Vous êtes ici
16/09/20
15:53

Milo Djukanovic, le "Loukachenko des Balkans"

En trente ans au pouvoir, Milo Djukanovic n’avait jamais connu un tel revers. Le président du Monténégro est sur la sellette depuis la défaite de son parti aux élections législatives du 30 août.

[ Plein écran ]

Milo Djukanovic occupe le pouvoir depuis 30 ans. © SAVO PRELEVIC - AFP

“Djukanovic va être très difficile à recaser à Pôle Emploi, plaisante Jean-Arnault Dérens, rédacteur en chef de Courrier des Balkans. Dans sa vie, il n’a exercé que les fonctions de premier ministre et de président du Monténégro”.

C’est vrai que l’homme fort du Monténégro est bien accroché à son siège depuis près de 30 ans. Premier ministre de cette république des Balkans à partir de 1991, dans ce qui était alors la Yougloslavie, Milo Djukanovic a su traverser époques et alliés pour se maintenir au pouvoir. 

Mais en 2020, malgré sa grande taille, il n’a vu venir la vague de contestation. En se fâchant avec l’église orthodoxe serbe, il a fédéré les oppositions, qui sont parvenues à former un gouvernement d’alternance. 

Excès d’orgueil pour celui qui avait toujours un coup d’avance, même du temps de chaos yougoslave. Au début des années 90, en effet, en profitant du soutien du dictateur serbe Slobodan Milosevic, il prend le contrôle de la petite république intégrée à la Serbie et met en place un réseau mafieux lui permettant de s’en mettre plein les poches. Cinq ans plus tard, en 1996, il s’éloigne de Milosevic, qui fait face à un mouvement de contestation. “En 1999, quand l’OTAN intervient militairement en Serbie et au Kosovo, elle est bien contente de compter sur Djukanovic, qui devient un allié local”, rappelle Jean-Arnault Dérens. 

[ Plein écran ]

Le Monténégro est un petit pays d'à peine plus de 600 000 habitants, situé sur les bords de l'Adriatique. © Enzo Dubesset.

Un mafieux garant de la stabilité régionale

Devenu indépendant, le Monténégro connaît un boom touristique. Ce secteur porteur permet aussi de blanchir l’argent des différents trafics, des cigarettes puis de la cocaïne. La crise financière mondiale de 2008 va durement affecter ce système étatisé de trafic-blanchiment. On est pas loin du narco-Etat. Mais l’argent de la drogue ne suffit pas. En 2009, le Monténégro est presque en cessation de paiement. “Pour renflouer les caisses de la banque nationale, Milo Djukanovic demande à une banque privée de lui venir en aide. Et le propriétaire de cette banque n’est personne d’autre que son frère, Aleksandar Djukanovic. Ça montre bien à quel point c’est un état familial, basé sur des réseaux d’interconnaissances”, développe Jean-Arnault Dérens.  

Malgré la dérive mafieuse de Djukanovic, les Occidentaux continuent de travailler avec lui, car il est vu comme un garant de la stabilité régionale. Le Monténégro intègre même l’OTAN en 2017. Les fonctionnaires internationaux sont alors inquiets d’avoir fait rentrer un cheval de Troie russe dans l’alliance militaire: “L’entourage de Djukanovic est très lié aux services secrets russes”, explique Jean-Arnault Dérens. Cette proximité avec la Russie est également reprochée à l’opposition et notamment au parti Pour l’avenir du Monténégro, ouvertement pro-serbe.

La rupture avec l’église orthodoxe 

Alors, pourquoi Djukanovic a-t-il perdu les élections du 30 août dernier ? Tout d’abord, le soutien des Occidentaux s’est effrité. Le quotidien monténégrin Vijesti rappelle que les pays de l’OTAN lui avaient fait savoir qu’ils ne voulaient plus de lui sur la scène publique. 

Djukanovic a également perdu le soutien de l’église orthodoxe serbe, à qui il s’est opposé en début d’année. La loi sur la liberté religieuse a entraîné d'importantes manifestations dans le pays. 

Enfin, les scandales de corruption se sont multipliés, servant l’opposition, notamment la formation pro-serbe, arrivée en deuxième position lors des élections. 

La défaite de son parti, le DPS, est un coup dur pour le seul dirigeant régional à avoir survécu à l’explosion de la Yougoslavie. Surnommé le Loukachenko des Balkans par un de ses opposants, en référence au dictateur biélorusse, Djukanovic a encore des atouts dans ses manches. Va-t-il jouer la carte du Covid, qui lui permettrait de décréter l'État d’urgence et de geler les institutions pendant 90 jours ? 

 

Eva Moysan

Imprimer la page

Fil info

16:34
Monde

L'Estonie dénonce une violation "sans précédent" de son espace aérien par trois avions de combat russes

16:23
Monde

Nucléaire iranien : le Conseil de sécurité de l'ONU donne son accord pour rétablir des sanctions contre Téhéran

16:15
Monde

Sommet annuel de l'ONU : Mahmoud Abbas sera autorisé à s'exprimer par vidéo

16:07
Monde

Le couple de Britanniques libéré par l'Afghanistan est arrivé au Qatar, qui a joué un rôle de médiation

15:28
Monde

Athlétisme : l'Américaine Melissa Jefferson-Jeffrey remporte l'or du 200 m aux Mondiaux de Tokyo, après avoir été championne du 100 m

15:25
Monde

Honk-Kong va évacuer 6 000 personnes ce vendredi soir, suite à la découverte d'une bombe de la Seconde Guerre Mondiale sur un chantier

14:00
Monde

L'UE annonce vouloir mettre fin à ses importations de gaz liquifié russe, d'ici fin 2026

13:54
Monde

L'ex-Premier ministre du Népal demande une enquête sur la mort des 73 personnes, décédées lors des manifestations au début du mois

13:24
Monde

La France suspend sa coopération avec antiterroriste avec le Mali et demande à deux employés de l'ambassade de quitter la France

13:06
Monde

L'Iran annonce retirer une résolution visant à interdire toute attaque sur des sites nucléaires, sous l'effet de pressions américaines

12:52
Monde

La Commission européenne propose un 19e paquet de sanctions contre la Russie, en ciblant notamment les hydrocarbures

11:39
Monde

Afghanistan : libération d'un couple de Britanniques, détenu par les autorités talibanes depuis huit mois

10:52
Monde

Soudan : au moins 75 morts lors de l'attaque au drone explosif d'un camp de déplacés au Darfour par les paramilitaires

09:26
Monde

L'Iran affirme avoir proposé une solution « équitables » aux puissances occidentales sur le dossier nucléaire

09:19
Monde

Décollage du deuxième vol de migrants expulsés vers la France, dans le cadre de l'accord franco-britannique