Malgré une rencontre avec la direction le mardi 4 février, les étudiants de Sciences Po Strasbourg poursuivent leur mobilisation contre le partenariat avec l’université Reichman. Face à une réponse jugée insuffisante, le blocage est reconduit.
Cinq étudiants ont été choisis pour discuter avec la direction du partenariat entre l’école et l’université israélienne Reichman. © Paul Ripert
"Si jamais à 18 heures on n'est pas sorti, appelez quelqu’un." Il est 10 heures et demie ce mardi 4 février, et cinq étudiants de Sciences Po Strasbourg rentrent dans le Cardo, le grand bâtiment noir et or de l’école. Ils ont été choisis pour aller discuter avec la direction du partenariat entre l’école et l’université israélienne Reichman. Un sujet qui empoisonne la relation entre la direction et les étudiants, mobilisés depuis six mois sur le sujet et qui ont commencé à bloquer l’établissement la semaine dernière. Actuellement, Sciences Po Strasbourg est fermé et les cours sont dispensés en ligne.
Une quarantaine d’étudiants se sont réunis dans le froid, partageant café et pains au chocolat. Beaucoup sont présents chaque jour depuis plus d’une semaine, et tous gardent en tête les événements de vendredi dernier, où les CRS sont venus déloger des étudiants réunis dans l'amphithéâtre principal du bâtiment. "Nous étions en train de donner une formation sur la gestion de l’eau à Gaza, pour montrer la colonisation israélienne qui s’y déroule, et à ce moment-là, les CRS sont entrés pour nous déloger, raconte Rosa, étudiante à Sciences Po Strasbourg. C’est une image forte qui veut tout dire."
Des revendications non entendues
Les revendications des étudiants strasbourgeois portent sur trois points : la fin du partenariat avec l’université Reichman sans conditions, la fin de la répression étudiante et la création d’un comité éthique qui examine les partenariats. D’autant qu’en juin 2024, l’école avait déjà voté la fin du partenariat avec l’unique université privée israélienne, avant de le rétablir en décembre, suite à une motion déposée par le directeur de l’école. Vers midi, lorsque les cinq étudiants sortent du bâtiment en travaux, les visages sont fermés. Les revendications n’ont pas été entendues par la direction. "On n’en peut plus, mais il va falloir se remobiliser", souffle Simon, un porte-parole du mouvement.
L'assemblée générale a voté pour continuer le blocage, malgré la mise en garde de la direction qui n'hésitera pas à appeler la police. © Paul Ripert
Selon les étudiants, la direction a demandé, lors de l’entrevue, la fin des blocages, la mise en place d’un comité d’examen des partenariats de l’école, mais seulement pour les cas de renouvellement, et pas les partenariats déjà actés ; et enfin le lancement d’une commission paritaire d’évaluation du partenariat avec l’université Reichman, constituée d’experts non-affiliés à Sciences Po Strasbourg. "Les propositions qui ont été faites sont là uniquement pour tuer le mouvement et calmer la mobilisation. Le directeur nous a dit que si mobilisation il y a, police il y aura toujours, explique Rosa, une des étudiantes qui a rencontré la direction. Il nous a aussi dit qu’à un moment, il faudra faire face aux 1 600 étudiants bloqués. Bref, il a tout mis sur notre dos, et soit on accepte leurs conditions, soit on refuse et Sciences Po Strasbourg reste fermé."
Nouvelle assemblée générale prévue vendredi
Tandis que quelques étudiants rigolent devant les propositions de la direction jugées "inacceptables", comme la fin de la mobilisation, l’assemblée générale vote de nouvelles mesures. Si elle accepte la mise en place d’un comité d’examen qui devra examiner l’entièreté des partenariats de Sciences Po Strasbourg, l’assemblée refuse les modalités présentées par la direction et proposera bientôt un contre-projet. À l’unanimité, elle vote pour continuer le blocage et contre la mise en place d’une commission paritaire d’évaluation du partenariat avec l’université Reichman. "C’est un moyen pour le directeur d’externaliser la décision, car ce ne sera pas des gens de Sciences Po qui la prendraient, affirme Rosa.
Pourtant, toutes les données sont déjà présentes dans un dossier constitué (NDLR : par les étudiants et quelques enseignants) en juin et renfloué en décembre, qui présente des articles et des études qui montrent les liens entre l’université et le génocide en cours. Mais pour le directeur, ces études ne montrent pas que l’université est complice de la guerre."
L’assemblée générale a aussi voté pour une nouvelle réunion entre étudiants ce vendredi 5 février à midi et organisera pendant la semaine des tables rondes pour discuter de la situation actuelle à Gaza. "Je suis déçue de l’attitude de la direction, qui a soutenu que les blocages nuisaient à l’image de Sciences Po Strasbourg", regrette Annaëlle, étudiante en master. Contactée, l’équipe de communication de l’établissement n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Paul Ripert
Edité par Lucie Campoy