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Un frère et une soeur bulgares, unis dans l'exploitation de filles qui arpentent le trottoir. Trois hommes et une femme, bulgares également, accusés d'avoir prostitué une dizaine de femmes. Tous se retrouvaient à l'American hotel, en Allemagne, à quelques kilomètres de Strasbourg. Tous ont comparu lors de deux audiences séparées ce mercredi devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour proxénétisme aggravé.

Le frère, c'est Angel Petrov, 26 ans, originaire de Varda, troisième ville de Bulgarie et station bulnéaire réputée. Les juges lui reprochent d'avoir aidé sa soeur, Elena Ivanova, 32 ans, à avoir mis sur le trottoir deux autres jeunes femmes, Valentina et Juliana, en 2011. Valentina, qui a été recrutée alors qu'elle se prostituait à Innsbruck en Autriche, en a eu marre de devoir leur verser tout ce qu'elle gagnait et a annoncé qu'elle arrêtait cette activité. Angel Petrov l'a alors menacé de mort.

Elle garde le pactole

Devant la barre, tout de noir vêtu, les cheveux longs noirs impeccablement coiffés, Elena Ivanova nie avoir pris tout l'argent. "C'était mis en commun." La présidente, Sophie Thomann, décide d'un autre angle d'attaque : " Vous leur disiez que vous envoyiez l'argent en Bulgarie pour les enfants, en réalité, vous avez tout gardé et envoyé l'argent à votre mère." "C'est comme ça", répond la prévenue, tête haute, qui est aussi accusée d'avoir violenté les deux jeunes femmes.

La fratrie résidait à l'American hotel, à quelques kilomètres de la frontière, côté allemand. C'est là que la jeune femme croise Yordan Alexandrov, lui aussi né à Varna, qui devient son amant. L'homme, âgé de 37 ans, comparaissait lui dans la seconde audience de ce mercredi, en compagnie de trois concitoyens, Miroslav Mirchev, dit "Mircho", accusé d'être la tête d'un réseau de prostitution actif en 2010 et 2011, Svetoslav Kirgakov, soupçonné d'être un des bras droit de "Micho", et Ivelina Vasileva, qui aurait tenu le rôle de première fille, chargée de surveiller les autres prostituées.        

100 euros, la protection assurée     

Une dizaine de prostituées auraient travaillé pour "Mircho" entre 2010 et 2011, lui n'en a reconnu que trois lors de l'audience. Deux étaient présentes, Neli et Kaméliya, qui se sont constituées partie civile. Michev reconnaît avoir donné une "gifle" au troisième, un travesti.

Le système était simple : en échange d'un minimum de 100 euros par jour, Micho assurait la protection des filles et les autorisait à se prostituer. Après leur journée de passes, les filles rentraient à l'hôtel et déposaient leur argent sur une table de nuit. Ivelina Vasileva, Neli et Mirchev dormaient tous dans la même chambre, Neli sur le canapé, la première fille et le chef du réseau dans le même lit. Vasileva était la favorite, c'était aussi celle qui ramenait le plus d'argent.

Des jupes trop courtes

C'est "Micho" qui les a fait venir en France, leur faisant miroiter d'importantes rentrées d'argent. La première fille, il l'a rencontrée à l'hôpital : son fils était malade, la jeune mère n'avait plus d'argent. Le Bulgare, qui se revendique vendeur de voitures, a effacé les dettes de la mère de famille, puis a exigé d'être remboursé. La jeune femme arrive à Paris, commence à arpenter les rues. Là, le proxénète présumé exige en plus d'être remboursé des frais de voyage. C'est la même histoire, à quelques détails près, pour les parties civiles, Kaméliya et Neli. Toutes deux mères pauvres en Bulgarie, elles sont recrutées par l'épouse du chef du réseau, elle-même une ancienne prostituée, avant de finir sur le trottoir en France.

Dans un premier temps, entre février et juin 2010, Neli travaille à Paris avec la première fille. Cette dernière raconte des bagarres avec des Roumaines. "Comme nous venions avec des jupes tellement courtes, elles ne voulaient pas nous laisser accéder au trottoir, elles nous ont tabassées." Lors de l'audience, la présidente veut savoir pourquoi "Mircho" a délocalisé ses activités en Alsace : "Cela ne rapportait plus assez, il y a trop de concurrence à Paris ?" "C'est pas vrai", réplique faiblement l'homme, assisté d'une interprète.

Témoignage anonyme

Quand, lasses de cette vie, les filles ont voulu rentrer chez elles, les menaces de représailles se sont abattues sur leurs familles. Deux témoignages anonymes font finalement tomber le réseau le 27 mai 2011.

Après trois heures d'audience, la cour condamne Miroslav Merev à quatre ans de prison, ses acolytes Yordan Alexandrov à trois ans et Svetoslav Kirgakov à 18 mois, la première fille, Ivelina Vasileva, à un an, et l'épouse de Miroslav Merev, qui se trouve actuellement en Bulgarie, à deux ans. Kaméliya et Neli reçoivent 1500 euros de caution et sont invitées à chiffrer le préjudice subi. Le frère et la soeur sont eux condamnés à passer deux ans derrière les barreaux et à une interdiction définitive du territoire français. Merev et ses deux bras droits quittent la salle d'audience tête basse, comme ils sont rentrés, tandis que Kaméliya et Néli, un peu sonnées par le verdict qu'elles se sont fait confirmer par l'interprète, sourient. Largement et pour la première fois depuis le début de la journée.

Mathilde Cousin