.
Rentable ou non, le quotidien de “chef” est harassant. “On ouvre à 10h30-11h, puis on ferme à minuit tous les jours. On travaille sept jours sur sept, avec un seul jour de congé”, soupire Sultan. Une plage horaire conséquente difficile à gérer pour des entreprises dont l’effectif se résume souvent à l’entourage familial.
Un couple d'immigrés azerbaïdjanais a ouvert le Kavkaz il y a treize ans car il ne trouvait pas de travail pour nourrir ses enfants. Depuis, les dettes s’accumulent pour cet ex-policier et cette ex-professeure des universités reconvertis dans la restauration depuis leur arrivée en France.
Chez Ali Baba, Mehmet a quitté son job à l'usine pour le döner dans l’espoir de gagner plus parce que sa femme était tombée enceinte. Patron de son enseigne depuis quatre ans, il concède : “Ce boulot, je ne veux pas le faire toute ma vie.”
Certains snacks comme le Star Express et l’Assado Grill misent quant à eux sur la qualité et continuent d’assembler leurs broches eux-mêmes. La viande, qui provient de boucheries régionales, est plus savoureuse et moins sèche que celles des döners industriels. Mais c'est un choix plus coûteux et chronophage, la viande devant être assemblée tous les matins dès 10h. Un effort qui permet néanmoins de conquérir des palais plus exigeants, comme ceux des employés de bureau et de mairie.
Pour compléter leurs revenus, certains kébabiers vendent des produits d'épicerie, de l’alcool… et flirtent parfois avec l’illégalité, en proposant des cigarettes à des prix défiant toute concurrence. Une vente sous le manteau connue dans le quartier grâce au bouche à oreille. “C’est 4,50 euros le paquet ou 50 centimes la cigarette”, sait Prescillia, 18 ans.
Se démarquer pour exister
La priorité pour les “chefs”, comme ils sont appelés par leur clientèle, est de créer des “habitués”, gages de rentabilité. Le midi, la cible, ce sont les travailleurs : les ouvriers des nombreux chantiers de la route de Bischwiller et les employés de bureau. “Pour fidéliser il faut être commerçant. Il y a souvent des gars du bâtiment le midi, à force de discuter ils reviennent toujours même s'ils sont un peu loin. Le soir, j’ai surtout des habitants du quartier”, explique Mehmet.
Dans cette course aux clients réguliers, le choix des consommateurs repose sur un lien affectif entre le “chef” et son client. “Je viens toujours ici parce que c'est mon pote !”, confirme Issa, 25 ans, un habitué du Ali Baba.
La concurrence est forte entre les différents établissements, comme l’explique Sultan, 35 ans, salariée du Star Express : “Le Doy Doy s’est installé à 50 mètres en janvier, ça nous marque, ça reste de la concurrence.” Mehmet*, gérant du Ali Baba, est lui aussi inquiet pour l’avenir de son snack : “Depuis que j’ai racheté le restaurant il y a quatre ans, j’ai vu cinq ou six kebabs s’installer. Je suis sûr qu’il y en aura autant en plus dans quatre ans.”
À cette adversité s’ajoute un désintérêt croissant des jeunes. Les élèves du lycée Aristide-Briand de Schiltigheim semblent préférer les burgers du géant McDonald's de l'avenue Pierre-Mendès-France. Face à cette clientèle versatile, les patrons de snack sont obligés de se démarquer pour exister.
Une devanture usée avec un rideau de fer baissé. Passé le panneau d’entrée de ville, le Mya, première enseigne de Bischheim, n'aura pas résisté longtemps à la concurrence en matière de fast-food sur la route de Bischwiller. En face, se dressent une franchise Domino's Pizza et le PizzAlanya, une pizzeria-kebab qui propose une large carte : pizzas, kebabs, pide [des pizzas turques], pâtes, tartes flambées, grillades, etc. Une stratégie de diversification à laquelle peu échappent sur cet axe.
En seulement 750 mètres, huit kebabs et quatre pizzerias se succèdent. Les fast-foods grignotent progressivement les surfaces commerciales locales. “On a remplacé notre boucherie par un kebab, notre papeterie par un tacos”, déplore Bertrand, un boulanger du quartier. Et lorsqu’un kebab ferme, il laisse la place à un nouveau : le Doy Doy a succédé au Yok Yok en janvier 2020.