Jeudi 1er février aura lieu en Alsace et en France la première grosse journée de mobilisation "contre la sélection à l'université". À Strasbourg, plus d'une quinzaine d'organisations et syndicats (enseignants, personnels, parents d'élèves et étudiants) appellent à mettre "tout en œuvre pour obtenir le retrait du projet de loi".
Malgré le vent d'hiver, les syndicalistes de Solidaires étudiant-e-s Alsace ont fait le tour de l'Université pour appeler à la manifestation du 1er février. Crédit photo Cuej/Pierre-Olivier Chaput
D'habitude, c'est de la place Kléber que partent les manifestations strasbourgeoises. Pas ce jeudi. Le point de rendez-vous est au Wacken, place Adrien Zeller. Le changement de lieu est stratégique : juste à côté, au Parc des expositions, se tiennent les journées des Universités et des formations post-bac. Les militants projettent d'y sensibiliser les lycéens et leurs parents, et leur donner envie de rejoindre la manifestation.
"Cette réforme instaure de fait une sélection"
Cette large union s'est concrétisée lors d'une rencontre, appelée le 16 janvier dernier par les syndicats de professeurs, entre personnels, enseignants, étudiants et leurs parents. Le texte qui en est sorti, intitulé "Appel de Strasbourg contre la sélection à l'Université", est on ne peut plus clair : retrait du projet de loi, accès pour tous les bacheliers à la formation de leur choix et hausse des moyens humains comme financiers à l'Université sont dans la liste des revendications.
"Cette réforme instaure de fait une sélection pour l’accès à l’Université d’une partie des jeunes, et à terme, pour toutes et tous", assène Sud éducation dans un communiqué. "L'accès à l'enseignement supérieur n'est plus garanti", acquiesce un représentant du SNES, qui poursuit : "On prend doucement mais surement la voie du système anglo-saxon où les étudiants s'endettent et les parents doivent choisir lequel de leurs enfants pourra avoir ses études financées". Les parents, justement, ont rejoint le mouvement par l'entremise de la FCPE 67. L'organisation appelle à "user de tous les moyens légaux" pour faire barrage à la réforme.
Ce n'est pas seulement le fond qui coince, la forme aussi : les syndicats dénoncent un passage en force. Dans une réforme il y a le fond, mais aussi la forme : les syndicats dénoncent vivement la manière dont celle-ci est mise en œuvre. Pour la CGT, le ministère de l’Enseignement supérieur met en œuvre le projet de loi Orientation et réussite des étudiants "en dehors de tout cadre légal", car "sans attendre sa ratification par le Parlement", explique la centrale sur son site.
"Il n'y a pas trop d'étudiants, ce sont les moyens qui manquent"
Le mercredi, veille du rendez-vous, des étudiants syndiqués à Solidaires étudiant-e-s Alsace distribuent des tracts expliquant la réforme sur le campus Strasbourgeois. Et si certains promettent d'être présents le lendemain, d'autres n'avaient pas entendu parler de la réforme et sont plus circonspects. Deux étudiantes, après avoir lu le tract, reviennent vers les syndicalistes avec une question : "Pourquoi êtes-vous contre la sélection, alors que les classes à l'Université sont surpeuplées ?" "Le problème, ce n'est pas qu'il y a trop d'étudiants, ce sont les moyens qui manquent pour les accueillir, répondent ces derniers. Instaurer des critères de sélection, c'est aggraver la sélection sociale." Pour ces étudiants engagés, c'est aussi tout le principe d'une Université ouverte à tous qui est remis en cause.
La méconnaissance par les étudiants des lois qui vont les concerner est un des problèmes les plus préoccupants, pour l'Unef Strasbourg. Selon son président, Colin Jude, la campagne médiatique à l'initiative du gouvernement a biaisé le débat, en réduisant la question de l'accès à l'Université à un choix entre le tirage au sort et la sélection. Son organisation, non signataire du communiqué intersyndical strasbourgeois, appelle à se mobiliser partout en France. Dans le Grand Est, il explique que ses militants se concentreront sur les villes de Nancy et Metz, "où la mobilisation est plus avancée", mais fera tout de même "acte de présence" à la manifestation strasbourgeoise.
Et si toutes les organisations étudiantes classées à gauche appellent à manifester, ce n'est pas le cas de l'Afges, majoritaire dans les conseils universitaires de Strasbourg mais beaucoup plus rarement encline à prendre la rue. "Nous nous plaçons plus dans le dialogue et la construction" explique son président, Thibaut Haan. Et même s'il concède que le projet de loi peut représenter "une sélection qui ne dirait pas son nom", il estime qu'un "bon chemin a été fait grâce aux rencontres avec le gouvernement", et souligne "l'obligation légale de faire un choix dans les filières en tension".
Pour le SNES de Strasbourg, la manifestation du 1er février n'est que le début d'un long combat contre l'élitisation de l'enseignement : "Tout part de l'Université, avec Parcours sup, mais avec les réformes du bac et du lycée, entrent dans un projet cohérent de ce gouvernement pour l'éducation". Un projet que l'intersyndicale est déterminée à combattre.
Pierre-Olivier Chaput