Le procès de la députée socialiste Sylvie Andrieux, soupçonnée de détournement de fonds publics au détriment de la région Paca et qui comparaît aux côtés de 21 autres personnes, a débuté ce lundi 4 mars devant le tribunal correctionnel de Marseille.
Alors que Jean-Noël Guérini, l'ancien président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône est toujours mis en examen, et attend le début de son procès, Sylvie Andrieux pourrait être la première des barons locaux du Parti socialiste à être condamné par la justice. L'ancienne vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca), députée depuis 1997, est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour détournement de fonds publics, à destination d'associations présumées fictives, un délit passible de dix ans de prison et 150.000 euros d'amende.
Une demande de renvoi rejetée par le tribunal
L'audience a débuté peu avant neuf heures par l'examen d'une demande de renvoi faite par les trois avocats de la députée, qui ont expliqué n'avoir pas pu consulter une quarantaine de dossiers de subventions mis sous scellés, malgré un souhait adressé en février dernier.
« Nous demandons à être l'égal du ministère public, à avoir accès à ces scellés qui constituent la base des poursuites, afin d'avoir un procès équitable », a souligné Me Gaëtan di Marino. Demande rejetée par la présidente, Christine Mée.
Détournements de fonds à des fins électoralistes
L'enquête avait été ouverte à la mi-2007 après le signalement par Tracfin, la cellule anti-blanchiment du ministère de l'Économie, de flux financiers suspects entre juin 2005 et janvier 2007 sur les comptes d'associations et sociétés de BTP installées dans les quartiers Nord de Marseille. Elle porte sur le détournement présumé d'environ 740.000 euros de subventions de la région.
La justice soupçonne Sylvie Andrieux d'avoir, en toute connaissance de cause, présenté au vote du conseil régional des dossiers de demandes de subventions d'associations fictives, créées avec l'unique objectif de rétribuer des personnes l'ayant aidée à s'implanter et à se faire élire dans certains quartiers, notamment dans le XIVe arrondissement de Marseille.
Dans son ordonnance de renvoi devant le tribunal, cité par le quotidien La Provence, le juge d'instruction Frank Landou, estime que « la fraude résulte du détournement par Sylvie Andrieux de ses pouvoirs de vice-présidente du conseil régional Paca afin de constituer à des fins personnelles une clientèle influente dans sa circonscription en octroyant à certains individus influents des subventions au bénéfice d'associations fictives ».
Le tribunal va consacrer la première semaine du procès, qui doit se tenir jusqu'au 22 mars à disséquer ces escroqueries pour lesquelles comparaissent dix-neuf prévenus. Pour la plupart, des responsables d'associations, soupçonnés d'avoir reçu des subventions indues en échange de de la promotion de l'élue auprès des habitants de cet arrondissement, l'un des plus défavorisés de Marseille. Et l'un de ceux où le Front national réalise ses meilleurs scores.
La région Paca se porte partie civile
Parmi les prévenus, mais absent au procès en raison de problèmes de santé, Roland Balalas, son ancien attaché parlementaire, avait expliqué au cours de l'instruction que des subventions étaient accordées avec des « visées électoralistes ».
La région Paca s'est portée partie civile, son président, le socialiste Michel Vauzelle, ayant même demandé à témoigner au cours des débats. L'affaire a déclenché une véritable guerre ouverte entre ces deux poids lourd du PS local, pourtant considérés jusque-là comme proches (la députée était, jusqu'à 2009, élue au conseil régional).
Une rupture consommée dès 2009, Michel Vauzelle ayant décidé de dénoncer publiquement l'élue marseillaise, et de porter plainte contre elle, au nom de la région. Lors de l'instruction de l'affaire, Sylvie Andrieux s'était défendue en accusant Michel Vauzelle d'être le véritable maître d'oeuvre de ce réseau de détournement de fonds, et en reprochant à ce dernier de se servir d'elle comme bouc émissaire.
Les déclarations de la députée avait valu à Michel Vauzelle d'être cité comme témoin assisté lors de l'instruction. Lors de son audition avec le juge Landou, Michel Vauzelle avait à son tour imputé l'entière responsabilité des détournements de fonds à Sylvie Andrieux. Le président de la région avait finalement été mis hors de cause. Par ailleurs Jules Nyssen, ancien directeur de cabinet de Michel Vauzelle, et Franck Dumontel, un autre de ses proches, ancien directeur général du conseil régional, avaient été, eux, mis en examen avant d'être finalement dédouanés de toute accusation. Michel Vauzelle devrait être entendu comme témoin le 12 mars.
Vidéo : Vauzelle cible la députée Sylvie Andrieux. Crédit LCM
Vincent Di Grande avec AFP