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« Ils savent que le gouvernement les regarde  »

Alors que les Frères musulmans étaient plutôt en perte de vitesse, ils pourraient aujourd’hui capter une partie de la solidarité des Jordaniens avec le Hamas. « Ils retrouvent un peu du poil de la bête mais ils savent que le gouvernement les regarde », explique Jalal Al Husseini, chercheur associé à l’Institut français du Proche-Orient, basé à Amman.

« La seule ressource en Jordanie, c’est la stabilité », affirme l’universitaire. Le pays dépend du soutien américain et européen. Pour ces puissances, la Jordanie représente un partenaire fiable dans la région, quelque 3 000 soldats américains y sont stationnés. En 2022, le montant des aides internationales représentait 4,4 milliards de dollars, environ un tiers du budget de l’État.

En mars, les forces de l’ordre hachémites ont saisi des fusils d’assaut, des explosifs et des roquettes destinées à une cellule jordanienne proche du Hamas, selon Reuters. Des membres des Frères musulmans jordaniens ont été arrêtés avec des armes ; la direction du mouvement réfute les soutenir. Le pouvoir royal peut redouter l’influence des Frères musulmans dans le pays pour sa stabilité, d’autant que les élections législatives du 10 septembre 2024 représentent une occasion pour eux de montrer leur importance.

Premier parti d’opposition

Si les islamistes du FAI peuvent donner le ton dans une manifestation de 750 personnes, c’est qu’ils ont de l’influence dans le pays. C’est la seule organisation structurée, avec des militants, capable de mobiliser une importante base électorale dans cette monarchie parlementaire, plus monarchie que parlementaire. Ahmed Saleh Albis était dans la manifestation : « C’est le minimum que l’on puisse faire. » Quinquagénaire, patron d’une usine d’engrais,  il est un électeur régulier du Front. « Ils sont les plus honnêtes, je vois leurs actions sur le terrain. Au parlement, ils interviennent, ne se laissent pas faire. Les autres députés font juste ce que le gouvernement leur dit. »

Le FAI mobilise même au-delà de son camp. Athée, « marxiste-léniniste », Abdallah Salameh n’hésite pas à s’identifier au combat du Hamas contre Israël. « Chaque fusil pointé contre l’occupation est dans mon camp. » En Jordanie, son parti d’inspiration communiste organise les manifestations avec le FAI, quitte à taire ses convictions. « Dans le mouvement de solidarité, ce n’est pas le moment de défendre mes idées progressistes. On va aux manifestations et on fait ce qu’on a à faire. »

Premier parti d’opposition

Si les islamistes du FAI peuvent donner le ton dans une manifestation de 750 personnes, c’est qu’ils ont de l’influence dans le pays. C’est la seule organisation structurée, avec des militants, capable de mobiliser une importante base électorale dans cette monarchie parlementaire, plus monarchie que parlementaire. Ahmed Saleh Albis était dans la manifestation : « C’est le minimum que l’on puisse faire. » Quinquagénaire, patron d’une usine d’engrais,  il est un électeur régulier du Front. « Ils sont les plus honnêtes, je vois leurs actions sur le terrain. Au parlement, ils interviennent, ne se laissent pas faire. Les autres députés font juste ce que le gouvernement leur dit. »

Le FAI mobilise même au-delà de son camp. Athée, « marxiste-léniniste », Abdallah Salameh n’hésite pas à s’identifier au combat du Hamas contre Israël. « Chaque fusil pointé contre l’occupation est dans mon camp. » En Jordanie, son parti d’inspiration communiste organise les manifestations avec le FAI, quitte à taire ses convictions. « Dans le mouvement de solidarité, ce n’est pas le moment de défendre mes idées progressistes. On va aux manifestations et on fait ce qu’on a à faire. »

 

« L’humour est une manière de s’engager aussi »

Au-delà des frontières, cette solidarité avec le peuple palestinien s’explique par une histoire que les deux pays partagent depuis la Nakba en 1948. Après avoir été forcés à l’exil au moment de la création d’Israël, nombreux sont les Palestiniens à avoir trouvé refuge de l’autre côté du Jourdain. Aujourd’hui, deux tiers des Jordaniens sont d’origine palestinienne.

Un plat en lui-même

Au coin d’une rue calme du quartier de Weibdeh, on tombe sur une boulangerie familiale, Firas Al-Jawah. Ici, le zaatar désigne une sorte de pain. Walid passe commande à Hamdi, âgé de 19 ans, qui maîtrise d’une main de maître la confection de ces mana'iche. Un met inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco depuis décembre 2023 qu’on assaisonne le plus souvent d’huile d’olive et de ce fameux mélange d’épices. « Je vais te prendre deux zaatar et deux fromage », demande-t-il au jeune boulanger. Avec son père et son frère aîné, Hamdi gère la petite boulangerie où une variété de pains traditionnels arabes sont vendus. Si à l’arrière on prépare la pâte, faite à base d’eau, de farine, de semoule, de lait et de sel, Hamdi s’occupe d’étaler l’huile d’olive et, évidemment, le mélange d’épices. « En Jordanie, comme d’autres pays voisins, c’est un produit très peu cher, que l’on trouve partout, dans les furn, [fours en libanais] », précise Walid avant d’ajouter que « traditionnellement, ces sortes de fines pizzas assaisonnées au thym se dégustent au petit-déjeuner, même si on peut en manger à tout moment de la journée ».

Starbucks, mais aussi Coca-Cola, H&M, Pampers, Nestlé, Carrefour, Axa… Des centaines de marques occidentales dans le secteur de l’alimentaire, de la banque ou du prêt-à-porter sont touchées. Dans les rues de la capitale, des affiches appelant au boycott sont collées sur les murs. Et à l’intérieur des frigos floqués Pepsi des petites épiceries, le Matrix, cola made in Jordan, a remplacé les sodas américains. Depuis le début du mouvement, le concurrent jordanien a doublé sa production. Une sorte de révolution : 95% de la population jordanienne affirme participer au boycott, selon un sondage du Centre d’études stratégiques paru en novembre 2023.

Matrix partout, Pepsi nulle part

« Nos chiffres de vente ont explosé. La plupart de nos clients étaient des amateurs de Starbucks avant », affirme Mohammed Bader, employé de BLK depuis neuf mois, en refermant le couvercle en plastique d’un pistaccio latte, une boisson phare de l’enseigne répudiée. « Starbucks, c’est terminé ! Plus jamais ! Je ne veux pas être solidaire de l’occupation israélienne. C’est un génocide et je refuse d’y participer », soutient Suhila, nouvelle cliente, le regard déterminé sous ses lunettes de soleil.

Instigué par le mouvement palestinien international Boycott, Divestment, Sanctions (BDS), lancé en 2005, il s’est implanté à partir de 2014 en Jordanie, date de la première invasion israélienne à Gaza. Il ne visait jusqu’ici que les produits israéliens. Dix ans plus tard, avec cette nouvelle guerre, Hamza Khader, figure locale de BDS, reconnaît : « Jamais le mouvement n’a pris une telle ampleur en Jordanie. » Et s’est étendu aux marques occidentales vues comme complices.

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