Le vote définitif du projet de loi très controversé "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques" aura lieu mardi. L'Assemblée nationale a fini d'en débattre dimanche, après trois semaines d'échanges parfois vifs.
Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron défend sa loi devant les députés. (Photo: AFP/ALAIN JOCARD)
Avant le vote solennel des députés mardi, la loi Macron a donné lieu à plusieurs controverses. Ce projet de loi a pour objectif de "déverrouiller l'économie française" en modifiant notamment la réglementation concernant le travail le dimanche, les professions réglementées, les transports & le permis de conduire, et la vie des entreprises et des salariés.
Présenté en octobre 2014 par Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, le projet de loi est débattu en séance publique à l'Assemblée nationale depuis le 26 janvier. Après trois semaines et 200 heures de débats, l'ensemble de 200 articles a été adopté le 15 février. Présentation des mesures les plus remarquables, dans l'ordre dans lequel elles ont été votés.
- Libéralisation des lignes de car (adopté le 27 janvier)
Pour assurer un meilleur maillage territorial, la loi va libéraliser le transport interrégional en autocar, jusque-là corseté par une réglementation très contraignante. L'objectif de cette mesure est surtout économique - le gouvernement en attend la création de plus de 10 000 d'emplois - et social, bénéficiant aux personnes les plus précaires. Les opposants de la loi ont dénoncé l'aspect "anti-écologiste", renforçant les transports routiers.
- La réforme du permis de conduire (30 janvier)
L’accès à l’examen doit être modifié pour en faciliter l'accès, le système d'obtention du permis de conduire étant engorgé dans certains départements. Le délai maximal entre deux présentations à l’examen pratique sera réduit à 45 jours (contre 98 aujourd'hui). Pour ce faire, il sera possible de mobiliser des fonctionnaires ou des contractuels pour qu’ils fassent passer l’examen dans les zones où la demande est forte.
Infographie : Ministère de l'Intérieur
- Le logement intermédiaire (6 février)
La loi Macron prévoit de développer "le logement locatif intermédiaire" pour les classes moyennes. Pour pouvoir construire plus de logements sur les terrains, une "majoration de constructibilité" de 30 % sera offerte aux communes. Les logements locatifs intermédiaires désignent des habitations pour ceux qui ont des revenus trop élevés pour les logements sociaux, mais trop bas pour avoir accès au parc locatif privé. Plusieurs députés du Front de gauche et du PS y voient un frein à la construction de logements sociaux.
- Des ordonnances pour l'environnement (6 février)
Le gouvernement sera autorisé à modifier le droit de l'environnement par ordonnance pour "accélérer les grands projets pour favoriser le retour de la croissance". Les écologistes, le Front de gauche et certains frondeurs socialistes craignent qu'ils soient dépossédés des décisions.
- La création des "zones touristiques internationales" (13 février 2015)
Les députés ont voté la création de "zones touristiques internationales". Les commerces des villes concernées (Paris, Nice, Cannes, Deauville) pourront ouvrir tous les dimanches et les soirs jusqu'à minuit. Ce vote a provoqué la colère des maires de ces villes qui voulaient pouvoir choisir eux-mêmes la délimitation de ces zones.
- Davantage d'ouverture le dimanche (14 février)
L'un des points les plus controversés du projet de loi Macron est la hausse d'ouvertures dominicales des commerces à douze par an (contre cinq actuellement). Ces dimanches travaillés devront être payés double. L'article a été voté par la majorité du groupe PS, en dépit de l'opposition réunie des frondeurs PS, du Front de gauche, des écologistes, de l'UDI et de l'UMP. Les adversaires y voient des conséquences sociales lourdes en rendant plus difficile la conciliation entre vie professionnelle, familiale et sociale.
- Réforme de la justice prud'hommale (14 février)
Pour raccourcir les délais et favoriser la conciliation, un barème indicatif sera instauré. Il fixera l'indemnité à accorder au salarié en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, établi à partir de plusieurs paramètres comme l'âge de la personne concernée et son situation par rapport à l'emploi par exemple.
Parmi les 200 articles de la loi Macron, il y avait très peu qui ne sont pas passés. Pour permettre aux entreprises de mieux faire face à l'espionnage industriel, Emmanuel Macron voulait légiférer sur le "secret des affaires". Mais l'exécutif a fait marche arrière face à la mobilisation de la presse dénonçant un projet de loi risquant de restreindre la liberté de la presse et celle des lanceurs d’alerte.
Le second recul le plus marquant est sur la réforme des professions réglementées du droit ( greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs judiciaires, notaires...). Le ministre de l'Economie a retiré de son projet le mécanisme de "cordon tarifaire", qui visait à instaurer un prix plancher et un prix plafond pour les actes notariés, après des critiques virulentes et des manifestations des notaires.
En dépit des nombreuses controverses, les dirigeants socialistes et le gouvernement se montrent optimistes sur l'adoption finale du texte. Plusieurs frondeurs PS ont annoncé voter contre, mais les voix manquantes dans la majorité pourraient être compensées par l'abstention probable du groupe UDI et l'abstention ou le vote "pour" de quelques députés de l'UMP. Lundi, Manuel Valls a lancé un appel "à la responsabilité de chacun" des députés PS à la veille du vote.
Assata Frauhammer