Le gouvernement a concédé en janvier la construction et l'exploitation du Grand Contournement Ouest de Strasbourg à une filiale du groupe Vinci. Appelé GCO, ce futur axe autoroutier alimente les débats depuis deux décennies. Décryptage pour comprendre ce grand projet.
Le GCO, de quoi s'agit-il ?
Le Grand Contournement Ouest est un vieux projet d'infrastructure routière. La capitale alsacienne est actuellement desservie par l'autoroute A35, réputée pour ses nombreux embouteillages. Le constat est sans ambiguité : il faut trouver une solution pour désengorger ces voies. Selon les estimations, entre 200 000 et 215 000 véhicules circulent quotidiennement sur l'axe. Un trafic qui s'explique notamment par les migrations pendulaires. Près de 80 000 personnes habitant à l'extérieur de l’agglomération viennent y travailler, soit un tiers des emplois eurométropolitains.
La carte du tracé a été réalisée par la Chambre du Commerce et de l'Industrie.
D'ailleurs, si le cabinet d'expertise allemand TTK, mandaté par le collectif "GCO non merci", ne préconise pas le projet, il souligne cependant "les difficultés de circulation sur la rocade ouest de Strasbourg (A35) (qui) constituent, depuis plusieurs années, un sujet de fortes préoccupations de la part de l’Etat et des collectivités territoriales. Cette infrastructure majeure supporte quotidiennement un trafic très important dans la traversée de Strasbourg car elle assure de nombreuses fonctions d’échanges internationaux, nationaux, régionaux ou locaux."
Pour délester la rocade de Strasbourg d’une partie de son trafic, le projet du GCO consiste en une autoroute d'évitement à l'ouest destinée aux flux de transit qui ne font que traverser Strasbourg sans s'y arrêter. Grâce au GCO, l'Eurométropole disposerait d’un itinéraire Nord-Sud.
Dans le document d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, le ministère des Transports, de l'équipement du tourisme et de la mer publie des photo-montages permettant de visualiser le projet. L'objectif ? Prouver qu'il se fond dans le paysage.
Quelle est la polémique ?
Difficile de catégoriser les détracteurs. Parmi eux, des écologistes, mais aussi des cadres du PS local comme Pernelle Richardot, l’association des usagers des transports urbains de Strasbourg (ASTUS), des maires des villages sur le tracé, des associations de protection de la nature, ou encore des agriculteurs. Unanimes, ils dénoncent l'augmentation inévitable de la pollution et du bruit dans les zones péri-urbaines qui seront traversées. Aussi, parce que 300 hectares de terres agricoles vont être recouvertes de béton, des agriculteurs craignent pour leurs exploitations.
Autre argument : le Grand Hamster d'Alsace. Le mammifère menacé est, entre autres, l'une des principales raisons du retardement du GCO. Les écologistes soulignent l'impact que le GCO aurait sur cette espèce en voie de disparition. Selon eux, la construction de l'axe routier ne pourrait que fragiliser son habitat. Pour soutenir leur argumentation, les écologistes s'appuient sur des directives européennes sur la protection d’espèces protégées, parmi lesquelles figurent le rongeur, star d'Alsace. En cas de non-respect de ses engagements, la France pourrait d'ailleurs payer une amende conséquente. Mais le combat ne se réduit pas à l'échelle locale. Le 4 février dernier, la secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts (EELV), Emmanuelle Cosse, s’est rendue à l’une des cabanes pour interpeller le gouvernement.
Vers une baisse de pollution à Strasbourg ?
Les partisans, comme la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bas-Rhin (CCI) défendent quant à eux la réduction de la pollution aux environs de Strasbourg. Mais comment une autoroute payante pourrait-elle permettre une décongestion de l'A35 ? Il semble peu probable que les utilisateurs se dirigent spontanément vers le GCO alors que l'autoroute actuelle est gratuite. En réalité, l'objectif de l'Eurométrople est d'interdire d'ici une dizaine d'années la circulation des poids lourds sur la rocade strasbourgeoise. L'A35 deviendrait alors un "boulevard urbain", doté de feux tricolores et de voies réservées aux transports collectifs.
Malgré l'opposition, le projet GCO risque bien d'aboutir. Contrairement à d'autres projets polémiques comme Notre-Dame-des-Landes, le territoire est trop vaste pour permettre une occupation massive et, par conséquent, convaincre le gouvernement de renoncer.
Hélène Gully