Les manifestations et les débordements se poursuivent en Tunisie suite à la mort du leader d'opposition Chokri Belaïd. Tour d'horizon de ceux qui sont ressortis crier « dégage », au nouveau pouvoir islamiste cette fois-ci.
Ils sont sortis dans les rues de Tunisie en colère et parfois en larmes après avoir appris le meurtre de Chokri Belaïd mercredi matin. Ils accusent le parti au pouvoir, Ennahdha, d'avoir, a minima, manqué à la protection de l'avocat menacé de mort et, au pire, d'avoir commandité son assassinat. Dans tout le pays, ils ont poursuivi leurs manifestations spontanées jeudi, pacifiques ou violentes et devraient rester dehors pour crier leur opposition au régime islamiste vendredi, jour de l'enterrement du leader de l'opposition, tué par balles sur son perron.
Devant l'hôpital où se trouve la dépouille de Belaïd, des centaines de manifestants sont venus crier "On veut une nouvelle révolution !". Capture d'écran vidéo AFP
Partis politiques d'opposition, syndicats, universitaires, associations et personnes sans affiliation aucune sont à nouveau soudés, comme du temps de la révolution de décembre 2010, autour des obsèques de Belaïd et de l'appel à la grève générale prévue vendredi. Qui sont-ils ? Eléments de réponse.
- Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti unifié des patriotes démocrates (PUPD) exerçait la profession d'avocat. C'est donc naturellement que des syndicats de la profession ont appelé à manifester leur tristesse dans les rues. Le Figaro notait mercredi que certains d'entre eux portaient leur robe, manière de signaler que par ce crime, c'était toute la profession qui était touchée.
- Mais le courage politique de l'homme, qui avait dénoncé la dictature de Ben Ali avant de combattre le parti islamiste Ennahdha actuellement au pouvoir, fait consensus au-delà de la corporation. L'Union générale tunisienne du travail (UGTT), premier syndicat tunisien aux 750 000 adhérents, a appelé à un mouvement de grève générale vendredi et pourrait bien réussir à impressionner le pays grâce à une mobilisation monstre. L'organisation syndicale, historiquement proche du milieu ouvrier et de la gauche, a expliqué être solidaire du deuil de Chokri Belaïd notamment parce que certains de ses dirigeants ont « reçu des menaces de mort », selon une information du journal Le Monde.
- Chokri Belaïd est aussi pleuré par les partis de gauche et du centre. L'avocat était connu pour son orientation politique à la gauche radicale, marxiste et panarabique, selon le portrait que dresse le quotidien algérien Liberté. Quatre formations politiques, issues du printemps arabe et toutes vieilles de moins d'un an, se sont rassemblées pour émettre elles aussi un appel à la grève vendredi dans lequel elles évoquent déjà Chokri Belaïd comme un « martyr ».
Ce sont :
- Nidaa Tounes, ou « l'appel de la Tunisie », qui se veut issu de « la pensée réformatrice tunisienne » depuis le début de l'année 2012
- le Front populaire, qui unit depuis l'automne dernier douze groupes ayant combattu lors de la révolution, dont le PUPD de Belaïd
- Al-Massar, « voix démocratique et sociale », constitué au printemps 2012 avec différents éléments de la gauche modérée et du centre
- le Parti républicain, formation centriste née au printemps 2012 également
- La mort de Chokri Belaïd est aussi dénoncée par le corps de l'enseignement supérieur. Des syndicats de professeurs de La Manouba, université de 26 000 étudiants au sud de Tunis connue pour être marquée à gauche, ont appelé à descendre dans la rue jeudi et vendredi. Il faut dire que le doyen de la Faculté des lettres de La Manouba était le client de Maitre Belaïd. L'avocat le défendait dans l'affaire de l'étudiante en niqab qui accuse Habib Kazdaghli de l'avoir violentée. Le procès devrait avoir lieu le 28 mars. D'après certains médias tunisiens, plusieurs cours de La Manouba ont été annulés jeudi et le seront encore vendredi.
Anna Cuxac