Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme espérait fêter ses vingt ans en beauté en janvier. Mais la pandémie de Covid-19 en a décidé autrement. La fondation a poussé un cri d'alarme mercredi 8 septembre dans son rapport annuel. Pour la première fois depuis sa création, le dépistage du VIH (virus de l'immunodéficience humaine, responsable du sida) a chuté dans le monde, tandis que les programmes de prévention peinent à atteindre les populations les plus vulnérables. La France n'est pas épargnée. Gaël1 est salarié depuis six ans par la branche départementale d'AIDES. Depuis 1984, cette association sensibilise, dépiste le VIH et les hépatites, et soutient les personnes infectées. Il raconte comment la pandémie a entravé le combat contre le VIH.
• Pourquoi le Covid-19 a entraîné un ralentissement des dépistages du VIH ?
C’est mécanique : le personnel et les moyens hospitaliers ont été très occupés par le Covid et ont eu moins de temps pour dépister les infections sexuellement transmissibles (IST) ou prescrire la PrEP (Prophylaxie pré-exposition, qui permet de réduire le risque de contracter le VIH via la prise d’un médicament lors d’une prise de risque, NDLR). Certains laboratoires, accaparés par les tests Covid, étaient moins disponibles pour les IST, tandis que les médecins infectiologues suivaient des cas de Covid plutôt que de VIH.
• Quel impact a eu la pandémie de Covid-19 sur les actions d’AIDES 67 ?
Auparavant, des gens passaient à l’improviste dans nos locaux, mais avec le Covid, on a dû passer à un accueil sur rendez-vous. On a perdu de vue pendant six mois des personnes qui venaient tous les mois se faire dépister. Des partenaires chez qui nous effectuons des actions de prévention et de dépistage, comme les structures d’accueil des personnes migrantes et demandeurs d’asile, ne pouvaient plus nous recevoir. D’autres ont carrément fermé, comme les sex-clubs. Et pendant le couvre-feu, impossible de réaliser des maraudes la nuit auprès des travailleuses du sexe. On a aussi fait face à une chute de la mobilisation des bénévoles, puisque certaines personnes vulnérables ont été obligées de se mettre en retrait.
• Comment AIDES 67 s’est-elle adaptée à la situation sanitaire ?
On a essayé des alternatives, comme la visio pour les réunions internes ou les groupes de parole, mais c’est moins convivial que les réunions en présence, où on réfléchit pendant deux heures avant de boire un coup pendant une heure. On a aussi envoyé des autotests de dépistage par la poste, en proposant avant des entretiens individuels par téléphone ou en visio, parce que notre cœur de métier c’est de réduire les risques d’infection, pas de dealer des autotests, qu’on trouve en pharmacie. Et nous nous sommes adaptés aux besoins en faisant en parallèle de la prévention Covid, par exemple, auprès des travailleuses du sexe. Nous sommes quasiment les seuls à aller les voir, donc nous leur avons distribué du gel hydroalcoolique et nous avons été formés pour les sensibiliser aux symptômes du Covid et savoir vers qui les orienter.
• Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les choses ont en partie redémarré. Certes, on ne peut toujours pas se réunir, mais la tension hospitalière a un peu diminué, le suivi du VIH et le dépistage ont repris à peu près normalement et nos partenaires ont rouvert leurs portes. Impossible pour le moment de donner des chiffres sur les conséquences de la pandémie. Mais il y a aura très probablement des diagnostics plus tardifs et des personnes découvriront qu’elles ont été infectées plus longtemps après la contamination.
1 Il a souhaité préserver son anonymat.
Yasmine Guénard-Monin
Thomas, c’est aussi une star et un pilier du Bunny’s. "Je viens trois-quatre fois par semaine, raconte-t-il. J’ai rencontré du monde ici, c’est un exutoire. Souvent, les gens chantent des chansons qui leur parlent. Par exemple, quand je chante Mon fils, ma bataille, de Balavoine, j'ai la larme à l’oeil, car je me bats pour la garde de mon fils." Les néons roses se reflètent dans ses pupilles.
Balavoine, c’est toute sa vie : "En 2011, je chantais Je ne suis pas un héros, en remplaçant "héros" par "euro". J’avais des problèmes dans les médias car je venais d’acheter le Racing Club de Strasbourg pour un euro. Donc la phrase "faut pas croire ce que disent les journaux" me parlait. Regarde, quand tu tapes mon nom sur internet il y a pas mal d’articles sur moi à l’époque." Thomas est en effet Thomas Fritz, l’ingénieur informatique qui était devenu actionnaire majoritaire du RCS en 2011, pour la somme modique de 1 euro.
Il est maintenant 1h30 du matin. Jacques est toujours là, sa bouteille customisée un peu moins. On lui demande à quelle heure il compte partir. Jacques regarde sa montre. Il fait semblant d’hésiter, sourit, et lâche : "A la fermeture, vers 4 heures." Comme une étoile qui s'éteint dans la nuit.
Grégoire Cherubini
John, la quarantaine, vient de Californie. Sa prestation sur la très énergique Basket Case, de Green Day, ne passe pas inaperçue. "Cette chanson me rend nostalgique, j’ai grandi avec", raconte l’Américain de passage pour trois jours à Strasbourg.
"Alors la photo, ça vient ?"
Les étrangers, beaucoup d’Erasmus, sont nombreux dans le bar. "On a une chanson nous aussi", nous interpelle une blonde aux yeux bleus, la vingtaine, pensant que l’on note les demandes des gens. Charlène "aka Charly B" est venue avec trois amies françaises et trois Allemands, rencontrés dans son Master. Elle regrette que leurs chansons allemandes n'aient pas beaucoup de succès au Bunny’s.
Il est 23h30. Circuler dans le bar devient difficile, repérer qui chante aussi. Régulièrement, deux noms sont scandés par la foule. Après chaque prestation sur du Johnny, de nombreux fans demandent à Jacques une photo avec lui. "Alors la photo, ça vient ?" réclame la star, qui s’impatiente. "Un habitué du bar lui a même créé un compte Instagram, pour les fans !", nous montre Thomas sur son smartphone.