Dans le Bas-Rhin, de nombreux bénévoles se sont mobilisés. Une entraide plurielle qui a dépassé toutes les attentes. A Haguenau, des centaines d’habitants ont joint leurs efforts à ceux de la ville.
Une fois par semaine depuis le confinement, Isabelle Gaulmin, 28 ans, effectue des courses alimentaires pour Angèle, 88 ans, qui vit seule et sans parent à proximité. Moins d’un kilomètre sépare cette employée d’une entreprise pharmaceutique du domicile de l’octogénaire. Elle y récupère sa liste de courses, avant de revenir les bras chargés. "Avec mes grands-parents, je me suis rendue compte que des personnes autonomes peuvent se retrouver en situation de dépendance", souligne la Haguenovienne. "Dès le début de la pandémie, je me suis demandée comment aider."
Les deux femmes ne se connaissaient pas. C’est le registre solidaire de Haguenau qui les a mises en relation. Dès la deuxième semaine du confinement, la municipalité bas-rhinoise a en effet décidé de s’inspirer d’un dispositif déjà utilisé lors des périodes de canicule ou de grand froid. "On a tout de suite porté une attention particulière aux plus vulnérables : les personnes âgées, handicapées ou isolées, en mettant en place un système pour les courses ou les médicaments", expose Mireille Illat, adjointe sortante aux solidarités. En tout, une centaine d’habitants ont signé une convention de bénévolat auprès du Centre communal d’action sociale (CCAS) pour aider 90 personnes.
Donner du sens à cette période
Un engagement "évident" pour Stéphanie Ledoux, professeure d’anglais de 53 ans : "Je me suis dit que si tout le monde agissait, ça donnait du sens à cette période hors-norme." Fin mars, le CCAS la contacte pour aider une dame d’origine malgache, de plus de 80 ans. "Ça ne s’arrête pas uniquement à 'je fais vos courses, je vous les dépose et au revoir'", explique la Haguenovienne. Même si elle passera prochainement la main à une autre bénévole, par manque de disponibilité, elle en tire une leçon : "Ça m’a confirmé que c’est le genre de démarche qui m’interpelle et m’intéresse."
"On ressort grandie et humble", confie de son côté Isabelle Gaulmin, parce qu’au fil des jours, une relation de confiance et une complicité se créent. Elle qui restait au départ devant la porte d’Angèle, a fini par "déballer les courses ou réparer sa table basse".
Face à tant de bonnes volontés, l’adjointe Mireille Illat souhaite que soit mise en place, durant ce nouveau mandat, une "bourse du bénévolat" sous la forme d’un site internet. Avec cette plateforme, l’élue espère "permettre aux associations de signifier leurs besoins et aux personnes qui ont envie d’agir, de s’engager, de manière pérenne ou plus ponctuelle". En attendant, des trésors d’entraide ont émergé à Haguenau : paniers de fruits et légumes offerts aux auxiliaires de vie, dons des entreprises locales au personnel soignant, atelier des couturiers.
Ce dernier projet a permis la confection bénévole de 30 000 masques, en un peu plus de six semaines.
Ensemble pour protéger les autres
L'idée a germé dans la tête de Marie-Christine Staedel, fille de commerçants, qui a elle-même tenu pendant seize ans une boutique de nutrition et bien-être. L’attention à l’autre, c’est ce qui a poussé cette native d’Alsace du Nord à s’essayer à la fabrication de masques en tissu lorsqu’une cliente lui a demandé où s’en procurer. Marie-Christine Staedel contacte la mairie qui lui met à disposition la Salle des corporations, où elle va monter cet atelier.
En quelques jours, 250 bénévoles se présentent, des appels aux dons de tissus sont lancés, la chaîne de production est organisée : couture, découpe et repassage. Des kits sont aussi disponibles pour ceux mobilisés à domicile. Les masques pour enfants et adultes sont ensuite distribués par des bénévoles, dans les boîtes aux lettres, aux Haguenoviens qui les ont commandés.
"Une grande fierté"
Cet atelier incarne avant tout une aventure collective, un condensé d’humanité et de solidarité. "Certains me disaient n’avoir jamais vécu quelque chose de pareil", s’enorgueillit Marie-Christine Staedel. Face à un confinement inédit, se retrouver pour aider les autres a rendu les choses plus faciles à vivre. "Tous les jours j’ai été dans cette salle, je voyais du monde, on s’est même fait des amis. C’était une grande fierté, je n’avais jamais fait de bénévolat auparavant", témoigne Armelle Amouroux, 79 ans, couturière de métier. La retraitée s’est promis de ne pas perdre le fil. Cet été, elle participera au grand barbecue qui se prépare déjà.
Lucie Caillieret
Achraf El Barhrassi