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Friche Fischer : la consultation publique est finie, les questions demeurent

29 septembre 2016

Au sud de Schiltigheim, l'imposante brasserie Fischer, aujourd'hui abandonnée, devrait connaître une nouvelle vie avec la création d'un vaste parc immobilier. Le cahier des charges a été défini entre le propriétaire du site, Heineken, et la mairie de Schiltigheim. Pour impliquer les habitants dans le projet, l'Eurométropole a engagé un processus de consultation citoyenne qui s'est terminé mercredi. Bilan.

 

Tout juste 120. C'est le nombre d'observations de citoyens qu'a collectées l'Eurométropole dans le cadre de la procédure de consultation publique relative à la reconversion de la friche Fischer. La procédure, lancée fin août, se terminait mercredi, avec une dernière permanence à la mairie de Schiltigheim. Les travaux sont censés finir en 2018 (voir la carte en fin d'article). Jacques Mehl, le commissaire enquêteur chargé de recueillir les observations, a reçu pendant deux heures les gens du quartier, qui arrivaient seuls ou par groupes, calmes ou plutôt remontés contre le projet. "Les inquiétudes des habitants à propos du programme immobilier peuvent se résumer à  la densité de population sur le secteur de l'entrée sud de Schiltigheim, au stationnement, à la conservation du patrimoine, à la complexité de la procédure et aux risques environnementaux", résume Jacques Mehl, expert immobilier à la retraite, mandaté par la préfecture pour jouer ce rôle de médiateur social.

 

"Depuis qu'on habite dans le quartier, ça n'arrête pas de construire. Rajouter des habitants ne fera qu'engorger encore plus des routes déjà saturées" - Aurélie, une riveraine

 

20160929-BC dsc01722.jpgAurélie et Mikaël habitent la rue de la Patrie depuis 16 ans.

 

Le plan d'occupation des sols, qui détaille le projet immobilier, prévoit la construction de 700 logements au sein de la friche Fischer. Le maire, Jean-Marie Kutner, a la volonté de faire venir 5000 habitants supplémentaires dans la commune, d'ici 2020. Cette densification fait peur aux habitants, qui craignent que Schiltigheim devienne "une ville dortoir", et surtout que l'augmentation de la population à l'entrée sud de la ville n'entraîne une dangereuse hausse de la pollution atmosphérique. Devant le commissaire-enquêteur, un couple qui habite à côté de la route de Bischwiller hausse le ton: "On en a déja assez de vivre entre deux routes et une autoroute. Et en plus de ça, vous voulez rajouter encore plus de circulation automobile?". Les études environnementales réalisées par l'Eurométropole à la friche Fischer révèlent des taux de particules fines dans l'air en-dessous du seuil de risque. Ce qui n'empêche pas les craintes: "J'ai peur que l'école prévue dans le projet soit trop proche de la route de Bischwiller", s'inquiète Marie, une institutrice d'une trentaine d'années, venue avec ses enfants.

 

"On n'aurait pas pu garder quelques galeries pour le patrimoine?" - Christiane, une riveraine

 

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 Christiane, habite rue d'Epernay, ses fenêtres donnent sur la brasserie Fischer. Elle est venue avec Emmanuelle, une collègue de travail.

 

Comme sous une bonne partie de la ville, le sous-sol de la brasserie Fischer grouille de souterrains et de caves, à l'origine destinés à stocker des pains de glace. Ils devraient être colmatés pour pouvoir construire des bâtiments qui ne s'effondrent pas. Certains considèrent qu'il s'agit du patrimoine brassicole de la ville et qu'il faut le proteger, comme Danielle Dambach, conseillère municipale et eurométropolitaine écologiste. Sur un ton léger, elle propose d'y installer des "bars et des karaokés". Partageant les mêmes inquiétudes que l'élue écologiste à propos de l'avenir de la friche, l'association de riverains Col Schik dénonce, lui, la destruction programmée de la villa Gruber, à l'est du site. Il est farouchement opposé au projet actuel, qui prévoit de conserver la malterie et le bâtiment sur lequel apparaît le logo de Fischer. Le reste sera détruit pour faire place aux logements, ainsi qu'à 130 commerces et à une école de 14 classes.

 

 

"Est-ce qu'on prend vraiment notre avis en compte?" - Marie, habitante à Schiltigheim

 

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Marie vit à Schiltigheim. Elle est arrivée avec le collectif Col Schik mais n'en fait pas partie, même si elle a l'air particulièrement opposée au projet.

 

Le projet de reconversion de la friche Fischer devait figurer dans le plan local d'urbanisme (PLU). Or, il est actuellement défini par un plan d'occupation des sols (POS). Marie suspecte la mairie d'utiliser une "finesse" du droit de l'urbanisme pour contourner la législation en place, notamment en matière environnementale, et pour accélerer la procédure: "Est ce qu'on se depêche de voter le POS pour passer outre le PLU?", demande rhétoriquement Marie au commissaire enquêteur. Danielle Dambach pense la même chose. "Jean-Marie Kutner veut aller vite, pour boucler le projet avant la fin de son mandat. Et Heineken, le propriétaire de la friche, veut aussi que le plan soit rapidement adopté."

 

Pour un projet d'une telle ampleur, la participation citoyenne n'est pas si élevée, relève finalement le commissaire enquêteur, qui a organisé cinq consultations publiques en un mois. Il écrira un rapport qui sera transmis à l'Eurométropole et à la mairie de Schiltigheim, qui décideront ou non de tenir compte des remarques. "Dans certains cas c'est pris en considération, dans d'autres cas, c'est zéro", juge-t-il. Et le dossier ne sera pas envoyé à Heineken, pourtant propriétaire du site. Une fois le plan d'occupation des sols voté, une nouvelle consultation publique sera organisée, d'ici un mois ou deux pour juger cette fois ci du permis d'aménagement. 

 

Un plan du futur site Fischer, avec les implantations prévues des logements, des commerces, et du patrimoine brassicole qui sera sauvegardé. Ce plan est temporaire, susceptible d'évoluer dans le temps.

 

 

Benoît Collet

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