Conséquence du réchauffement climatique, une partie des cigognes blanches ne migre plus pendant l’hiver. À Strasbourg comme dans le reste de l’Europe, l’oiseau pioche dans les déchets alimentaires des centres de tri ou de transformation pour se nourrir en période de grand froid.
Une dizaine de cigognes peuplent le parc de l’Orangerie de Strasbourg, en ce début de mois de février. Photo François Bertrand
Le thermomètre affiche des valeurs négatives, ce mercredi 5 février à Strasbourg. Pour s’offrir une promenade dans la capitale alsacienne, il valait donc mieux sortir l’attirail d’hiver. Nichées fièrement aux sommets des arbres du parc de l’Orangerie, les cigognes, elles, n’ont que leurs plumes pour affronter les températures glaciales. Certaines reviennent d’une virée au cœur de l’air chaud de la péninsule ibérique ou du Maghreb. D’autres ont passé l’hiver en Alsace.
À cause du réchauffement climatique, l’épisode de migration des cigognes blanches se raccourcit d’année en année. "En théorie, elles partent de septembre à mars, mais depuis deux, trois ans, c’est plutôt d’octobre à janvier", explique Dominique Klein, ornithologue lorrain, avant d’ajouter que 30 % de la population de l’espèce est devenue sédentaire.
"Elles sont partisanes du moindre effort"
En plus de la hausse globale des températures, un autre facteur vient expliquer la baisse de la mobilité des cigognes. L’oiseau quitte moins l’Europe pour le froid que pour dégoter de la nourriture. Leurs proies invisibilisées par le gel en hiver, les cigognes trouvent leur bonheur dans les zones industrielles.
"Elles ont bien compris qu’il y avait des centres d’enfouissement alimentaires partout. Elles sont partisanes du moindre effort. Nous aussi, les humains, quand on trouve un magasin à 2 km, on n’a pas besoin d’aller plus loin", compare Dominique Klein. À Strasbourg, les cigognes envahissent le Port du Rhin. "On en a une cinquantaine par jour d’habitude, un peu moins en hiver. Elles viennent piocher dans les tas de déchets ménagers, au sein desquels il y a une forte présence de restes alimentaires", explique un employé de Sardi, entreprise spécialisée dans la collecte, le recyclage et la valorisation des déchets.
Des modifications alimentaires à risque
Le volatile a aussi été aperçu dans le secteur du côté de Suez Organique. Le centre de méthanisation d’aliments, qui réalise des travaux d’extension sur son hangar, a couvert ses bennes à déchets d’une tente bâchée. "Il y a des produits invendus, et dont certains n’ont pas passé le contrôle qualité. Pas de quoi fournir un restaurant cinq étoiles aux cigognes", blague Catherine Millot, salariée de l’agence.
La nourriture périmée ne fait pourtant pas partie du régime alimentaire originel de l’oiseau totem de l’Alsace. L’espèce, dont la Ligue pour la protection des oiseaux dénombrait 5 000 couples en 2024, consomme habituellement des petits mammifères, mais surtout des batraciens et des lombrics. "Les cigognes ont une très bonne vue. Mais dans un centre d’enfouissement, elles confondent souvent les vers de terre et les élastiques, témoigne Dominique Klein. Si elles en mangent en trop grande quantité, elles sont incapables de les régurgiter et elles meurent."
Malgré les risques, la présence de cigognes s’intensifie autour des décharges sauvages à ciel ouvert. En Alsace, d’après les résultats d’une enquête participative réalisée par France Info, il en existait huit en 2019.
François Bertrand
Édité par Lucie Campoy