Le spectacle du chorégraphe tunisien Radhouane El Meddeb, Au temps où les Arabes dansaient..., se joue ce mardi soir à Pôle Sud, à Strasbourg. Quatre hommes s'approprient les codes de la danse du ventre, traditionnellement féminine.
Le chorégraphe tunisien Radhouane El Meddeb fait danser des hommes du ventre (Photo: Laurine Personeni)
Aller voir ailleurs, sortir de ce qu'il sait faire, repousser les limites. Radhouane El Meddeb les repousse même jusqu'à la transgression avec son spectacle Au temps où les Arabes dansaient... Il parlait lundi soir à la librairie Quai des Brumes de Strasbourg.
Le chorégraphe tunisien met en scène quatre hommes dans une danse du ventre, traditionnellement réservée aux femmes. Ses quatre danseurs assument ainsi leur part de féminité dans chacun de leurs gestes, bousculant les conventions de la danse orientale. Il veut dénoncer "le rapport hypocrite qu'un homme arabe entretient avec les femmes. Il fait peur à sa femme, sa sœur ou ses filles mais il a peur de sa mère. La mère décide de tout". Pour Radhouane El Meddeb, le ventre est "l'épicentre" de son spectacle. "Tout sort de là", même sa manière de créer. il travaille avec les "tripes", à l'instinct, plus qu'avec la tête. "Rien n'est technique, c'est de l'invention, c'est artisanal. Je suis à l'écoute de mon intuition", explique celui qui aime raconter des anecdotes à ses danseurs pour les guider. "Le mouvement ne vient pas en premier, je parle avant".
Le passé comme refuge
Son spectacle, Au temps où les Arabes dansaient..., est une évocation d'un paradis perdu, la nostalgie d'une époque où "tout était permis, les femmes dansaient et fumaient sans contrainte dans les sociétés arabes", un hommage à l'âge d'or du cinéma égyptien. Ce passé est une sorte de refuge face au présent qui effraie Radhouane El Meddeb. "«Au temps où les Arabes dansaient...», c'est les révolutions arabes de 2011", s'écrie-t-il, ses bras dessinant des arabesques dans les airs. Cette nostalgie est étroitement liée à l'espoir né de ces événements, et plus particulièrement à la Tunisie, son pays natal. "L'idée de la forme de mon écriture est venue avec la grande manifestation à Tunis avenue Bourguiba (ndlr, lors de la révolution de jasmin en 2011). Voir les Tunisiens côte à côte manifester... C'était impossible avant, dans nos pays. Enfin, vous verrez ça dans le spectacle, je ne veux pas tout vous dévoiler", esquisse-t-il, malicieux.
Radhouane El Meddeb "essaie de raconter le monde en dansant". Très friand de la télévision et des journaux, il exprime son effarement lorsqu'il rencontre des danseurs totalement déconnectés de la réalité. Lui met un point d'honneur à se tenir informé. L'actualité tragique le rend pessimiste pour l'avenir, "aujourd'hui, on ne respecte quasiment rien". Radhouane El Meddeb raconte dans Au temps où les Arabes dansaient... des histoires nourries de l'Histoire.
Laurine Personeni