Selon le Wall Street Journal, le ministère de la justice des Etats-Unis reproche à l'agence de notation d'avoir gravement sous estimé le risque de certains actifs immobiliers.
Standard & Poor's est l'une des trois grandes agences de notation qui dominent le secteur. Crédit AFP video
Des juges sur le banc des accusés. Standard & Poor's (S&P) a annoncé lundi qu'elle va être poursuivie par le ministère de la justice américain (département de la justice : DoJ). Cette agence de notation qui délivre les triple A destinés à prouver la bonne santé financière d'une entreprise a confirmé l'information du Wall Street Journal. Le ministère de la justice américain devrait déposer cette semaine une plainte, à laquelle se joindraient les procureurs de plusieurs Etats américains.
Les grandes agences de notation - S&P, mais aussi ses concurrentes Moody's et Fitch - ont été beaucoup critiquées pour ne pas avoir vu venir la crise des subprimes de 2007-2008. Certains produits toxiques à l'origine de la crise avaient reçu leur bénédiction.
Considérations commerciales ou bonne foi ?
Selon le Wall Street Journal, le DoJ reproche à l'agence de lui avoir "menti en prétendant que ses notes (…) étaient objectives, indépendantes, préservées des conflits d'intérêt (…) et reflétaient la vraie opinion de S&P concernant la valeur des crédits évalués." Ces poursuites porteraient sur un peu plus de 30 notations effectuées entre 2004 et 2007 et font suite à près de trois ans d'enquête.
S&P a réagi en faisant valoir que ses analystes "ont travaillé avec diligence pour faire face à un environnement sans précédent" et affirme avoir lancé à plusieurs reprises des avertissements sur la détérioration du marché immobilier. "Ces mesures fortes se sont avérées insuffisantes, mais elles montrent que le DoJ aurait tort d'affirmer que les notes de S&P étaient motivées par des considérations commerciales et pas octroyées de bonne foi", indique-t-elle dans un communiqué.
Protégées par le premier amendement
La plainte du DoJ est donc une première depuis le déclenchement de la crise. Jusque là, les législateurs des deux côtés de l'Atlantique s'étaient contentés de réguler davantage l'activité des agences. Mais contrairement aux banques, aucune d'entre elles n'avait encore été inquiétée par la justice américaine.
Les agences de notation s'étaient prémunies de toute attaque en justice, en arguant que leurs notations ne constituent qu’une libre opinion et sont, à ce titre, protégées par le premier amendement de la Constitution américaine - la protection offerte par cet amendement, qui garantit la liberté d'expression, étant difficilement attaquable aux Etats-Unis.
Mais le fonctionnement des agences de notation suscite depuis longtemps des interrogations. Parce qu'elles sont rémunérées par les entreprises qu'elles sont chargées d'évaluer, on les soupçonne de naviguer dans les eaux troubles du conflit d'intérêt.
Le Parlement européen a d'ailleurs mi-janvier adopté à une très large majorité une nouvelle batterie de règles pour les réguler et les encadrer : plus de transparence et surtout, elles pourront dorénavant être tenues civilement responsables de leurs erreurs en cas de négligence grave ou de violation intentionnelle de la législation. Prélude à de futures poursuites judiciaires en Europe ?
Vincent Di Grande