A Saint-Pétersbourg en Russie, l'assemblée de la ville a adopté une loi en deuxième lecture qui interdit la "propagande homosexuelle". Une législation symptomatique dans un pays où les gays et les lesbiennes se cachent.
A Toulouse, les gays et les lesbiennes manifestent librement. Cela est de plus en plus difficile pour les homosexuels en Russie (Crédit photo : Guillaume Paumier/Flickr).
Le drapeau arc-en-ciel, deux hommes qui s'embrassent dans la rue, ou encore des milliers de fêtards déchaînés qui envahissent les centres des grandes villes pour la Gay Pride. En France, des scènes courantes. A Saint-Pétersbourg en Russie, la situation est toute autre : une loi est en voie d'adoption pour interdire la "propagande homosexuelle". La deuxième lecture a eu lieu le 8 février au parlement municipal. Trois quarts des députés ont voté pour la loi qui prévoit de punir la "propagande publique de l'homosexualité auprès des mineurs, qui pourrait nuire à la santé et au développement intellectuel et moral des jeunes". Elle prévoit des amendes qui peuvent aller jusqu'à 5.000 roubles pour les personnes et 500.000 roubles pour les organisations, soit 120 et 12.000 €.
Les homos n'osent pas se montrer
"Quelle propagande homosexuelle ?", s'interroge Susanne Brammerloh. Journaliste allemande basée à Saint-Pétersbourg depuis 20 ans, elle suit l'adoption de la nouvelle loi pour le journal Russland Aktuell. "Les gays et les lesbiennes n'osent même pas s'embrasser ou se tenir par la main en dehors de chez eux. Ils se retrouvent dans des clubs privés, mais jamais en public." L'orientation sexuelle est un sujet jugé tabou en Russie. "Mes amis ont des avis libéraux, mais dès qu'il s'agit de gays, ils deviennent intolérants, reconnaît la journaliste allemande. Dans ces cas, je n'essaye même plus de les convaincre du contraire, parce que cela n'a aucun sens."
Le député Vitali Milonov du parti Russie unie à l'assemblée de Saint-Pétersbourg va encore plus loin : il demande l'installation d'une police des mœurs pour mettre en œuvre la nouvelle loi. Milonov et ses confrères du parti gouvernemental justifient leur démarche par la protection des mineurs. L'homosexualité est assimilé dans le texte à la pédophilie - "Cela démontre clairement l'attitude malsaine qu'ont beaucoup de Russes envers les gays et les lesbiennes", constate Susanne Brammerloh.
Une Russie homophobe
L'homophobie a une longue tradition en Russie. Jusqu'en 1993, les pratiques homosexuelles étaient illégales. Et depuis seulement 13 ans, l'homosexualité est rayée de la liste des maladies mentales – cela n'empêche cependant pas Milonov de le mettre en cause. Les dernières années, plusieurs parades gays ont été interdites à Saint-Pétersbourg et dans d'autres villes. Et les autorités religieuses, orthodoxes comme musulmanes, condamnent l'homosexualité, comme le Grand Mufti Talgar Tadschuddin qui a appelé en 2006 à battre les gays.
Saint-Pétersbourg n'est pas la seule ville de Russie à tenter de faire taire les homosexuels. Des lois comparables existent déjà dans la ville d'Arkhangelsk dans le nord du pays et à Riazan et Kostroma, deux villes de l'ouest. Moscou envisage d'en introduire une également. Elle pourrait même être promulguée au niveau national.
Seulement cinq activistes homos ont osé manifester devant l'assemblée de Saint-Pétersbourg contre la loi contre la "propagande homosexuelle". La proposition doit encore être validée en troisième lecture à Saint-Pétersbourg pour entrer en vigueur. Mais l'adoption est pratiquement certaine, lors des deux premiers tours, les députés l'ont voté à la quasi unanimité.
S'engager : Pétition de la communauté All Out contre la loi visant à interdire la « propagande homosexuelle »
Frank-André Rauschendorf