Alors que les musées sont fermés depuis le 31 octobre dernier, elles sont les rares lieux culturels encore ouverts. À Strasbourg, cette quasi exclusivité semble pourtant peu profiter aux galeristes.
Personne n'est épargné par la crise sanitaire, et certainement pas les lieux de culture. Parmi eux, les galeries d'art souffrent des dernières mesures mises en place par le gouvernement. Fermés depuis le 30 octobre dernier, les musées, au même titre que les cinémas et les théâtres, avaient espéré une réouverture pour la mi-décembre, puis la fin janvier... en vain. Le 2 février, la présidente du Palais de Tokyo, Emma Lavigne, a déploré la détresse du secteur en publiant une pétition afin que la ministre de la culture lève le confinement des centres d'art.
Les galeries d'art, qui n'ont, elles, fermé leurs portes que pendant le premier confinement, semblent faire figure d'exception dans un milieu culturel à l'arrêt. Devenues l'ultime refuge de l'art et de la culture, la situation ne leur profite pourtant pas tant que ça selon des galeristes strasbourgeois.
La crise sanitaire a entraîné une baisse de fréquentation pour la galerie strasbourgeoise l'Estampe. © Marion Henriet
Sur le quai des Bateliers, c'est le calme plat à la galerie l'Estampe. Danièle Weber, assistante de direction, a le temps de discuter. "D'habitude pendant les congés on a du monde, note-t-elle. Mais là c'est calme : on n'a plus de tourisme de patrimoine, seulement du tourisme local." Des visiteurs locaux qui ne sont eux-mêmes pas nombreux. "C'est difficile pour nous de nous démarquer en ce moment, regrette la galeriste. On ne peut pas organiser de vernissages ou d'autres événements pour lesquels on communique. Là ce qu'il nous reste c'est notre fichier client."
"Avec le couvre-feu à 18 heures, même les locaux n'ont plus le temps de venir"
Derrière la cathédrale Notre Dame, le gérant de la galerie Zee-art fait un constat similaire. "C'est compliqué depuis qu'on a commencé à avoir des restrictions, et à chaque nouvelle restriction c'est plus compliqué, explique Toufik Zekhnini. Avant on avait énormément de touristes, dont beaucoup d'Américains qui étaient prêts à acheter." Le gérant estime à 50% la baisse de son chiffre d'affaire sur l'année 2019. Et maintenant, avec le couvre-feu à 18 heures, même les locaux n'ont plus le temps de venir, selon le galeriste. "A 17 heures ils pensent déjà aux enfants, à acheter le pain, à l'essentiel. Ils n'ont pas le temps de faire autre chose."
Toufik Zekhnini regrette l'absence de ses clients parisiens dans sa galerie Zee-art. © Marion Henriet
Une réalité à laquelle est également confrontée la galerie d'Hippolyte Decorde, basée à côté du Musée d'art moderne et contemporain. "Cet été on a perdu les touristes qui viennent beaucoup des Etats-Unis, d'Allemagne, commence-t-il. Et maintenant les locaux rentrent tout de suite chez eux en quittant le travail donc forcément on enregistre une petite baisse de fréquentation", déplore-t-il. En revanche, selon ce passionné d'art, le couvre-feu a au moins eu le mérite de changer la nature des visites en mieux. « On a moins de visites mais elles sont plus qualitatives, se réjouit-il. Quand les gens viennent il y a plus d'engagement, ils prennent le temps comme il n'y a pas d'autres occupations." Un enthousiasme dont le livre d'or exposé à l'entrée de la galerie témoigne.
Danièle Weber et Toufik Zekhnini s'étonnent finalement qu'on puisse s'imaginer un report massif du public des musées vers leurs expositions. "Nous n'avons pas une fréquentation plus importante depuis la fermeture des musées, assure Toufik Zekhinini. Les gens qui fréquentent les musées et les théâtres ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui fréquentent les galeries. Nos clients s'intéressent à l'achat, comme dans les magasins de vêtements. Au musée on s'intéresse à la contemplation." Si la situation reste difficile pour les galeristes, Danièle Weber relativise : "Ce n'est pas facile mais on est contents d'être ouvert malgré tout."
Marion Henriet