Cumulant près de 270 millions d'euros de recettes depuis sa sortie aux Etats-Unis, le dernier film de Clint Eastwood débarque mercredi en France. Une oeuvre qui suscite la polémique outre-Atlantique, mais globalement encensée par la critique française.
"Clint Eastwood réalise un très grand film sur un conflit détestable, sur un vétéran idéaliste, au regard affûté, son déni face à la mort, ses traumas psychologiques qui affleurent." A l'image du Journal du Dimanche, la presse française tire son chapeau au patriarche du cinéma américain, à l'occasion de la sortie en France de son nouveau film, American Sniper. Un biopic retraçant la vie du tireur d'élite américain Chris Kyle, envoyé quatre fois en Irak dans les années 2000. Et qui a fait officiellement 160 victimes.
La majorité des journaux de l'Hexagone, à l'instar de Télérama, insistent sur le parti pris américano-centré d'Eastwood, explicitement signalé dans le titre même du film. Fondé sur l'autobiographie du tireur d'élite des Marines publiée en 2012, le film adopte donc le point de vue de son héros, sans pour autant basculer dans la propagande guerrière. "Ce manichéisme est filmé comme tel. Clint Eastwood montre sèchement la fabrique d'un dur, d'un soldat persuadé d'être investi d'une mission de protection de ses compatriotes. Et saisi d'une révélation existentielle face aux images du 11 septembre 2001", explique Télérama.
Pour une grande partie de la presse hexagonale, le réalisateur américain, à travers les yeux de son personnage, dépeint les ravages de la guerre sur les soldats. Il montre le décalage entre la vie sur les théâtres d'opérations extérieures et le retour aux Etats-Unis. "Loin d'être une apologie de la violence, ce portrait d'un patriote est une œuvre complexe sur la guerre et les hommes qui la font", souligne ainsi Le Figaro sur le même ton.
Une des seules voix discordantes est celle de Libération au titre ironique : "American Sniper, pan-pan séquence". Le quotidien s'en prend au manichéisme véhiculé, selon lui, par Eastwood. "Le halo d’ambiguïté morale que fabrique souvent Eastwood autour de ses personnages, et que son éternel rictus vengeur exemplarise dans tant de scènes d’anthologie, laisse ici place à l’affrontement entre le bien et le mal."
La critique fait écho au vif débat suscité outre-Atlantique. En cause : les valeurs que le film véhiculerait. Glorification de la violence, bellicisme forcené et racisme anti-musulman. Dans un pays toujours traumatisé par la longueur de l'engagement de l'armée américaine en Irak entre 2003 et 2011, la polémique a pris un tour politique. Libéraux et conservateurs s'affrontent sur le sujet dans une joute symbolisée par l'échange sur Twitter entre Michael Moore et Sarah Palin (aux côtés du sergent Dakota Meyer).
My uncle killed by sniper in WW2. We were taught snipers were cowards. Will shoot u in the back. Snipers aren't heroes. And invaders r worse
— Michael Moore (@MMFlint) 18 Janvier 2015
Here's a tribute to you @MMFlint Michael Moore. Share it and make it trending #michaelmoore pic.twitter.com/1UN9KJfPPJ
— Dakota Meyer (@Dakota_Meyer) 23 Janvier 2015
American Sniper est en tout cas bien placé dans la course aux Oscars puisqu'il est nommé dans six catégories, dont celles de meilleur film et de meilleur acteur.
Maxime Battistella