Le rapport de la mission d'information sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis, remis mercredi 16 septembre, propose l'ouverture d'une filière de production française. En attendant, à Strasbourg, plusieurs boutiques prospèrent grâce à la vente de produits dérivés à base de CBD, mais aussi de ses fleurs, pourtant interdites.
La vente de produits à base de CBD est interdite aux mineurs. Certaines boutiques accueillent des clients jusqu'à 92 ans. © Pixabay
"À fumer ? Je ne vends rien à fumer", affirme le responsable d’une boutique de CBD strasbourgeoise. Alors que le rapport de la mission d'information sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis laisse entrevoir une lueur d'espoir pour les consommateurs qui ont recours au cannabis à des fins thérapeutiques, des magasins strasbourgeois profitent déjà d'une réglementation plutôt souple concernant le cannabidiol, communément appelé CBD. Cette molécule est la sœur du THC, le tétrahydrocannabinol. Toutes les deux sont présentes dans le cannabis, mais l’une est légale, sous certaines conditions, tandis que l’autre est considérée comme une drogue en raison de son effet psychotrope. Selon la loi française, l'utilisation des graines et des fibres de CBD est autorisée. En revanche, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a établi que l’utilisation des fleurs n’est pas légale.
À Strasbourg, ils sont pourtant plusieurs à en vendre dans leur boutique. "Je voulais me spécialiser dans le chanvre, c’est une plante qui m’a toujours intéressé", explique François*, gérant d’un des six magasins de CBD de la ville. "Le CBD touche uniquement le système nerveux et ne rend pas addict, alors que le THC touche les neurones. Notre clientèle cherche les effets de détente, sans l’effet psychotrope du THC. C’est beaucoup utilisé pour le stress, l’anxiété et même les inflammations", ajoute le vendeur qui voit passer une clientèle âgée de 25 à 70 ans. Dans le magasin : huiles, crèmes, liquides pour cigarettes électroniques, mais aussi les fleurs tant controversées. "Ce n’est pas pour les fumer ! On dit aux clients que c’est interdit, mais on ne peut pas contrôler ce qu’ils font avec", détaille-t-il.
"Je suis le seul dealeur légal dans cette rue"
David*, quant à lui, décrit son local comme une boutique de bien-être. "Je ne vends que des sachets parfumés", assure-t-il. Ces fameux emballages cachent les fleurs officiellement interdites d’utilisation. "Je suis le seul dealeur légal dans cette rue", s’amuse le gérant dont tous les produits proviennent de Suisse. Le flou est accentué par le fait que la loi européenne, elle, autorise bel et bien les fleurs de CBD. "Quand il y a des procès, on gagne toujours en jurisprudence puisque la loi européenne prend le dessus sur la loi française", développe David*. Des procès qui paralysent tout de même les magasins soumis à une fermeture temporaire et à une confiscation de leurs stocks.
Rester discrets, exposer clairement aux clients que les fleurs sont destinées à faire des infusions et non pas à être fumées, telles sont les techniques qui permettent aux vendeurs de faire prospérer leurs commerces. "À Strasbourg, le procureur n’est pas contre la dépénalisation. C’est assez cool, mais il ne faut pas déraper. À Mulhouse, un magasin a ouvert à 9h et a fermé à 11h. Ça dépend des régions", précise encore Thomas*, gérant d’un autre commerce qui propose notamment des fleurs de CBD présentées comme des infusions. "Mais tout le monde sait ce que les clients font avec après", confie Thomas. Les vendeurs affirment d’ailleurs que les fumeurs de THC trouvent bien souvent une alternative à cette drogue dans le CBD.
*Les prénoms ont été modifiés
Amélie RIGO