Les salariés portugais vont de nouveau prendre le chemin de la rue samedi 11 février pour une grande manifestation destinée à protester contre l'austérité. Le gouvernement refuse de demander l'aide internationale alors que le pays se rapproche du gouffre.
Des centaines de milliers de manifestants sont attendus dans tout le pays samedi après-midi. (Photo: Pedrosimoes7 via Flickr)
Elle n'a pas encore débuté, mais la manifestation de cet après-midi promet déjà d'être l'une des plus importantes jamais organisées dans le pays depuis le début de la crise. Selon econostrum.info, magazine économique consacré à la région Méditerranée, le nombre de bus affrétés pour faire converger les manifestants jusqu'à la capitale est trois fois plus important que lors les plus grandes manifestations organisées jusque là et qui ont rassemblée entre 200 000 et 300 000 personnes. Retour sur les chiffres de la crise.
78 milliards d'euros, c'est l'aide exceptionnelle accordée par le FMI et l'Union européenne au Portugal en mai 2011. Le déficit portugais s'établissait alors à 9,1 % du PIB et la dette publique à 160 milliards d'euros. En échange de cette aide, Lisbonne s'est engagé à mettre en oeuvre sur trois ans un programme drastique de rigueur budgétaire et de réformes censé permettre de renouer avec la croissance. Mais le train de mesures déjà mis en place a fait plonger le pays dans une récession, encore plus forte que prévu. La Banque du Portugal annonce déjà -3 % de croissance pour 2012, le chômage qui s’est fixé à 13,6 % de la population atteint un niveau record, sans perspective d'amélioration. La consommation interne est atone, et pour cause : selon la dernière étude d’Eurostat, un quart de la population portugaise est désormais en dessous du seuil de pauvreté.
Aujourd'hui, le Portugal est considéré comme le second maillon faible dans la zone euro, juste derrière la Grèce. Même si les autorités affirment que le plan d'austérité mis en place permettra de remettre le pays sur les rails de la croissance, les investisseurs manifestent ostensiblement leur méfiance sur les marchés financiers. Le Portugal, désormais comme considéré comme "spéculatif" par les agences de notation, voit ses taux obligataires s'envoler. Fin janvier, le rendement des obligations à 10 ans se situait ainsi à près de 14%, au plus haut depuis la création de la zone euro. Une situation fort comparable à celle de la Grèce en juillet 2011, avant qu'elle ne sollicite un second programme d'aide.
Alors que le traitement de choc semble tirer chaque jour le pays un peu plus près de la banqueroute, le gouvernement portugais refuse toujours d'envisager une aide supplémentaire. "Nous ne demandons ni plus de temps, ni plus d'argent", a ainsi souligné le Premier ministre portugais, Pedro Passos Coelho, dans un entretien à l'hebdomadaire Sol publié le 3 février.
Pourtant même l'Allemagne s'est montré disposée à intervenir. Une vidéo qui fait l'actualité depuis hier, vendredi 10 février, montre une conversation à Bruxelles entre le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, et son homologue Portugais Vitor Gaspar. "S'il y avait besoin d'un ajustement pour le (programme d'aide au) Portugal nous serions prêts à le faire", déclare Wolfgang Schäuble sur cette vidéo, prise apparemment à l'insu des deux responsables. "Ceci est très apprécié", répond le ministre portugais.
Pour les Portugais, cette conversation ouvre un nouvel espoir. En plus d'une nouvelle aide financière, ils espèrent également un ralentissement des mesures d'austérité et l'abandon par le gouvernement de sa réforme du Code du travail, censée "relancer la compétitivité des entreprises portugaises".
Anne-Claire Poirier
Crédit photo : Dorneles Dialla pour Editorial J