L’événement a fait le tour des JT français. Dans la nuit de lundi à mardi, un incendie d’origine criminelle a ravagé un immeuble du XVIème arrondissement de Paris. Le bilan est lourd : 10 personnes ont perdu la vie et 96 autres ont été blessées. Interpellée par la police, l’auteure présumée des faits aurait eu une altercation avec un de ses voisins avant de mettre le feu à la bâtisse. Elle venait de retrouver la liberté, après un treizième passage en l’hôpital psychiatrique.
« On martèle qu’elle était malade au point presque de la déshumaniser », s’indigne Olivier. Veste polaire et manteau sur le dos, l’ancien président de l’association et groupe d'entraide mutuelle AUBE, dont les membres œuvrent à rompre l’isolement des personnes victimes de handicap mental, souffre de dépression depuis 11 ans. Il poursuit : « Ce n’est pas parce qu’elle sortait de l’hôpital que ses actes sont liés à sa maladie. Si on ne cherche pas à comprendre ses agissements, là on peut parler de stigmatisation. » Dans les locaux du 97 avenue de Colmar, siège de l’association, ce drame a trouvé un écho tout particulier.
« Ça fait peut être plus sensationnel »
« Je trouve qu’on axe trop l’information sur le fait qu’elle soit malade, abonde Coralie, 24 ans. Ça fait peut-être plus sensationnel, je ne sais pas... Mais cela alimente les clichés. Comme si une personne atteinte d’un handicap psychique était nécessairement dangereuse. » Elle semble touchée. Assise jambes croisées, ses pieds cognent nerveusement la table basse qui lui fait face. « On devrait aussi mettre en lumière les bonnes choses, comme l’histoire de ces schizophrènes devenues psychologues aux États-Unis ».
La jeune brune souffre elle aussi de schizophrénie depuis 2011, confie-t-elle en réajustant ses lunettes. Si elle reconnaît avoir traversé une période de déni, elle n’éprouve aujourd’hui plus aucune difficulté à parler des voix qu’elle a commencé à entendre lorsqu’elle était étudiante en lettres modernes. « Quand je parle de ma maladie, on me prend parfois pour une psychopathe. On croit automatiquement que j’ai plusieurs personnalités, alors que c’est une autre maladie », déplore-t-elle.
Le regard des autres
Pour Olivier, « quand quelqu’un souffre d’une maladie mentale, il est très sensible à ce qu’il voit et ce qu’il entend. Il fait tout pour éviter qu’on le croit « anormal » et qu’on le réduise à sa pathologie, souffle-t-il. Ici, on se bat chaque jour pour montrer qu’on n’est pas fous. » « Le regard des gens, c’est important », confirme Caroline, même si bien souvent le handicap mental ne se voit pas. La quadragénaire garde en mémoire quelques épisodes douloureux survenus dans le tramway. Plusieurs fois, cette rousse aux yeux bleus a dû brandir sa carte « personne handicapée » pour accéder aux places qui lui sont réservées. Aujourd’hui, les individus qui la jugent, elle tente tant bien que mal de les ignorer.
Parler de sa maladie, c’est pour Olivier un moyen de faire reculer les idées reçues. « Il faut éduquer les gens pour combattre les préjugés et faire en sorte qu’ils acceptent la différence. Ça passe entre autres par plus de communication de notre part. » Coralie partage ce point de vue. Cette dernière espère d’ailleurs devenir médiatrice médicale. Un métier qui lui permettrait d’aider ceux qui comme elle souffrent d’un handicap mental en faisant le lien entre le médecin et le patient. Elle confie : « Les rencontrer, les aider, c’est comme se regarder dans un miroir ». En mars prochain, l’association se joindra à la grande marche pour la santé mentale dont l’un des buts est de lutter contre la stigmatisation. Olivier en est persuadé, « c’est à tout le monde de s’en emparer ».
Florian Bouhot