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Une étude en profondeur sur le zaatar
Impossible de s’arrêter à la dégustation. Il faut en savoir plus. « En fonction de la culture culinaire, chaque pays du Levant, chaque région, chaque famille possède sa propre recette », déclare Qais Malhas, jeune chef à la tête du restaurant Shams El Balad, basé à Amman, mêlant cuisine palestinienne et jordanienne. Depuis plusieurs années, il mène un travail de fond sur la diversité et l’identité culturelle de la cuisine arabe. Entre 2018 et 2019, le chef a rassemblé plus de 70 personnes au sein de son food lab, soit « laboratoire alimentaire », pour élucider les secrets du zaatar. Au bout, une étude qui explore la question de A à Z. Ils ont pris le temps d’analyser un grand nombre de mélanges et se sont rendu compte qu’en plus des ingrédients traditionnels certains y ajoutent du carvi, du cumin, des graines de fenouil ou encore de l’anis. « On s’est ensuite intéressé aux herbes de base qui entrent dans la composition du zaatar et on a constaté que la dénomination “thym” qu’on peut voir et entendre partout était en fait inexacte. Selon les territoires, la plante utilisée n’est pas la même. Même si l’origan reste la base commune. Tout est une question de contexte. » Dans son travail de recherche sur les origines du zaatar, il raconte également son exportation à travers le monde : « De la colonisation à la migration en passant par le commerce, il véhicule une grande variété de récits. C’est un fait, les peuples échangent depuis la nuit des temps. »
Réforme du système électoral favorable
Pendant des décennies, les Frères musulmans étaient les alliés du pouvoir royal pour combattre les partis soutenus par l’URSS. Depuis la victoire des islamistes aux élections de 1989 – les premières après la loi martiale – le mode de scrutin favorise largement les élus indépendants au détriment des partis. Encore aujourd’hui, c’est un réflexe pour beaucoup de voter pour un cousin, un voisin, quelqu’un de sa tribu. En échange, les électeurs attendent des élus qu’ils les aident dans la vie de tous les jours. C’est le cas de Samia : la chômeuse de 29 ans votera « pour quelqu’un qui le mérite, qui pourra m’aider avec les factures d’électricité par exemple ».
En 2022, le pouvoir royal nomme une commission pour moderniser la vie démocratique. Pression des puissances occidentales, volonté de réduire l’influence des tribus ou de pouvoir compter sur des partis pour encadrer la vie politique : l’assemblée issue du vote de septembre doit comporter au moins un tiers de représentants d’organisations politiques.
De nouveaux partis proches du pouvoir émergent alors, d’inspiration islamiste à centriste, ils existent pour capter une partie de ces sièges. L’électeur du FAI Ahmed Saleh Albis ne se fait pas d’illusion sur le résultat, « notre parti prendra des sièges, mais le gouvernement s’arrange pour qu’on en ait un nombre acceptable, pas plus ».
La Jordanie fourmille de sites archéologiques, comme la cité antique de Pétra. Mais le désintérêt local pour le patrimoine et le poids du tourisme nuisent à ces trésors historiques.
Des conséquences risquées pour l’emploi
« La vie doit continuer », commente Safa Makawi, presque euphorique à la sortie. Des mots lourds de sens après l’hibernation noire qu’a connue la Jordanie. Pendant plus de trois mois, tout s’est arrêté. Pas de festivités du nouvel an, plus de fêtes, plus d’événements. Le temps était au deuil. La soirée de Mo Amer devait d’ailleurs se tenir le 19 octobre avant d’être reportée au mois de mai. « J’ai trouvé ça normal. En octobre, personne n’avait la tête à rire, ni même à sortir, alors qu’il y a un génocide de l’autre côté de la frontière », affirme Ghaith Alansari qui a repris ses billets sept mois plus tard. « Le temps a passé. Il faut savoir s’offrir des parenthèses de temps en temps », justifie le Jordanien, lunettes de soleil en pleine nuit. Un discours encore inaudible pour une partie du royaume hachémite. Manal al Ali, 44 ans, est d’origine palestinienne, comme beaucoup ici. Amatrice de stand up, elle avait pris des places pour la première date et a choisi de se faire rembourser. « Depuis la guerre, trop de choses ont changé. Par respect pour mes proches, je ne peux pas sortir. Je pense qu’on a mieux à faire dans cette période que de se faire plaisir et de s’amuser », explique-t-elle. « On n’est pas plus utile si on reste chez nous en deuil toute la journée. L’humour est une manière de s’engager aussi », fustige Ghaith Alansari, fier de soutenir la Palestine avec son billet pour Mo Amer.
Ainsi, le boycott est autant une réaction de peur qu’« une force de libération qui a pour but de lutter contre toute tentative de normalisation d’Israël », résume celui qui a rejoint BDS en 2016. Pour lancer une campagne contre une marque, trois critères sont étudiés : « La marque est-elle directement impliquée dans la mort de Palestiniens, contribue-t-elle à l’économie israélienne et quelles sont les chances de succès d’un mouvement de boycott contre elle ? » liste Hamza Khader. Aucune hésitation par exemple concernant la marque de produits high-tech HP qui a fourni des ordinateurs à l’armée israélienne pendant une décennie, et qui participe donc « directement à l’occupation israélienne ». Mais au-delà des éventuels préjudices économiques, l’objectif, c’est surtout la diabolisation d'Israël, avec lequel le pouvoir jordanien a signé un traité de paix en 1994.
Alors, pour Hamza Khader, « boycotter est un instinct de survie ». D’autant que grandit la peur du « projet sioniste », explique-t-il en délimitant vaguement des frontières avec ses mains. La population s’inquiète des revendications territoriales de l’extrême-droite israélienne : le projet politique et religieux du « Grand Israël », terre promise qui déborderait sur le territoire jordanien. Lors d’une conférence à Paris en mars 2023, une carte présentant l'État hébreu incluant une partie de la Jordanie présentée par le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich avait déjà semé la panique. Le gouvernement jordanien avait immédiatement accusé Israël de violer les accords de paix.
Dans un dojo au cœur de la capitale, les casques et plastrons s’entassent sur le tatami. Quelques hommes s’échauffent bruyamment. Dans cet univers martial apparaît soudainement une frêle jeune femme. C’est à ses 8 ans que Julyana Al-Sadeq a goûté pour la première fois au combat. Incitée par son père, professeur de taekwondo à Amman, elle troque ses habits de gymnaste pour enfiler son premier dobok, la tenue portée par les taekwondoistes. « Je réussissais à battre les garçons mais on était des enfants, ça ne comptait pas vraiment », se remémore-t-elle.
Si aujourd’hui à 29 ans, elle peine encore à le reconnaître, Julyana Al-Sadeq impressionne déjà par son potentiel. Trois ans après avoir donné ses premiers coups, elle reçoit sa ceinture noire à l’âge de 10 ans. L’histoire aurait pu s’arrêter là car elle se blesse alors à la cheville et cesse de combattre pendant trois ans. Un éloignement que va rompre son frère aîné, Yazan Al-Sadeq, en devenant champion du monde junior. « Je me suis dit que si lui était champion du monde, je pourrais aussi l’être », se souvient Julyanna Al-Sadeq. Un an après son retour sur les tatamis, l’adolescente de 16 ans rejoint l’équipe nationale. Très vite, elle se fixe comme objectif de participer aux Jeux olympiques (JO) de 2016. Sans succès. « Ça a été très dur de l’accepter, j’étais incapable de penser à autre chose. Cet échec m’a beaucoup affectée mentalement », admet-elle. L’année suivante, le diagnostic tombe. Elle souffre d’hyperthyroïdie, un dérèglement hormonal qui peut avoir des conséquences sur l’énergie musculaire et le rythme cardiaque.
Une préparation mentale très précieuse
Déterminée à rebondir et à entamer un nouveau chapitre, Julyana Al-Sadeq opte pour un nouvel entraîneur, Faris Al-Assaf. L’homme est connu pour avoir coaché le taekwondoïste Ahmad Abughaush, devenu en 2016 le premier champion olympique du pays. Autre changement, la jeune femme entame une préparation mentale qu’elle estime très précieuse : « Cela a tout changé à ma façon de me battre. J’ai tellement progressé. »
Raïf, le patron des lieux – francophile et fan de Michel Platini – prend à son tour le temps de m’éclairer sur le temps de cuisson. « Tu la mets au four à 400 degrés pendant trente secondes et hadha kulu chay [le tour est joué] », expose-t-il avec son anglais bancal. Il continue en expliquant que pour profiter pleinement du goût des épices, rien de mieux qu’une pâte faite maison, y ajouter du zaatar et de l’huile d’olive, et enfourner le tout. Pour lui, pas question d’utiliser un autre type de zaatar que le palestinien. « C’est le meilleur », lance-t-il en sortant sa « pizza » du four. Je me permets de lui demander son secret pour obtenir la meilleure man'ouché. Il répond : « Quand j’étale la pâte, j’imprime mes doigts dedans pour que ça ne lève pas trop et pour l’épaisseur, je trouve un entre-deux pour ne pas qu’elle soit ni trop épaisse, ni trop fine. » Résultat : je repars avec une dizaine de parts emballées dans du cellophane. La puissance du zaatar se mêle parfaitement à cette sorte de pâte à pizza.
Puis, ça enchaîne. La première partie, Ghalia Twal, ne s’embarrasse pas de politesses, et en vient vite au sujet de la guerre. « Est-ce qu’il y a des étrangers dans la salle ? »