Vivement critiquée dans les médias et au Parlement, la promesse dans la loi du gouvernement de rehausser les petites pensions à 1200 euros fait grincer des dents jusque dans la rue.
Ils étaient entre 7000 et 16 000 à battre le pavé contre la réforme des retraites à Strasbourg, le 16 février. © Isalia Stieffatre
Le syndicats et manifestants strasbourgeois ont repris le pavé jeudi 16 février, pour cette cinquième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Avec un nouveau motif de mécontentement, qui vient s’ajouter à longue liste de doléances qui les opposent au gouvernement : la polémique récente autour des 1200 euros de pension minimum, promise par le l’exécutif et critiquée de toutes parts.
Dans les faits, le gouvernement entend agir sur le dispositif appelé minimum contributif (« mico » en abrégé) qui garantit aux petites retraites une pension minimum. La réforme doit rehausser ce mico de base ainsi que le « minimum contributif majoré » qui s’y ajoute en complémentaire, pour atteindre le vieil objectif de la loi de 2003. Celle-ci accordait à un salarié « un montant total de pension [...] au moins égal à 85% du smic ». Objectif qui n’a jamais réellement été atteint depuis.
Trop peu de bénéficiaires
Au sein du cortège strasbourgeois, sous les drapeaux et les fumigènes, lorsqu’on fait mention de ce « minimum de pension » promis par le gouvernement, le constat est sans appel : « il y a très, très peu de retraités qui vont bénéficier de ces 1200 euros », tempête Claudine, retraitée de la fonction publique aux cheveux grisonnants et grandes lunettes rondes. « Il faut avoir eu une carrière complète, au smic, à temps plein, donc ça ne concerne presque personne. Alors qu’ils ont dit que tout le monde allait l’avoir ! »
Dans ses dernières prises de parole, l’exécutif, par la voix de la Première ministre Elisabeth Borne, avait en effet laissé entendre que tous les retraités seraient concernés par cette hausse. Une déclaration qui a depuis été contestée par des économistes (l’intervention de Michael Zemmour au micro de Léa Salamé sur France Inter a abondamment été reprise par les réseaux sociaux et l’opposition) et plusieurs médias.
Pour bénéficier de la mesure, il faudrait avoir une carrière complète, le nombre requis de trimestres cotisés et une pension de base inférieure à 847 euros. Des caractéristiques qui ne concernent qu’une partie réduite des retraités actuels et retraités à venir. « On se sent arnaqués, le gouvernement se moque du monde », renchérit Claudine. Ils ont balancé cette histoire de 1200 euros en espérant qu’on n’aille pas chercher plus loin et qu’on les croie sur parole. Ils se moquent des gens ! »
Entre imprécisions et incompréhensions
La complexité de la mesure, associée à la communication évasive et imprécise du gouvernement, a déchainé les foudres de l’opposition, au Parlement comme dans la rue. Les voix qui s’élèvent pour la critiquer fustigent le flou entretenu, consciemment ou non, par l’exécutif autour des détails de la réforme. « C’est une fumisterie. Quand on décortique un peu, qu’on creuse un peu derrière, on se rend compte que c’est quelque chose qui est complètement vague, y’a rien », déplore Lucienne, en tête de cortège avec l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).
La mesure devrait néanmoins profiter à d’autres salariés, qui n’étaient jusque-là pas concernés par la loi de 2003. C’est notamment le cas de ceux aux carrières hachées, qui devraient bénéficier de la hausse du mico et donc voir leurs pensions augmenter – sans toutefois s’approcher des 1200 bruts promis par l’exécutif.
Chez les manifestants, cette distinction ne change pas grand-chose aux sentiments qu’on voue au gouvernement. Pour les métallurgistes membres de la CGT, en cœur de cortège, « c’est une cale, comme on dit dans le milieu. Ça ne vaut rien. » Cette histoire de 1200 euros n’est qu’une raison de plus de continuer à pousser pour le retrait de la réforme.
Isalia Stieffatre