Lauréat en novembre dernier à Strasbourg du prix Plumes Libres pour la démocratie, le dessinateur portugais Vasco Gargalo est aujourd’hui attaqué pour des caricatures jugées antisémites.
« La liberté d’expression s’arrête aussi où commence celle des autres », rappelle souvent le bédéiste belge Philippe Geluck, face aux débats que suscitent les dessins de presse. Il y a trois mois, le Portugais Vasco Gargalo, dessinateur pour Courrier international, publiait sur son compte twitter deux caricatures de Benyamin Netanyahou, jugées antisémites. «Les dessins véhiculent des poncifs antisémites et utilisent la Shoah de façon ignoble, sous couvert de critique de la politique de Netanyahou, dénonce à Cuej.info Pierre Haas, délégué du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en Alsace. Je suis Charlie, je défends le droit à l’irrespect quand c’est amusant, mais si ça ne blesse pas des gens et que ça ne porte pas des messages de haine.» Aucun doute, selon lui, l’étoile de David est le symbole du judaïsme et non du drapeau d’Israël, complété «par deux traits bleus».
O crematório #natanyahu #Israel #israel #Palestine #PalestineUnderAttack #BenjaminNetanyahu pic.twitter.com/gbZ0pRPDMt
— Vasco Gargalo (@vascogargalo) November 15, 2019
Ironie du sort, il y a trois mois Vasco Gargalo participait au Forum de la démocratie, qui prône la liberté et la paix mondiale. Son dessin de presse représentant Marielle Franco, militante des droits de l’homme assassinée au Brésil, avait même reçu le prix du public Plumes libres. Dans un communiqué de presse publié ce mardi, les co-organisateurs de la rencontre, l’hebdomadaire Courrier international et la Ville de Strasbourg, ont condamné fermement les dessins antisémites : «Cet amalgame odieux consistant à utiliser la représentation de la Shoah pour illustrer la politique du gouvernement israélien est absolument inacceptable.» Ils ont d’un commun accord, décidé de lui retirer son prix.
Des dessins qui n’ont plus bonne presse
Ce n’est pas la première fois qu’un caricaturiste franchi la frontière entre l’antisionisme et l’antisémitisme. En avril 2019, une caricature d’Antonio Antuner, publiée dans le New York Times et représentant le dirigeant hébreu en chien guide, tenu en laisse par Donald Trump, avait déjà suscité un tollé auprès de la communauté juive. Une polémique qui a poussé le quotidien américain à arrêter toute publication de dessins politiques dans son édition internationale.
Le caricaturiste portugais s’était alors défendu dans les colonnes de Libération, en expliquant : «Les Israéliens ont choisi l’étoile de David comme élément de leur drapeau. Et un cartoon raconte une histoire : là, celle d’un aveugle conduit par un chien guide. Pourquoi un chien ? Les aveugles ne sont pas guidés par des vaches ou des chevaux.» Pour lui, il s’agit d’un «cartoon antisioniste, pas antisémite. Beaucoup de gens se trompent et notamment Trump.»
Contacté ce mardi 4 février, Vasco Gargalo n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Emma Conquet