Pendant que les députés français se déchirent sur le projet de loi du mariage gay, mardi, le Royaume-Uni vote pour un texte similaire.
Le projet de loi sur le mariage gay ne fait pas seulement des vagues dans l'Hexagone, mais aussi de l'autre côté de la Manche. Hasard du calendrier législatif, mardi matin, il s'agira, comme en France, d'accorder le mariage aux personnes du même sexe, dans un pays qui autorise, depuis 2002, le partenariat civil et, depuis 2005, l'adoption aux couples homosexuels. Si le texte, présenté en première lecture le 24 janvier, passe auprès des députés, il sera ensuite envoyé à la chambre des Lords (chambre haute du Parlement).
Aux yeux de la loi, le mariage homosexuel anglais ne change pas tant de choses. Sa valeur est surtout symbolique, explique William Healing, avocat spécialiste du droit de la famille au cabinet Kingsley Napley au journal Le Monde : « Au Royaume-Uni, le partenariat civil offre les mêmes droits légaux et les mêmes responsabilités que le mariage en cas de décès ou de divorce. Aux yeux de la loi, il équivaut au mariage, mais sans le label et sans la possibilité de se marier à l'église ».
Révélé le 7 décembre 2012 par la BBC, il n'a pas provoqué autant de remous dans les médias et la société anglais qu'en France depuis. Le texte prévoit de laisser les différentes confessions choisir librement le fait de célébrer ou non des unions homosexuelles religieuses, à l'exception de l' Eglise anglicane. « Les deux pays n'abordent pas la problématique de la même façon : Au Royaume-Uni, nous réagissons avec plus de calme qu'en France », explique Silvan Agius, directeur politique de l'European Region of the International Lesbian and Gay Association (Ilga-Europe), la branche européenne de l'association internationale lesbienne et gay. Pourtant, si en France la loi devrait passer malgré les critiques de l'opposition, son adoption est loin d'être aussi évidente outre-Manche.
Le parti conservateur et l'église anglicane contre le projet
Le parti conservateur du Premier Ministre David Cameron, à l'origine du projet de loi et soutenu par les travaillistes et les libéraux-démocrates, est agité de profondes dissensions. Selon la presse anglo-saxonne, entre 130 et 200 députés conservateurs sur 303 pourraient s'abstenir ou s'opposer lors de leur vote, mardi, vote qu'ils effectueront selon leur conscience en l'absence de consigne du gouvernement. De plus, plus de vint-cinq responsables locaux conservateurs demandent son report dans une lettre ouverte au premier ministre publiée dans le Sunday Times.
La position opposée de l'église anglicane, majoritaire en Grande-Bretagne, donne également du fil à retordre à Cameron. Les arguments sont les mêmes que ceux avancés par l'église catholique en France. « L'Angleterre n'est pas un pays laïc, et 26 évêques de l'Eglise anglicane sont toujours membres de la Chambre des Lords, ses arguments ont donc de plus grandes chances d'être entendus », avance Christine Blumfield, prêtre à l'église anglicane Saint-Alban de Strasbourg. Une influence renforcée par les circonstances : lundi soir a lieu la cérémonie officielle à la cathédrale de Saint-Paul de l'entrée en fonction du nouvel archevêque de Canterbury. « Même si on sait que la culture actuelle évolue, qu'elle n'est plus chrétienne de base, l'Eglise anglicane se doit d'être unie et de tenir le même discours à travers le monde : le plan de Dieu était l'union de l'Homme et de la Femme », souligne la prêtre. Une position que ne manquera pas de rappeler le nouvel archevêque.
Une population majoritairement en faveur du mariage pour tous
Au sein de la population, les tensions semblent moins vives qu'en France. Les rues anglaises n'ont pas été envahies par des cortèges de manifestants. Dimanche, un sondage YouGov effectuée auprès de 2030 Britanniques révélait que 55 % d'entre eux étaient favorables au mariage homosexuel. Pour la prêtre anglaise Christine Blumfield, qui vit en France depuis quarante ans, l'absence de grogne populaire pourrait s'expliquer par « une ouverture culturelle différente » : « Il est toujours difficile de généraliser, mais je crois qu'en France, on se concentre davantage sur l'idée d'intégration, alors qu'en Angleterre, on laisse plutôt les gens vivre comme bon leur semble. » Un argument qui expliquerait, peut-être, le moindre engouement des Britanniques pour le texte outre-Manche, et qui fait sourire le responsable ILGA Silvan Agius : « Les fortes manifestations françaises contre le projet de loi n'ont pas été faciles à digérer, alors nous sommes ravis si, petit à petit, le mouvement d'acceptation se répand en Europe ». Si les textes sont adoptés des deux côtés de la Manche, le nombre de pays de l'Union Européenne autorisant le mariage homosexuel passera à 10.
Lara Charmeil