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Loi sur la restauration de la nature : des mesures en demi-teinte


29 février 2024

Mardi 27 février, les eurodéputés ont adopté une loi sur la restauration de la nature. Malgré une forte opposition de la droite, le Parlement a finalement entériné ce volet phare du Pacte vert européen. 

La loi sur la restauration de la nature a été adoptée de justesse le mardi 27 février au Parlement européen, à Strasbourg. Une victoire pour la gauche et les Verts. Cette nouvelle législation est un des piliers du Pacte vert européen, qui vise la neutralité carbone du continent à l'horizon 2050. Les États membres devront restaurer au moins 30 % des habitats en mauvais état d’ici à 2030, 40 % d’ici à 2040 et 80 % en 2050.

À chaque habitat sa solution 

Pour atteindre les objectifs du Pacte vert, la loi prévoit une série de mesures pour les différents habitats. Les forêts européennes devront faire l’objet d’un plan de reboisement massif avec des espèces résilientes aux aléas climatiques. En zone urbaine, l’augmentation du nombre d'espaces verts devra permettre d’améliorer la qualité des sols.

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César Luena (S&D, sociaux-démocrates), rapporteur sur loi, répond aux questions des journalistes après le vote du 27 février. © Liza Hervy-Marquer

En ce qui concerne les zones humides, 30 % des tourbières exploitées à des fins agricoles devront être restaurées, dont un quart par réhumidification. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), leur assèchement est responsable de 5 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne.

Les eurodéputés de droite et d’extrême-droite ont vivement critiqué ces mesures, estimant qu’elles mettaient en péril la sécurité alimentaire de l’Europe en pénalisant le monde agricole. Selon eux, cela ne ferait qu'alourdir la charge administrative des agriculteurs, dans un contexte de crise du secteur. 

Les intenses négociations de la droite

Afin de répondre aux inquiétudes de la droite et du monde agricole, des concessions majeures ont été faites. La notion de « sécurité alimentaire » a été ajoutée à l’article premier de la loi. Concrètement, si la Commission européenne observe une augmentation des prix alimentaires due à des projets de restauration des écosystèmes, elle pourra alors suspendre l’obligation de résultats des zones agricoles pendant une période donnée, et ce, y compris pour ce qui est de la remise en eau des tourbières.

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L'eurodéputée Jutta Paulus (Les Verts, écologistes) se réjouit de l'adoption de la loi, le 27 février, par le Parlement européen. © Liza Hervy-Marquer

L’autre point négocié est celui d’axer la loi « sur les moyens et non pas sur les résultats », pour reprendre les mots de César Luena (S&D, sociaux-démocrates). L’objectif est de valoriser les projets allant dans le sens d’une protection et d’une restauration de la nature sans pénaliser les États en cas d’échec. L’eurodéputé espagnol a d’ailleurs assuré que la mise en œuvre de ces objectifs se fera avec la participation de tous les secteurs concernés, entre autres pour respecter les besoins du secteur primaire.

Une loi qui ne met personne d'accord

Mais pour certains eurodéputés de droite, ce n’est pas suffisant. « Ce vote est le résultat d'une vision totalement hors-sol, déconnectée des réalités vécues par les agriculteurs et agricultrices. Les eurodéputés de gauche, les Verts et les macronistes leur répondent par plus de normes et de complexité », a déclaré l’eurodéputée française Anne Sander (PPE, droite). À l’inverse, Camille Bourguin, militante de Friends of the Earth Europe, estime que le PPE ne fait que « suivre les arguments des gros lobbies industriels, qui ne représentent pas les agriculteurs », avant de poursuivre en affirmant que « les agriculteurs, eux, veulent bien de cette transition ».

Pour les partisans de la loi, cette victoire est donc teintée d’amertume. Si elle se félicite de son adoption, l'eurodéputée Jutta Paulus (Les Verts, écologistes) alerte sur les limites des ajouts impulsés par la droite parlementaire. Elle s'inquiète particulièrement des répercussions de l’article 22. Celui-ci permet aux États de réclamer une dérogation en cas de « circonstances économiques exceptionnelles ». Sa formulation reste floue et laisse une large marge d'interprétation. « Le risque, c'est que les États abusent de cette flexibilité et trouvent des raisons de ne pas produire les résultats attendus. »

Les États membres ont désormais deux ans pour soumettre leur plan d’action en matière de restauration de la nature à la Commission européenne. Celle-ci évaluera ces programmes et supervisera leur application. Une fois validés, ils seront transposés dans le droit national de chaque État.

Athénaïs Cornette et Liza Hervy-Marquer

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