Professeure de français à Schiltigheim, Céline Lapertot est aussi une auteure reconnue. Elle présentait ce lundi 26 février son troisième livre, Ne préfère pas le sang à l'eau (Éditions Viviane Hamy), à la librairie Kléber de Strasbourg.
Jusqu'à présent, dans ses romans, Céline Lapertot s'intéressait surtout aux femmes. Charlotte, la jeune adolescente battue puis parricide de Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre. Séraphine qui, après avoir tout perdu, fait elle aussi le choix d'agir plutôt que de subir dans Des femmes qui dansent sous les bombes. Cette fois, l'héroïne laisse sa place au héros, Thiego, personnage principal de Ne préfère pas le sang à l'eau.
Le sang, c'est la menace de la guerre, de la tyrannie. Plutôt que de s'intéresser à un pays en particulier, Céline Lapertot a choisi d'en imaginer un : Cartimandua, un pays prospère et apaisé qui échappe à la sécheresse qui frappe ses voisins grâce à son immense citerne. "C'est une fable dystopique avec un fond de réflexion", indique l'auteure devant un public d'une cinquantaine de personnes rassemblées à la librairie Kléber. "La citerne de Cartimandua, c'est un peu la boîte de Pandore : elle les préserve de la catastrophe mais fait vaciller le pouvoir quand elle explose." Derrière cette métaphore se cache un message sur la fragilité de ce que l'on croit acquis : le luxe que représente la liberté et qui se volatilise en une fraction de seconde.
Celine Lapertot. Crédit photo : Cuej / Kévin Brancaleoni
Et si Thiego, choisit d'agir avec les mots, de dénoncer les dérives politiques de son pays, d'autres se montrent moins héroïques. "Chacun ignore s'il ne serait pas prêt à quelques bassesses pour préserver ses acquis", dit-elle au sujet de ces personnages qu'elle a voulu complexes, peu manichéens.
L'acquis, ici, c'est l'eau. L'or bleu est le véritable trésor de Cartimandua, celui qui attire le peuple voisin des "nez-verts". "Je n'avais pas envie de prendre un peuple qui existe réellement", explique Céline Lapertot. Ces migrants sont peu nombreux - environ 300 -, mais leur présence cristallise les tensions. Parmi eux, une petite fille, Karole, qui sert de fil rouge au roman, "tombée amoureuse" de la citerne. Elle est la première à périr lorsque le réservoir explose, noyée alors qu'elle était venue boire. À travers ce drame, l'auteure souhaitait sensibiliser à la question de l'eau, dont la présence et l'abondance semblent acquises dans nos sociétés modernes, au point qu'on ne réalise plus à quel point elle est "précieuse". Comme la démocratie...
Malgré la reconnaissance critique, Céline Lapertot n'a pas abandonné sa première vocation : le professorat. Elle enseigne toujours les lettres au collège Leclerc de Schiltigheim, et compte bien continuer. "Quand je suis professeure, je suis professeure, j'enseigne", affirme-t-elle avec conviction. Quant à ses élèves, "globalement, ils se fichent" de cette double carrière. Pour elle, il s'agit de deux mondes distincts qui ne doivent pas se côtoyer. Même avec ses collègues, le sujet vient rarement sur la table. Pourtant, certains ont fait le déplacement et sont venus l'écouter à la librairie Kléber. Comme un pont entre ses deux mondes.
Kévin Brancaleoni
Ne préfère pas le sang à l'eau, Céline Lapertot, Éditions Viviane Hamy, 152p, 17 euros.