Jacques, c’est la star du Bunny’s, un bar karaoké de Strasbourg. La preuve : il est le seul à avoir une bouteille de whisky avec son prénom inscrit au marqueur sur le comptoir. Et sûrement le seul à avoir comme nom de scène Johnny. "Comme le chanteur". Impossible de rater Jacques : sur son t-shirt blanc, qui brille dans la nuit grâce aux lumières UV, l’idole des jeunes fume une cigarette.
Jacques a dit : "Johnny, je l’ai connu personnellement. J'ai joué avec lui au clavier de 1978 à 1980. Pendant deux ans, j’ai vécu des soirées inoubliables. Puis je l’ai vu 17 fois en concert, dans toute la France."
Comme Johnny, Jacques a des fans : "A chaque fois que je viens, il est là !". Linda, la vingtaine, a choisi une place sous l’écran, aux premières loges du spectacle de "Johnny". Depuis quelques années, elle habite Londres, mais revient au Bunny’s dès qu’elle est à Strasbourg. "Je chante des chansons de mon adolescence. Les gens sont nostalgiques", raconte-t-elle avant de se lever pour aller chanter Au Soleil, de Jenifer. La salle se remplit rapidement, les places assises se font rares, elle transpire la nostalgie.
Cédric, 45 ans – « Notre journée, c’est attendre »
Depuis 1990, plus de 130 numéros du News d'Ill, le magazine des étudiants de deuxième année du Cuej, sont parus dans les kiosques. Nous replongeons dans ses archives pour répondre à la question : mais que sont devenus celles et ceux qui y ont participé ?
Aujourd'hui, c'est au tour de Pantxica Béguerie, directrice du musée Unterlinden, de se confronter au passé. En mars 1990, pour le deuxième numéro du News d'Ill, elle avait été interviewée par Véronique Baud et Geneviève Moindrot pour un article sur celles et ceux qui œuvrent à rendre les musées plus attractifs. Trente après, l'Unterlinden et Pantxica ont beaucoup évolué, mais ils sont restés fidèles à leurs ambitions.
Rafael Andraud
Laurence, 49 ans – « J’ai rencontré mon compagnon à l’usine »
« Quand je suis arrivée en 1998, c’était une usine jeune, on avait tous entre 18 et 23 ans. J’ai rencontré mon compagnon en 1999, il était arrivé chez Knorr quelques années avant moi », raconte Laurence, Strasbourgeoise de 49 ans, la voix cassée par le tabac. « Avec les collègues, on a grandi et vieilli ensemble, je connais les gamins de tout le monde, maintenant on a tous la cinquantaine ». En colère, l'ouvrière chargée du filmage et du conditionnement des soupes a vécu l'annonce de la fermeture de l'usine en mars dernier comme une trahison : « Je me sens blessée, humiliée, c'est des monstres, des menteurs », fulmine-t-elle en allumant une énième cigarette. Son engagement dans la lutte contre la fermeture n'y changera rien, elle et son compagnon se retrouveront bientôt sans emploi : « C’est difficile d'être licenciés en même temps. Chacun de nous fait effet miroir à l’autre vis-à-vis de la situation. Il y a d’ailleurs certains couples d’employés qui se sont séparés à la suite de la fermeture. Nous, on touche du bois ». Leur avenir rime surtout avec incertitude. « On essaye de faire des projets mais, pour l'instant, ça part dans tous les sens. En soi, le job à l'usine ne m'a jamais passionné, mais le fait qu'on soit bien payé et qu'on puisse partir en voyage, ça compense. Ce qui est sûr c'est que, pour moi, l'usine c'est terminé. Je ne veux plus travailler dans un monde aussi inhumain. »