Ce mercredi, Angela Merkel s'est rendue à Paris pour préparer avec François Hollande le sommet européen de jeudi sur le budget. Le président français est toujours vu d'un regard critique par les médias allemands.
« La chimie franco-allemande. Comment Merkel et Hollande s'entendent. » C'est le titre ce mercredi sur le site du Deutschlandfunk, la station radio publique la plus influente en Allemagne. Une vision positive qui n'est pas partagée par les autres médias allemands. Avant le sommet européen sur le budget de l'UE qui se tiendra le 7 et 8 février à Bruxelles, Angela Merkel et François Hollande voulaient aborder les questions les plus importantes à l'Elysée. Mais la plupart des médias allemands ont ignoré l'événement, prêtant plus d'attention au fait que les deux dirigeants allaient assister ensemble au match de foot qui oppose la France et l'Allemagne au stade de France.
Depuis son élection, les médias en Allemagne étaient sceptiques vis-à-vis de François Hollande, lui laissant pourtant la possibilité de faire ses preuves. Après six mois de présidence, le ton a changé : trop hésitant, trop opportuniste. La guerre au Mali et les 50 ans du traité de l'Élysée n'y ont – hormis quelques exceptions – pas changé grand chose.
Le président sous-estimé
Deux jours avant le deuxième tour de la présidentielle, le 4 mai 2012, le quotidien berlinois Der Tagespiegel évoquait la possibilité d'un nouveau duo "Merkollande". Même si le journal a constaté une certaine compétence et fiabilité chez François Hollande, il s'est montré sceptique vis-à-vis des projets d'investissements publics pour relancer l'économie de la zone euro. Mais il y avait aussi des pronostics bienveillants. Tagesschau.de, le site du JT le plus important d'Allemagne, a titré le 6 mai 2012: "Der Unterschätzte" ("le sous-estimé") : l'image du fonctionnaire gentil serait trompeuse.
Juste après le premier tour des législatives, le 11 juin 2012, le correspondant à Paris du quotidien munichois Süddeutsche Zeitung, Stefan Ulrich, estimait qu'une majorité socialiste à l'Assemblée nationale étaient un signal fort pour l'Europe : celui d'un président français fort à l'intérieur et donc fort aussi à l'extérieur. En revanche, il s'interrogeait sur la façon dont Hollande allait procéder à la réduction des dettes publiques et embaucher 60 000 professeurs d'écoles sans entamer d'ambitieuses réformes.
"Merkollande se rapproche", voilà le titre du Tagesspiegel deux jours avant le second tour de la présidentielle.
Un premier bilan décevant
Après six mois de présidence, les médias allemands ont changé d'opinion. La France risquerait de connaître le même sort que l'Espagne et l'Italie et serait ainsi un véritable risque pour l'équilibre économique de la zone euro. Le correspondant à Paris du grand hebdomadaire Der Spiegel, Mathieu von Rohr, a dressé une liste des problèmes dans un article paru le 5 novembre 2012. Parlant de François Hollande comme d'un "Zauderer" ("hésitant") le journaliste dénonce l'incapacité du président à aborder les problèmes économiques les plus évidents de son pays : déroute de la production industrielle, un État trop régulateur, perte de compétitivité et chômage. Der Tagesspiegel salue la taxation de 75% des plus hauts revenus dans un article publié le 29 février 2013. Cependant, l'auteur n'y voit qu'un symbole peu enclin à renflouer les caisses de l'État français.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung voit Hollande comme un "général".
Une guerre et des questions ouvertes
Le compromis trouvé en janvier entre le patronat et les syndicats pour flexibiliser le marché de travail a connu un écho favorable en Allemagne, même si certains ont tout de suite revendiqué des réformes plus conséquentes. Dans un article paru le 3 février dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le directeur de la publication du quotidien, Günther Nonnenmacher, a remarqué que la guerre au Mali ne pouvait pas cacher les problèmes à l'intérieur de la France, notamment le chômage croissant.
En revanche, Gero von Randow, correspondant à Paris de l'hebdomadaire influent Die Zeit, a salué l'action et le courage du président Hollande dans un article, le 17 janvier, tout en revendiquant plus d'engagement de la part du gouvernement allemand. Les 50 ans du traité d'Elysée ont été l'occasion pour Mathieu von Rohr du Spiegel de rappeler les différences entre Angela Merkel et François Hollande. Dans son article intitulé "Die anstrengende Freundschaft" - l'amitié épuisante - du 22 janvier, il a remarqué que la guerre au Mali et la gestion de la crise financière dans la zone euro pesaient sur la relation entre les deux pays, même si les deux dirigeants se tutoyaient depuis peu.
Pas sûr que le résultat du match entre la France et l'Allemagne ait arrangé les choses (ndlr : la France s'est inclinée 1 but à 2 mercredi soir).
Robert Gloy